Brasserie BB de Lomé : Deux journaux togolais accusent l’Ambassadeur de France d’inciter la HAAC à les sanctionner

L’Indépendant Express et La Symphonie sont invités à se présenter devant les instances de la HAAC ce mercredi 9 octobre, sur plainte de la Brasserie BB de Lomé, … avec la bienveillance de l’ambassadeur de France au Togo.  

Les deux journaux ont dans leurs publications numérique et papier rapporté des anomalies relatives à la qualités des produits de la Brasserie BB de Lomé distribués au Togo. Les faits rapportés concernent l’hygiène et le manquement aux normes de fabrication ou de commercialisation.

« Alerte : Brasserie BB : Une cargaison de boissons Pils gâtées déversées sur le marché », titre l’Indépendant Express le 2 septembre dernier. « Depuis près d’un mois déjà, une grande quantité de boissons Pils de mauvaise qualité est déversée sur le marché », note l’Indépendant Express. L’information est « parvenue » au journal par l’intermédiaire « des consommateurs qui, après avoir ouvert la bouteille ont constaté une anomalie dans la mousse au bout de la bouteille.» Selon le même journal, la Brasserie aurait retiré la « cargaison » pourrie du marché.

La Brasserie BB a fait des démentis, suivis par plusieurs journaux dans ce qui pourrait ressembler à une campagne de presse. Reste que quelques semaines plus tard, le journal Symphonie rentre dans la danse. Dans un premier temps, il fait mention de la présence d’un condom dans une bouteille de bière Lager, puis d’un corps étranger de couleur noirâtre flottant dans une bouteille de soda Youki. La Symphonie dit avoir pris soin de prendre un avocat qui a  commis un huissier pour établir le constat.

Manifestement, ces  journaux mettent en cause les conditions d’hygiène dans le processus de fabrication de ses produits par la brasserie BB  ainsi qu’un dysfonctionnement au niveau du service commercial.

Contre toute attente,  alors que l’on s’attendait à des plaintes en diffamation en justice, la BB de Lomé a préféré poursuivre les confrères au niveau de la HAAC. Rendez- vous est pris pour ce 9 octobre.

La HAAC sous influence ?

Selon la Symphonie, la convocation de la HAAC serait motivée par la main invisible de l’Ambassade de France. Il fait mention de la présence de l’ambassadeur de France le 3 octobre dernier à la HAAC au moment où le directeur général de la BB de Lomé, Thierry Ferraud , déposait sa plainte. La présence de l’ambassadeur – fortuite- était faite dans le cadre de l’ouverture d’une activité de l’ambassade de France avec la HAAC. Une présence néanmoins suspecte aux yeux du directeur de la Symphonie, Yves Galley, qui évoque sans détours une « affaire d’Etat ».

L’ambassadeur aurait fait des pressions  sur la HAAC pour faire taire les journaux rebelles, selon lui.  La HAAC, institution constitutionnelle chargée de la régulation des médias, a reçu un financement de l’ambassade de France. Un financement situé dans le cadre de ses missions. Mais la coïncidence parait trop juste pour ne pas éveiller des soupçons de collusion ou d’un trafic d’influence.

« Le soutien apporté par l’ambassadeur de France au  Togo le jeudi après-midi en accompagnant son ami Thierry Feraud à la HAAC pour déposer ses plaintes contre La Symphonie et l’Independant Express reste la preuve que l’offensive enclenchée contre les médias critiques des offres de la brasserie BB, société française, devient une affaire d’Etat », écrit en encadré le journal dans sa parution N° 147 du 7 octobre.

A l’absence de toute investigation sérieuse, on en est à la parole des deux journaux contre la BB de Lomé. Et les faits rapportés peuvent être facilement réfutables tant qu’il n’y a pas de preuves plus solides voire d’enquêtes plus approfondies.

Néanmoins, dans un pays digne de ce nom, il appartenait à BB d’apporter la preuve de son innocence, peut-être en faisant un recours devant les juridictions compétentes togolaises. En demandant à la HAAC d’intervenir, et vu le passé de cette organisation, n’y a-t-il pas une volonté de faire taire les deux journaux ?

Qui en veut à la Brasserie BB de Lomé ? Il faut noter que les accusations, graves, portées contre la brasserie se produisent dans un contexte de relations froides entre la BB de Lomé, propriété du groupe français Castel,  et les autorités locales.

Contexte de relations tendues avec les autorités togolaises

Bénéficiant des amitiés suspectes d’Eyadema, la BB de Lomé a fonctionné des années durant sans payer d’impôts et fut lourdement sanctionné d’un redressement fiscal de 60 milliards CFA par l’OTR en 2018. La société  dut également payer à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) 100 millions FCFA à titre d’impayés de cotisations patronales. Alors les lourdes pénalités pour fraudes fiscales ont–elles obéré les finances de la BB de Lomé au point de manquer aux normes de production ? Difficile de savoir à la lumière des faits non investigués  rapportés par nos confrères. Mais cela entraîne une ère de graves soupçons sur la BB de Lomé.

Cependant, à ces relations tendues s’ajoute la probable arrivée d’un nouveau concurrent. Selon certaines sources, une brasserie du groupe Heineken serait en construction à Adetikopé, non loin de Davié. Cette situation créerait-elle ces soubresauts dans les médias en vue de discréditer la BB de Lomé, qui sent visiblement le souffre? Heineken est déjà présente en Côte d’Ivoire en association avec CFAO.

La création de la BB remonte à l’époque Sylvanus Olympio dont c’était le projet avec un brasseur allemand de Hambourg. Le gouvernement Nicolas Grunitzky a repris le projet en portant la société sur les fonts baptismaux en 1964, avec pour actionnaires les Allemands et l’Etat du Togo. La longue grève générale a poussé les Allemands à céder leurs parts, reprises par les frères Castel.

Le groupe Castel est en situation de monopole en Afrique francophone et défraie quelquefois l’actualité par des  controverses. Le groupe qui se présente comme « familial et international » réalise des profits faramineux en Afrique. Il est présent à la fois dans la bière et le vin (la chaîne de cavistes Nicolas et des marques de vin Baron de Lestac, Vieux Papes ou encore Malesan). On l’accuse de répandre en Afrique ces fléaux que sont l’excès d’alcool, de sucre et la multiplication des bouteilles en plastiques. Par sa maîtrise des milieux politiques, le groupe dont plus de 80% de ces bénéfices en Afrique sont logés dans les paradis fiscaux, sans payer d’impôts jusqu’à récemment.

A propos Komi Dovlovi 1013 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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