Affrontements entre Gangam et Tchokossi sur fond d’instrumentalisation politique

Les 27 et 28 juin derniers, des affrontements interethniques sur fond de litiges fonciers entre les Gangam et les Tchokossi ont fait au moins quatre morts et une vingtaine de blessés dans la localité de Gando. La création de la préfecture de l’Oti Sud pour contourner l’opposition des Tchokossi à la remise sur pied de la faune, pourrait être à l’origine de l’actuelle tension entre les deux communautés.

Les faits

Les affrontements ont eu lieu les 27 et 28 juin, dans le canton de Gando, chef-lieu de la préfecture de l’Oti Sud depuis 2016, suite à un nouveau redécoupage administratif décidé dans le cadre du processus de décentralisation.

Le bilan est lourd d’après les sources officielles : quatre morts, une vingtaine de blessés, plus de 2000 personnes déplacées et une cinquantaine de maisons incendiées.

Le gouvernement a dépêché le ministre de la Sécurité, Damehane Yark et sa collègue des Affaire sociales, Léa Tchabinandji Kolani-Yentcharé, sur les lieux. Le ministre de la Sécurité parle de « folie » et annonce des mesures pour que «ces populations puissent très rapidement regagner leurs villages». «Ceux qui ont posé ces actes et qui sont identifiés vont répondre devant la justice», assure le général Yark.

Une préfecture pour la faune

Les conflits entre Gangam et Tchokossi sont récurrents dans la préfecture de l’Oti. C’est essentiellement des litiges fonciers, sauf que les derniers événements se développent sur un fond politique insoupçonné. Historiquement pendant leur migration vers le nord, les Tchokossi, peuple Akan islamisé sur le tard, ont  soumis plusieurs  peuples Moba, dont les Gangam. Selon des historiens, l’éthonyme « Gangam » signifie « esclave » en Tchokossi, un stigmate qui illustre le niveau des relations entre les deux communautés.

Les conflits entre les deux ethnies sont donc nés de ce passé trouble que les uns et autre instrumentalisent au besoin.

Le gouvernement togolais n’a jamais réglé ce vieux conflit par une véritable politique de développement. Il n’a fait que déplacer le problème par la création en 2016 de la préfecture de l’Oti Sud, partagent la préfecture de l’Oti en deux. Une création qui se situerait dans le cadre du processus de décentralisation.

L’Oti Sud a ainsi  pour chef-lieu Gando et comprend les cantons de Gando, Sagbiébou, Mogou, Tchamonga, Takpamba, Nali, Koumongou et  Kountoiré. Il s’agit de zones peuplées majoritairement de Gangam.

La création de cette préfecture de l’Oti-Sud sur fond d’arrière-pensées politiques est la source des tensions actuelles entre les populations. Le nouveau découpage prive l’ancienne préfecture de l’Oti – qui a Mango pour chef-lieu- des retombées financières et fiscales du marché de Gando, véritable marché régional dans la zone.   Et  ce découpage suscite chez les  Gangam l’idée que l’Etat leur a créé une préfecture sur mesure, d’où peut-être leur volonté  de régler par eux-mêmes, de façon guerrière,  les litiges fonciers par l’expulsion des Tchokossi des terres de la préfecture.

«Ce sont les Gangam qui sont les premiers à attaquer cette fois-ci», déclare au Temps, sous  anonymat, un Tchokossi. «Généralement, les Tchokossi, qui ne sont pas des enfants de chœur non plus, sont les plus bellicistes. Mais, cette fois-ci, à la lumière de la nouvelle orientation politique, les Gangam auraient donc décidé de prendre le devant», a-t-il ajouté.

Enfin, en dépêchant les ministres Yark Damehane et Léa Tchabinandji Kolani-Yentcharé, qui sont d’ethnie moba, le gouvernement compte peut-être ramener les Gangam à la raison. Mais sans une véritable politique de développement de cette région, la plus pauvre du Togo en dépit des potentialités agricoles, et une solution idoine à la question de la faune, la pai sera toujours précaire entre les deux communautés.


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A propos Komi Dovlovi 1121 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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