A cinq jours de la présidentielle, la polémique enfle quant au mode de collecte et de compilation et de validation des résultats. Contrairement aux dispositions du code électoral, la CENI voudrait adopter le logiciel SUCCES, que récusent les quatre candidats de l’opposition et leurs partis. Les représentants du parti au pouvoir, UNIR, à la CENI, « refusent d’adopter la procédure de centralisation et de validation des résultats prenant en compte les procès-verbaux des bureaux de vote dûment signés, telle que prévue par la loi», indique le candidat Jean-Pierre Fabre du CAP 2015, dans un courrier d’une rare virulence adressée au président sortant Faure Gnassingbé.
La composition de la CENI est paritaire et aucune partie ne saurait imposer à l’autre un mode opératoire de centralisation des résultats, au demeurant en marge de la loi.
J’exige que la CENI s’en tienne à la collecte physique des résultats au travers des procès-verbaux des bureaux de vote, conformément à la loi et qu’elle abandonne purement et simplement le mode ‘’SUCCES’’ contesté et rejeté par quatre candidats sur les cinq en lice pour le scrutin présidentiel du 25 avril 2015, indique Jean-Pierre Fabre.
Le candidat du CAP 2015 accuse le camp du pouvoir de préparer la fraude électorale par sa volonté manifeste d’imposer à la CENI le logiciel SUCCES. Il illustre son propos en citant les moyens de fraude utilisés par le pouvoir :
Il est de notoriété qu’au cours des scrutins, les centres de compilation des résultats de l’opposition sont attaqués, les procès-verbaux et le matériel informatique confisqués, les communications téléphoniques et Internet coupées, des localités isolées, l’opérateur privé de téléphonie mobile contraint. Des actes absolument contraires à la transparence et à l’équité que vous clamez partout comme garanties d’un processus électoral acceptable, accuse Jean-Pierre Fabre.
Que dit le code électoral ?
Le code électoral dispose des articles qui traite de l’organisation de la collecte et de la validation des résultats. Les articles 101, 102 et 103 traitent du mode validation des bulletins et de transmission des résultats. Sur le plan juridique, le code électoral par les dispositions contenues dans les articles 101 (nouveau),102 (nouveau) et 103 (nouveau) ne reconnait comme support juridique des résultats obtenus dans les différents bureaux, que les procès-verbaux des opérations électorales signés par les membres du bureau et contresignés par les délégués des candidats avec le cas échéant, leurs observations, réclamations et contestations. De même, le matériel requis pour être utilisé dans les bureaux de vote est constitué par une liste officielle prévue par l’article 76 du code électoral.
Et toute la législation tourne autour de:
- La gestion des procès-verbaux qui doivent être signés.
- L’établissement des P.V. (Art. 101 et 102) ;
- La centralisation des P.V. (art. 103) ;
- La transmission des P.V. (Art. 102 et 103).
Le code électoral du Togo ne dispose pas donc traitement informatique des résultats.
Or, le Système Unifié de Collecte et de Centralisation pour les Elections et les Statistiques’’ dénommé ‘’SUCCES’’ et retenu par la CENI comme mode opératoire de centralisation des résultats du scrutin présidentiel d’Avril 2015, est un traitement informatique de ces données.
Les problèmes posés par le SUCCES
Les candidats de l’opposition se basent sur le code électoral, “la Bible des élections” pour contester la volonté de la CENI d’imposer le logiciel SUCCES.
En réalité, la CENI a reçu de la loi, l’attribution d’organiser et de superviser les opérations électorales. Les représentants du pouvoir, les seuls soutiens de SUCCES, avancent comme argumentaire l’avantage de la rapidité et du gain de temps dans la transmission, la collecte et la proclamation des données des résultats. Une soirée électorale est programmée le samedi 25 avril pour donner directement les résultats. Contrairement à la compilation des résultats par procès-verbaux où l’on ne peut disposer des résultats que deux ou trois jours après.
SUCCES permet trois techniques de transmission simultanés:
- Appels téléphoniques du bureau de vote vers le serveur vocal interactif (SVI)
- Utilisation de SMS
- Utilisation de Fax
Cependant le code électoral n’a pas donné à la CENI, la possibilité de modifier les dispositions impératives dudit code électoral, en adoptant comme support des résultats des bureaux de vote, d’autres documents non prévus par le code.
Ensuite, l’opposition conteste l’utilisation des trois techniques simultanées et avance comme principal argumentaire que ces moyens techniques ne portent pas la signature des membres des bureaux de vote comme mentionnés dans le code électoral, et l’information en vue de la centralisation ne part pas directement des bureaux de vote d’où les résultats les plus fiables doivent sortir.
La fraude est informatique
L’opposition soupçonne le pouvoir de manœuvrer pour frauder les résultats par un logiciel programmé pour donner la victoire au candidat Faure Gnassingbé. Depuis la question du fichier électoral défectueux, on sait désormais que “la fraude est informatique” disait Brigitte Adjamagbo-Johnson, porte-parole du CAP 2015. Et elle n’a pas tort.
Tout d’abord, dans un pays réputé pour l’instabilité de ses réseaux téléphoniques, l’opposition doute de la fiabilité de la transmission des résultats par appels téléphoniques, qui peuvent être source de beaucoup de confusion. En rappel, les appels ne quittent pas directement les bureaux de vote pour la CENI mais doivent passer par un serveur installé par le programme SUCCES.
Ensuite, l’opposition s’interroge sur sa fiabilité du fax. Dans une lettre à la CENI, le candidat Jean-Pierre Fabre pose ses questions:
le document SUCCES ne dit pas comment les experts comptent extraire fidèlement les données des fiches de résultat ? Quel logiciel de reconnaissance des caractères sera utilisé ? Et si le système a été une fois testé au TOGO avec des résultats fiables ?
Enfin, le logiciel SUCCES ne prévoit pas non plus de dispositif permettant aux candidats de l’opposition de disposer en temps réel, en même temps que la CENI des résultats en vue de comparer les résultats du SUCCES avec ceux des procès-verbaux.
VSAT saboté
En conclusion, la volonté du pouvoir d’imposer SUCCES reste incompréhensible d’autant plus que le pouvoir a refusé voire saboté l’utilisation du VSAT, une autre technique de centralisation et de transmission des résultats offerte par l’Union Européenne et mise en oeuvre par le PNUD.
Le Very Small Aperture Terminal (« terminal à très petite ouverture ») désigne une technique de communication par satellite bidirectionnelle qui utilise des antennes paraboliques dont le diamètre est inférieur à 3 mètres. Une technique très fiable pour déjouer toutes les avanies techniques de nos réseaux de téléphonie. Mais le pouvoir ne l’a pas voulu.
Voici ce qui est écrit à la page 53 du rapport final de la Mission d’Observation Electorale de l’Union européenne (MOE UE) sur la procédure de centralisation et de transmission des résultats mise en oeuvre lors du scrutin présidentiel de mars 2010:
Entre le 25 et le 26 février, les personnels et équipements fax et SMS directement contractés par le gouvernement, ont été déployés et installés sans consultation de la CENI. Les personnels affectés au VSAT ont alors fait part à plusieurs interlocuteurs, notamment internationaux, de difficultés d’accès à leurs matériels causés, selon eux, par une intention délibérée de blocage.
Difficile de comprendre alors pourquoi le VSAT qui est gratuit n’a pas été utilisé et que l’on y a plus fait recours et que l’on s’engage maintenant à recourir à un logiciel dont le coût qui a certainement coûté plusieurs centaines de millions au contribuable ?
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