L’affaire Kokoroko, Kpodar, et Coulibaley contre Sasso Pagnou connaîtra son dénouement le 20 janvier prochain, et il aura immaquablement des conséquences sur le monde universitaire.
Le 9 décembre dernier, le Tribunal de Kara statuant en matière correctionnelle dans l’affaire Kokoroko, Kpodar, et Coulibaley contre Sasso Pagnou a mis le délibéré au 20 janvier 2020. Comme on s’y attendait avec les derniers développements, le procureur de la République ainsi que la partie civile ont fait chorus et demandé 6 mois de prison avec sursis.
Quant à l’avocat du défendeur, Me Edah Ndjelé, il a fait une brillante plaidoirie démontrant l’absurdité du procès. Il a fait pièce aux arguments de la partie civile et du procureur, les démolissant.
La question de la dénonciation calomnieuse n’a pas lieu d’être puisqu’il s’agit d’une obligation faite par le CAMES de dénoncer les malversations. Et les sanctions contre la partie civile, après trois ans d’enquête, constituent la preuve que la dénonciation est donc vraie.
Le clou de l’affaire était de savoir si les trois dirigeants universitaires constituaient un réseau comme l’évoquait Sasso Pagnou dans un courriel adressé au Secrétaire général du Cames. Me Edah Ndjelé répond par l’affirmatif. Les trois plaignants forment bel et bien un réseau, la preuve est qu’ils ont porté plainte collectivement et demandé un franc symbolique à se partager. Comment peut-on partager un franc symbolique, se demande alors Me Edah Ndjelé ? Cette communion autour de ce franc n’est-elle pas leur assomption d’opérations douteuses en réseau ?
Cependant, la plaidoirie de la défense suffit-il pour avoir un verdict équitable et juste dans cette affaire ? Non. Refusons de nous embarquer dans le royaume des dupes. « Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », nous prévient déjà le fabuliste sur l’hypocrisie des tribunaux,
En demandant une peine de six mois avec sursis et le franc symbolique en dédommagement, les plaignants et le procureur voudraient laisser penser à une espèce de mansuétude de leur part. C’est très faux, c’est même très hypocrite avec une dose de cynisme voire de perniciosité.
Réduire au silence le lanceur d’alerte Sasso Pagnou
Car le sursis suspendrait l’épée de Damoclès sur la tête de Sasso Pagnou, qui risquerait désormais, à la moindre incartade, la prison ferme et une aggravation de sa peine qui pourrait aller au paiement de 5 à 20 millions CFA et une mesure d’interdiction de pratiquer la profession d’enseignant. Faire taire un lanceur d’alerte, telle est la volonté de Kokoroko, Kpodar, et Coulibaley.
Grosso modo, le but ultime de ces professeurs titulaires Kokoroko, Kpodar, Coulibaley est de réduire au silence Sasso Pagnou, « ce pelé, ce galeux d’où venait tout leur mal » pour rappeler la fable. Et du coup, ils renforceraient leur mainmise sur le monde universitaire, en tout cas celui des facultés des droits et des sciences économiques, ces écuries d’Augias qu’essaie de nettoyer le Secrétariat général du Cames.
A cause des soutiens politiques inavoués qui les tiennent, ces professeurs titulaires imposent déjà l’omerta au monde universitaire togolais. Et, malgré les sévères condamnations des deux dirigeants et l’opprobre jeté sur les institutions de l’enseignement supérieur togolais, les syndicats universitaires togolais gardent un silence tonitruant.
D’ailleurs l’ambassade de France ne vient-elle pas de décerner les palmes académiques aux « grand(s) juriste(s) et pédagogue(s) », qui œuvreraient à la modernisation du monde universitaire (sic) ?! On dira que la France est dans son droit d’élever qui elle veut. Soit. C’est dans les mœurs latines d’honorer la fraude. Plagier tricher, frauder, ce n’est pas gênant, c’est être nickel qui est mauvais. Et la France aime ça, la médiocrité en plus. Cela a un nom : la prime à la casserole.
Sasso Pagnou est donc l’un des derniers Mohicans de l’honnêteté et de l’intégrité dans un monde universitaire qui baisse consciemment les frocs… pour des raisons de survie. Dans un livre contre la délinquance en col blanc dans le milieu universitaire francophone, les auteurs s’étonnent de ce que les enseignants titulaires en dépit de leurs salaires mirobolants qui les mettent à l’abri de toute oppression se rendent à une servitude volontaire face aux dirigeants médiocres des institutions universitaires.
Notre société est de plus en plus ainsi faite, son taux d’accessibilité aux transgressions des délinquants prend énormément de l’ampleur, devient inquiétant et nous conduit à une mort lente. On se moque ouvertement de la morale.
Face à ce danger, le juge Baba Yaro devra dire en conscience la justice et renvoyer à la bouille de Kokoroko, Kpodar, et Coulibaley, l’odeur pestilentielle de leurs malversations. Le magistrat Baba Yaro, non seulement montrerait l’indépendance de la justice togolaise, mais aussi indiquerait à la société qu’elle ne saurait tolérer l’existence de faux-culs dans l’enseignement supérieur.
Il doit le faire. C’est un impératif. Dans le cas contraire, Sasso Pagnou a la possibilité d’aller jusque devant la Cour de Justice de la CEDEAO, une cour jalouse de son indépendance et qui fait preuve de son bon sens.
Et, là, les éclaboussures de la honte et de la déchéance que jettent ces individus sur le milieu universitaire aura alors une dimension internationale.
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