Le paysage politique du Togo, à la suite des élections législatives de 2024, s’oriente vers une concentration de pouvoir sans précédent, avec le parti UNIR, dirigé par le président Faure Gnassingbé, dominant le parlement à plus de 95%. Une telle situation soulève des préoccupations majeures concernant la démocratie, la représentation et l’avenir du pays.
Il est essentiel de comprendre les implications d’un parlement où seulement 5 députés sont issus des partis d’opposition. Qui plus est, il s’agit de personnalités qui n’ont rien en commun! Une telle représentation symbolise non seulement une marginalisation des voix dissidentes, mais également un affaiblissement de la pluralité politique qui est la pierre angulaire d’une démocratie saine. Sans une opposition représentée de manière significative, le débat public, essentiel pour le progrès et l’innovation, sera inexistant. Les décisions se prendront sans véritable contestation, ce qui pourrait conduire à des dérives autoritaires, souvent observées dans des régimes où la majorité écrasante écrase les dissentiments.
Un régime parlementaire au forceps
De plus, la perspective d’un passage unilatéral au régime parlementaire pose des questions cruciales. Ce changement, s’il est mis en œuvre sans un consensus national et sans une réelle consultation des acteurs politiques, pourrait être perçu comme une manœuvre visant à renforcer encore davantage le contrôle du président sur les institutions. Tel est d’ailleurs le cas avec des voix nombreuses au sein de la classe politique et de la société civile qui continuent de dénoncer le passage en force à la cinquième République. En effet, avec des députés UNIR considérés comme des fidèles et des obligés de Faure Gnassingbé, il est difficile d’imaginer que ces élus défendront les intérêts de leurs électeurs avant ceux de leur parti ou du président. Cela soulève des inquiétudes quant à l’indépendance des institutions et à l’impartialité des décisions politiques. D’ailleurs, on a vu le jeu de chaises musicales qui a suivi la formation du bureau de la nouvelle assemblée puis la formation du nouveau gouvernement dit de “transition”.
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Le fait que le parti UNIR ne soit pas favorable aux réformes démocratiques accentue encore plus cette inquiétude. Dans un contexte où la gouvernance transparente et responsable est de plus en plus demandée par les citoyens, l’absence de volonté de réforme peut être interprétée comme un refus de reconnaître les aspirations du peuple togolais. Ce climat de stagnation et de méfiance envers les institutions pourrait alimenter un sentiment d’aliénation parmi les citoyens, ce qui, à long terme, peut fragiliser la stabilité du pays.
Il suffit d’analyser la mandature passée pour se convaincre de la léthargie qui caractérise la vie parlementaire au Togo. L’Assemblée nationale n’est qu’une caisse de résonance dans laquelle les députés ne font aucun effort pour relayer les attentes et préoccupations de la population. Le contrôle parlementaire ne se fait presque pas et plusieurs anomalies signalées par la presse dans la gouvernance économique n’ont guère fait l’objet d’enquête parlementaire ni d’interpellation des ministres ou autres dépositaires publics par les députés.
Où donc trouver l’opposition?
Face à cette situation, l’opposition se voit contrainte de s’organiser et de s’exprimer en dehors du parlement; ce qui peut avoir des conséquences à la fois positives et négatives. D’une part, cela peut renforcer la capacité de l’opposition à mobiliser les citoyens autour de leurs idées et à créer un véritable mouvement populaire. D’autre part, cela peut également conduire à des tensions et à des confrontations, si le dialogue et le compromis ne sont pas privilégiés. La polarisation du paysage politique pourrait renforcer les divisions au sein de la société togolaise, rendant encore plus difficile la recherche de solutions communes aux défis que le pays doit relever.
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Le risque de polarisation est d’autant plus évident que la fermeture de l’espace public a conduit de nombreux acteurs à se replier sur eux-mêmes. Des initiatives citoyennes (contre le changement de constitution) vont se poursuivre et pourront prendre de l’ampleur. Le pouvoir ne peut continuellement user de répressions pour faire taire les voix dissidentes. Et puisque l’ouverture politique ne semble pas figurer dans l’agenda des tenants de la cinquième République, la nouvelle situation pourrait ramener le pays dans la situation du début des années 90. La lutte politique se transformerait en une lutte pour les libertés publiques et individuelles.
En définitive, le parlement dominé par le parti UNIR de Faure Gnassingbé pose des questions fondamentales sur l’avenir démocratique du Togo. La concentration du pouvoir entre les mains d’un seul parti, l’absence de représentativité de l’opposition, et le refus de réformes démocratiques sont des signaux d’alerte qui ne doivent pas être ignorés. Il est crucial que les citoyens, les acteurs politiques et la communauté internationale s’engagent à défendre la démocratie, la transparence et le dialogue au Togo, afin de bâtir un avenir meilleur pour la population du pays.
K. Agboglati
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