Réformes politiques: Comment le pouvoir UNIR a neutralisé la C14

Presque plus personne ne parle de réformes politiques au Togo. Depuis l’échec des négociations avec la CEDEAO et la caporalisation de l’Assemblée nationale par UNIR et ses partis alliés, la Coalition des 14 partis de l’opposition ne sait plus à quel saint se vouer.

La non-participation de l’opposition de la C14 aux élections législatives du 20 décembre dernier n’a pas été un plan mûri et assumé. On y est arrivé par la force des choses. La décision de boycotter les opérations d’enrôlement des électeurs tout comme celle de ne pas prendre part aux législatives ont été des conséquences de l’échec des discussions politiques sous l’égide de la CEDEAO. Sur toute la ligne les adversaires du régime on subi la logique du pouvoir. Et au finish, ils ont tout perdu. La plus grosse perte, par delà ceux qui n’ont pu soumettre leur mandat de député à leurs électeurs, c’est le fait de n’avoir plus son mot à dire au sujet des réformes: soubassement de la mobilisation.

C’est ce qui a fâché Jean-Pierre Fabre, leader de l’ANC et x-chef de file de l’opposition qui a dénoncé le comportement « incompréhensible » de la CEDEAO.

La phase 2 de la lutte a du plomb dans l’aile

Le ton a été donné le 26 décembre au cours d’une conférence de presse de la coalition de l’opposition à Lomé. Le nouveau départ qui a été annoncé présageait à la fois d’une réorganisation et d’un repositionnement. Une réponse aux législatives unilatérale et à la « trahison » de la CEDEAO.

Le regroupement dans sa déclaration exigeait: « des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales avant l’organisation d’élections démocratiques et transparentes,  la libération des personnes arbitrairement détenues, le retour des réfugiés et la levée de l’état de siège dans plusieurs localités ainsi que l’arrêt de la destruction des biens et l’enlèvement des citoyens, des autorités religieuses et des leaders d’opinion », informe la C14 dans la déclaration de circonstance intitulée « Etat de terreur, appel à la résistance populaire ».

La C14 voulait que le pouvoir revienne en arrière et que le processus électoral soit repris, avec les réformes en sus. Mais avec la CEDEAO qui s’est retirée de la facilitation, tout est perdu d’avance.

Sans y avoir sérieusement travaillé, les chefs des partis de l’opposition ont alors annoncé le jour-là la mise en place d’un « vaste mouvement citoyen » comprenant les partis politiques et des organisations de la société civile. L’effet d’annonce n’a pas duré plus qu’un feu de paille et en face, on a pris les disposition pour qu’il n’y ait « plus de 19 Aout au Togo » (selon les propos du ministre Gilbert Bawara). D’abord prévue le 12 janvier puis reportée au 26, la marche de la remobilisation n’aura pas tenu ses promesses.

Noyautage et musellement sécuritaire

Le régime s’est servi de l’appareil de la CEDEAO pour annihiler l’opposition. En se ruant à 14 dans les discussions avec les chefs d’Etat médiateurs de la Guinée et du Ghana et en même temps avec la Commission de la CEDEAO, la C14 s’est fait avoir. Elle n’a rien obtenu de toutes les revendications pour les réformes politiques. Sur le plan interne, le gouvernement a tout fait pour miner les marches: des contraintes administratives, des menaces contre des reprérsentants de l’opposition dans les villes de l’intérieur, le déploiement de dispositif sécuritaire sont autant de mesures prises pour casser les manifestations organisées par cette coalition.

En l’absence de cohésion solide, les décisions de la C14 manquent désormais de verve. La mobilisation populaire n’ayant pas pris, chaque parti politique membre se replie sur lui-même. ANC et PNP, considérés comme les deux plus grands partis de la coalition n’ont pas les mêmes objectifs. La lutte de leadership couve et quelques lieutenants des deux camps n’hésitent plus à se donner des coups, par réseaux sociaux interposés.

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Sans vision claire sur les échéances en vue, la dynamique de relance ne promet pas de faire long feu. Sur les réseaux sociaux, des militants et quelques activistes perdent patience et ne dissimulent plus les critiques. Pis encore, Fulbert Attisso, un des responsables de la C14 est monté au créneau, pour dénoncer ses camarades et aussi les accuser de corruption!

Plus rien ne va dans la C14, mais les principaux meneurs tiennent à préserver la dépouille du regroupement et continuer à afficher une apparence d’unité. On l’a compris, et même si on ne le dit pas, les marches, unique moyen d’action ne font plus recette. Mais qu’y faire?

La diaspora déconnectée

L’après 20 décembre c’est aussi la fissure qui a apparu entre la C14 et des acteurs clés de la diaspora engagés pour le changement. Ils étaient les principaux soutiens et les bailleurs de la lutte de ces deux dernières années.

Le 2 Janvier 2019, dans un subit élan de transparence, la Coalition a publié un communiqué sous forme de « lettre de remerciement à la diaspora togolaise dans le monde ». Elle a salué l’engagement des Togolais de l’étranger dans la lutte et leur soutien financier à l’opposition.

Elle note que vos apports précieux à la Coalition de Septembre 2017 à ce jour s’élèvent à 43 508 791 FCFA qui ont contribué à élever considérablement le niveau de nos activités.

La réalité, par-delà les chiffres annoncés (quand même modestes) c’est que la diaspora ne semble plus répondre aux appels de cette opposition. Au-delà de l’état des contributions certains exigent qu’un bilan en bonne et due forme soit fait des 17 derniers mois de lutte. Sur ce point, la coalition ne dit rien! Rupture de confiance ou souci de communication? Ce qui est sûr c’est que le courant ne passe plus et des prises de positions de quelques personnes au sein des diasporas tant en Europe en Amérique du Nord qu’en Afrique montrent qu’on n’émet plus exactement sur la même fréquence. Le malaise peut être passager ou durer…

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Le pouvoir UNIR sans réussir à casser le regroupement de l’opposition l’a rendu à sa portion la plus congrue. Et c’est dans cet atmosphère qu’il va entreprendre ses réformes, organiser les élections locales et préparer la présidentielle de 2020.

Le Temps

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