En 2005, l’ancien ministre François Boko soumet un plan de sauvetage du pays à l’état-major de l’armée : la mise en place d’un gouvernement de transition avec Abbas Bonfoh pour président par intérim, et un premier ministre issu de l’opposition, dont le but avoué serait de réaliser les bases d’un state building.
Il faut être burné pour le faire. En tant que ministre de l’intérieur, et partant le premier flic du pays, François Akila-Esso Boko, caution intellectuelle du gouvernement Eyadema, en était en réalité aussi le visage de la modernité et celui d’une démocratie possible.
Le 25 février 2005, Faure Gnassingbé démissionne sous la pression de la Communauté internationale et surtout grâce à l’intense travail de lobbying du président de la Commission de l’Union Africaine, Alpha Oumar Konaré. Certes, le fils d’Eyadema, qui venait d’être désigné pour porter les couleurs du RPT à la présidentielle du pouvoir, garde la réalité du pouvoir politique. Néanmoins, son départ laisse quelques coudées franches à François Boko.
C’est un secret de polichinelle, François Boko a une vision d’horreur de l’installation du fils d’Eyadema au pouvoir. Il pense que Faure Gnassingbe n’a ni les compétences ni les qualités d’un homme d’Etat. Il n’a que mépris pour lui, comme en témoignent les câbles Wikileaks, véritable vivier de renseignements de première main sur le régime Eyadema.
Face au climat politique délétère dans lequel se déroule le processus électoral, le risque d’un chaos et du délitement de l’Etat se profilant à l’horizon, François Boko se décide à agir. Il est le premier flic, et est très renseigné.
Un gouvernement de transition
Il convoque alors l’état-major de l’armée, puis le gouvernement par intérim et leur soumet un plan de sauvetage du pays. Pour le ministre de l’intérieur d’alors, il faut annuler l’organisation de la présidentielle et mettre sur pied un régime de transition.
« Dans cette perspective, il y a lieu pour éviter le pire et le chaos, que la classe politique se retrouve autour du Président de la République par Intérim pour envisager une transition politique d’un à deux ans afin de réconcilier le pays avec quelques axes d’effort », dit-il.
Pour lui, il faut «nommer un leader de l’opposition Premier Ministre chargé de former sous l’autorité du Président de la République par Intérim, un Gouvernement de transition représentatif de la classe politique principalement de l’opposition et de la majorité».
Puis, « mettre en place une commission chargée de proposer au Gouvernement, un avant projet de loi fondamentale en vue de doter le Togo d’une Constitution et d’une Charte des partis et poser de nouvelles règles saines permettant de bâtir l’État de droit et de consolider la démocratie ».
Il a également pensé à une commission chargée « de réconcilier le pays avec lui-même et avec son armée en proposant une amnistie générale pour permettre le retour au pays de nos compatriotes vivant en exil ».
Pour lui, la question de l’armée doit être résolue une bonne fois pour toutes. Il prône de « rassurer l’armée en la dotant d’un Statut qui améliore les conditions matérielles de nos soldats, lui donne les moyens modernes de sa mission et lui garantit une neutralité nécessaire à la consolidation de la démocratie. ». « Il est intenable de continuer à mettre en permanence nos soldats sous pression à la recherche d’un ennemi du dedans qui n’existe pas », a-t-il encore déclaré aux militaires.
L’ancien chef d’escadron a pensé également à l’économie. S’il n’a pas dévoilé son programme économique, sa proposition était dans l’air du temps. Le Togo vivait alors près de 15 ans de suspension de la coopération économique avec l’UE et les principaux partenaires au développement. Il demandait la poursuite des négociations avec l’Union Européenne en vue de la mise en œuvre des engagements pris à Bruxelles le 14 avril 2004 et de l’ouverture des perspectives plus ambitieuses pour le développement du Togo, sans oublier la reprise de la coopération avec les institutions de Bretton Woods.
Bien entendu, François Boko fut mis en minorité. Sa proposition d’un gouvernement de transition lui attira les foudres du clan au pouvoir et on chercha alors à le pousser à la démission voire à l’éliminer. Sa démission à la veille de la présidentielle du 24 avril 2005 n’était qu’une suite logique.
Quinze ans après la chaotique présidentielle d’avril 2005, quelles considérations donner aux propositions du ministre quant à un gouvernement de transition ? Pourquoi François Boko a-t-il échoué ? Il avait convoqué une réunion des deux camps en présence de la CEDEAO que le candidat de l’opposition aurait boycotté, sous prétexte d’un agenda électoral chargé. Manifestement, l’opposition ne serait pas prête à écouter un autre son de cloche. Qu’est-il possible de faire aujourd’hui ?
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