Les divergences sont profondes au sein des nombreuses forces de partis politiques, d’acteurs sociaux et des activistes qui se réclament de l’opposition au régime Gnassingbé au Togo. Depuis l’éclatement non avoué de la C14, principal regroupement de l’opposition ayant animé le jeu politique les deux dernières années, les positions exprimées par les uns et les autres concernant les élections locales de 2019 et la présidentielle de 2020 cachent mal un profond malaise.
Une tendance que certains qualifient de “populiste” prend le dessus dans les opinions sur la participation ou non des partis de l’opposition aux élections locales à venir. Le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation a entamé depuis deux semaines des consultations avec différents partis politiques. Le ministère a informé ses interlocuteurs de la tenue des élections locales dans le courant du premier trimestre de l’année 2019. Des partis comme le CAR, l’ANC, la CDPA et le PNP ont fait comprendre qu’ils ne participeraient pas à ces élections si les “réformes politiques” prévues ne sont pas mises en oeuvre.
D’un autre côté, la procédure pour le renouvellement de la CENI est assez avancée. Selon des informations recueillies par Le Temps au niveau de l’Assemblée Nationale, plusieurs candidatures sont parvenues tant des partis extra-parlementaires que des organisations de la société civile.
Absence de stratégie commune
Un parti comme le PNP se contente de rappeler ses revendications d’août 2017: retour à la constitution de 1992 et vote de la diaspora! Le parti ne fait aucun distinguo entre les élections et ne spécifie pas les réformes qu’il exige de voir se réaliser. Pour la formation dirigée par Tikpi Atchadam, il n’est pas question de parler d’élections tant que lesdites réformes n’on pas été opérationnalisées. Au cours d’une conférence de presse organisée à son siège le 7 mars, les responsables du PNP ont déclaré s’en tenir à leur “plan stratégique 2017-2020” qui prévoit une “alternance pacifique” au terme des réformes.
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Cette position n’est pas si nouvelle. Elle avait été claironnée à d’autres occasions par les porte-parole du parti. Elle est même à l’origine d’une polémique récente qui a poussé l’ANC à faire marche-arrière après qu’un de ses hauts cadres ait fait état de ce que le parti disposerait déjà de son “candidat naturel” pour la présidentielle, en la personne de son président national Jean-Pierre Fabre. Dans une déclaration en début de cette semaine, un des dirigeants du parti a estimé que les réformes étaient rédhibitoires à tout engagement dans le processus électoral.
La CDPA, parti dirigé par Mme Adjamagbo-Johnson la Coordonnatrice de la C14, à la suite de sa rencontre avec le ministre en charge des élections a pour sa part rendu publique une déclaration dans laquelle elle fait une longue démonstration sur les anomalies du processus des élections locales.
En clair, l’opposition dans son ensemble est prise dans la tourmente et ne semble pas encore prendre toute la mesure des enjeux. Les membres de la C14 ont accepté d’engager des discussions avec le pouvoir autour de l’organisation des élections locales. A priori c’est une bonne chose après l’échec du dialogue sous l’égide de la CEDEAO et l’éjection des opposants de l’Assemblée nationale, suite au boycott forcé des législatives du 20 décembre 2018.
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Des dissensions profondes existent au sein des partis qui s’étaient coalisés au sein de la C14 pour obliger le pouvoir à opérer les réformes. Cette coalition n’avait pu fonctionner jusqu’alors qu’en axant sa stratégie sur des actions au minima consistant à organiser des manifestations contre le pouvoir. Elle ne disposait pas de structures formelles ni de document d’orientation. Le refus par des partis comme le CAR et le PNP de prendre part au conclave tenu à Lomé et visant à faire le bilan a été la preuve que le regroupement n’était pas une véritable coalition avec des objectifs communs.
Quelles réformes pour quelle élection?
Après le fiasco des négociations avec la CEDEAO et la débâcle des législatives boycottées, on ne peut plus rien attendre du regroupement de l’opposition. Les divergences notées ces derniers temps démontrent les défaillances stratégiques des partis politiques concernés. Il semble que les dirigeants de cette opposition ne font aucune distinction entre les différentes élections. Ils ne formulent pas de revendications spécifiques et se contentent de rappeler qu’ils exigent des réformes.
Dans ces conditions, UNIR n’aura pas de difficulté à tenir les élections locales dans les mêmes conditions qu’elle a organisé les législatives.
Il y a sans doute beaucoup de choses à reprocher au processus des élections locales. Les failles les plus graves relevées par des spécialistes concernent le découpe électoral. L’autre problème qu’on s’attendait à ce que l’opposition soulève en lien avec ces consultations concerne le corps électoral qui sera convoqué. L’opposition ayant boycotté les opérations d’inscription avant les législatives, elle est en droit de réclamer la réouverture de l’enrôlement des électeurs. Pour le moment, personne ne parle de cela.
Selon certains, l’opposition ferait fausse route en mettant tous les œufs dans un seul panier (des réformes). Elle devrait discuter au cas par cas et éviter de faire trop de surenchères, surtout qu’elle n’est pas en position de force.
Dans une brève publication sur sa page Facebook, et usant de formules dont il a le secret, l’expert international togolais Dany Ayida pose clairement le problème:
Le gouvernement qui tâte le pouls de ses adversaires n’a pour le moment annoncé aucun calendrier pour les élections locales. Mais quand on sait qu’il est à pied d’oeuvre pour le renouvellement de la CENI et prévoit de discuter prochainement des réformes à l’assemblée nationale, il ne faut pas être surpris qu’il appuie sur l’accélérateur, au moment qui l’arrangerait.
Dans l’attente d’un nouveau souffle politique
Au sein de l’opinion, les critiques se multiplient contre l’opposition traditionnelle. Des voix sont nombreuses à faire appel à l’émergence de “nouvelles têtes” pour prendre en main la lutte pour le changement. D’un autre côté, on estime que les élections ne devraient pas être à l’ordre du jour avant que le pouvoir n’ait tout fait s’agissant des fameuses “réformes constitutionnelles et institutionnelles”.
Le véritable besoin concerne un souffle nouveau; sous la forme d’un projet cohérent qui rassure les populations avides de changement. Les forces politiques à Lomé sont en vérité essoufflées et manquent de perspective face aux défis politiques. Elles ne semblent pas cerner le jeu du pouvoir et maintiennent la même attitude qu’après le soulèvement du 17 août 2017…
On attend qu’une nouvelle dynamique se mette vite en place qui permette de mettre à jour le logiciel des exigences politiques vers la tenue des élections décisives de 2020.
Si l’opposition veut pendre le dessus sur le pouvoir l’année prochaine, elle va devoir faire montre de plus de cohésion et démontrer une capacité d’action plus forte. Les partis et personnalités qui bottent en touche par rapport à un scrutin ou un autre tomberaient déjà dans le piège du pouvoir UNIR: créer le désordre au sein des forces d’opposition et pousser les adversaires les plus crédibles à boycotter la présidentielle.
O. AKPOVI
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