Réformes constitutionnelles par voie parlementaire: les jeux sont faits!

La session extraordinaire de l’Assemblée Nationale convoquée par le gouvernement Klassou sous prétexte d’étudier le projet de révision constitutionnel tourne déjà à un marché de dupe. Après avoir été ajournée mardi la première session a été suivie par la conférence des présidents de commission tenue hier. A cette occasion le Président de l’institution M. Dama Dramani s’était engagé à ce que la séance de ce jour soit consacrée au sujet qui préoccupe l’opposition démocratique. Mais rien n’y fit!

L’opposition a claqué la porte de l’Assemblée

La session annoncée pour ce jeudi 14 septembre selon les engagements de la veille devrait permettre « l’enrôlement en procédure d’urgence » du projet de loi du gouvernement sur la révision de la constitution. Mais l’ordre du jour qui a été présenté ce matin aux députés ne comportait aucun point sur cette attente. La majorité UNIR a préféré plancher sur la loi de finance. Dépités, les élus des partis de l’opposition (ANC, ADDI, CAR, Sursaut Togo) rejoints par ceux de l’UFC ont vite fait de décamper. En claquant la porte de l’Assemblée, ils ont voulu montrer à leurs collègues de la majorité qu’ils ne sont pas prêts à se laisser faire, quant à la priorité du moment, celle des réformes politiques et constitutionnelles.

Et le fait de voir les députés de l’UFC rejoindre leurs (anciens) camarades de l’opposition est un signe qui devrait inquiété le pouvoir UNIR.

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UNIR joue à nouveau

Nouveau dédain des députés du parti au pouvoir, rébellion contre le gouvernement ou simple jeu politique? L’attitude des députés d’UNIR ce matin montre que le régime n’est pas encore prêt à faire les réformes réclamées par l’opposition. Lors du conseil des ministres tenus mercredi dernier, le gouvernement avait décidé de procéder à la révision des articles de la Constitution relatifs à la durée du mandat président et au mode de scrutin. La convocation de l’Assemblée pour la session parlementaire était présentée comme une mesure d’accalmie, visant en même temps à faire droit aux revendications de l’opposition (et de la population).

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Déjà en 2014, les députés de la majorité avaient eu le même comportement en rejetant un texte soumis à leur vote à la suite des négociations entre leur majorité et l’opposition. Ce qui était considéré à l’époque comme une comédie, consacrait la résistance des faucons du régime à toute réforme politique susceptible d’affaiblir le pouvoir UNIR dans les urnes.

Le plan caché du pouvoir UNIR

L’opposition s’est montrée incisive après son embellie populaire dans les rues à partir du 19 Octobre. Elle a commencé à réclamer le départ de Faure Gnassingbé, une exigence apparue à l’issue des manifestations des 6 et 7 Septembre qui ont drainé dans les rues de Lomé et d’autres villes des centaines de milliers de personnes. Mais en envoyant ses députés à l’Assemblée cette semaine, l’opposition avait joué à la prudence, pour ne pas laisser le pouvoir manipuler le processus à sa guise. Mais alors, que cache le refus d’UNIR de discuter en urgence de la loi sur la révision constitutionnelle?

On sait que la Commission des réformes présidée par Awa Nana-Daboya a remis le 8 septembre son rapport au Président Gnassingbé. En plus d’un projet de réformes constitutionnelles « par voie parlementaire », la Commission avait également proposé un projet d’une « nouvelle constitution », sans qu’on nous eût dit par quelle voie celle-ci serait examinée.

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Les nouveaux développements montrent que l’Assemblée nationale ne devrait pas jouer un principal rôle dans le schéma du pouvoir. Si les députés enrôlaient le projet du gouvernement, il n’est pas sûr qu’ils allaient trouvé un consensus. Déjà l’opposition reproche au texte proposé de ne pas être conforme à celui de 1992, au sujet du nombre maximum de mandat. En effet la phrase: « En aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats » aurait été opportunément élaguée du projet gouvernemental. Ainsi donc, l’Exécutif lui-même aurait dressé le lit pour la discorde!

Si l’Assemblée devient hors-jeu, un boulevard serait ouvert pour le pouvoir afin d’organiser un référendum constitutionnel, avec le texte qui’il lui plairait de présenter au peuple. Et puisque UNIR est foncièrement contre les réformes démocratiques, on ne serait pas surpris de voir ce parti brandir sa nouvelle constitution. Cette dernière aurait l’avantage indu d’inaugurer une nouvelle République, et donc ferait de Faure Gnassingbé un candidat neuf, malgré les 3 mandats (15 ans de pouvoir en 2020) qu’il a déjà consommés.

La crise politique ne fait que commencer et les deux parties en présence ont plus d’un tour dans leur sac. Et le désarroi au sein de la population à Lomé comme dans le reste du pays ne fait qu’augmenter. La drôle de médiation entamée hier par la CEDEAO est loin d’avoir cerné le nœud gordien du mélodrame politique togolais.

K. Agboglati & Joséphine Bawa

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