Législatives 2024 au Togo : Toute l’Administration était candidate pour le parti UNIR

Les militants et cadres d'UNIR pendant le congrès du parti en février 2024

Les élections législatives et régionales du 29 avril 2024 au Togo continuent de défrayer la chronique, surtout après la proclamation des résultats par la CENI. Pour rappel, sur 113 sièges de députés à pourvoir, le parti au pouvoir (UNIR) a accaparé 108, jetant des miettes à l’opposition,  5 sièges…insuffisants peut-être pour former un groupe parlementaire, si UNIR continue dans sa logique gloutonne. …si l’opposition décide de siéger après une telle dérouillée électorale.

 Durant les campagnes électorales, ce parti a étalé les moyens dont disposent ses candidats pour acheter les consciences. Des dizaines de longs véhicules sont aménagés pour transporter les militants d’un lieu à l’autre. Histoire de faire croire à une mobilisation populaire massive derrière le parti.

Dans tout le pays, tous les cadres de l’administration ont mis le cap sur leurs localités d’origine, mobilisant ainsi les moyens de l’État. Ministres, conseillers, directeurs de cabinet, directeurs de sociétés, maires et députés sont tous déployés dans leurs villages. Leur présence et la horde d’hommes armés qui les accompagne créent une certaine méfiance au sein de la population.

Pour contourner cette ambiance de méfiance, on offre de petits cadeaux aux habitants. T-shirts, pagnes, casquettes, gadgets et autres à l’effigie du parti bleu marine sont offerts. Sans oublier quelques billets de 500 FCFA ou 1000 FCFA pour lesquels les jeunes se roulent par terre devant les candidats…histoire de cacher quelques misères dont ils sont responsables mais qu’ils ne  sauraient voir.

En réalité, cet étalage de richesses ou de moyens n’est que la conséquence de la mobilisation de toute l’administration confondue depuis des décennies au parti au pouvoir. Ces hommes nommés ou recrutés sur des bases partisanes et / ou (non) de compétences, s’obligent à mouiller le maillot pour conserver leurs acquis.

Candidate Victoire Tomégah-Dogbé, chef du gouvernement

Et tous s’y sont mis. En tête de cortège, le Premier ministre Victoire Tomégah-Dogbé, candidate dans sa localité d’origine, la circonscription du Vo. Dans le Zio, le controversé ministre de l’urbanisme Kodjo Adédzé  et vice-président d’UNIR a fait campagne en compagnie de son collègue chargée des mines, Mlle Mila Aziablé. Le très suffisant ministre de l’enseignement Dodzi Kokoroko s’est placé, sans coup férir, dans le Kloto, alors qu’il n’avait pas vraiment un passé militant. On trouve également Myriam Dossou-d’Almeida, ministre du Développement à la base et directrice de l’INAM. En dépit d’un rapport d’audit accablant pour sa gestion, elle a été élue haut la main ; les électeurs n’y ont vu que du feu.

Parmi les autres ministres en poste, on retrouve Kayi Mivédor du Commerce,  Hodin Kokou de l’enseignement technique, Apédo-Anakoma de l’Action sociale, Edem Kokou Tengué (économie numérique), Yawa Kouigan en charge de la communication, Atcha-Dedji Affo (transports), Sani Yaya (économie et finances), Lekpa Gbegbeni (agriculture), Tchede Issa (désenclavement et pistes rurales) et Zouhératou Tcha-Kondo Kassah-Traoré des Travaux publics. Une quinzaine de membres du gouvernement actuel.

Barons dans leurs baronnies

C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe. Le parti au pouvoir ne délaisse jamais ses anciens serviteurs, qui continuent la mobilisation pour leur maître. Baron un jour, baron toujours en “Unironie”. Ainsi, même les militants que l’on croyait aux oubliettes ont repris du service pour concourir pour répondre à l’appel du chef. Il en est ainsi de ce bon vieux professeur de géographie et liseur de motion, Selom Komi Klassou, ancien Premier ministre pendant 7 ans- plus longue longévité à ce poste. L’ancien  PM, qui reste selon les dires, un homme puissant du système, a été candidat dans son fief du Haho, qu’il tient en complicité  avec le chef traditionnel et historien improvisé, Agokoli IV.  Il a battu campagne sur le thème de la paix et des infrastructures, en fait un petit stade à Notse.

On a battu aussi le rappel de la famille. Ainsi Patrick Bolouvi et Mey Gnassingbé, tous deux demi-frères du chef de l’État, ont été élus respectivement dans la circonscription d’Agou et d’Amou. Un autre baron Akposso largué aux oubliettes, l’ancien PM Komlan Mally, a été également élu, alors que Georges Aïdam, ancien vice-président du CAR passé avec armes et bagages à la vice-présidence d’UNIR, a été sorti de sa léthargie pour candidater dans l’Ogou. Georges Aïdam, l’homme qui fait aimer Faure Gnassingbe dans l’Ogou malgré les massacres de 2005.

Reste une attraction, quelque chose d’insolite: un mélange de foot et de politique. L’entraîneur des Eperviers Tchanilé Tchakala, plutôt très peu connu pour ses activités politiques, est aussi élu dans la circonscription de Tchaoudjo. M. Tchanilé n’est ni un baron,  ni un politique, mais, apparemment, la mort du général Seyi Mémène, qui était à la fois militaire et président de la fédération de football, a donné une idée aux nouveaux maîtres UNIR dans le Tchaoudjo.

Directeurs de sociétés d’État mis à contribution

Pour les candidats qui occupent ou ont occupé des postes de responsabilité dans l’administration, on peut citer Adoyi Essowavana (OTR), Nana Nanfamé (NSCT), Datti Ayélé (Présidente du Conseil de régulation de l’ARCOP), Adadji Koffi Efanam (DG de l’agence nationale de gestion de l’environnement), Kakatsi Kossi Mawussi (ancien DG CEET), Katanga Mazalo (DG ANADEB) et Agbotsè Komlan (ancien préfet du Golfe).

Outre Tchalim Tchitchao qui préside la commission des lois de l’assemblée nationale, des députés comme Ibrahima Meimounatou, Anate Koumealo, Ametodji Yaouvi, Soklingbe Senou, Atcholi Aklesso, Sodokin Koffi, Gabiam Ayélé Esther, Aka Amivi Jacqueline, Tsegan Yawa Djigbodi, Lawson Raymonde Kayi, Ihou Yaovi Attigbé et Djossou Semodji étaient en lice. Tout comme les maires Adanbounou Akoété Kovi (Agoè-Nyivé 1) et Aimé Djikounou de la commune Golfe 7.

Sur les listes UNIR il y a surtout la présence très remarquée de Fombo Séna, président de l’UNATROT, Germain Wona, promoteur de la radio Pyramide FM et Alex Hukporti, journaliste à la TVT.

Bref, c’est toute l’administration et ses chefs qui ont concouru pour le parti au pouvoir. Le parti au pouvoir, c’est le parti de l’administration, et l’administration est l’administration du parti au pouvoir. Après tout, il ne faut pas s’étonner de la grande neutralité de l’administration togolaise dans le déroulement du processus électoral.

Jean-Baptiste Edina


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A propos Komi Dovlovi 1098 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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