J’aime le foot et je n’aime pas les Eperviers !

Togolais, ne payez pas ! Que les Eperviers, ils restent à la maison !

En ces temps de canicule, l’affaire a de quoi rendre apoplectiques bien de Togolais ! Le Gouvernement vient de démontrer de la manière la plus crasse son ignorance du principe d’accountabilité, la reddition des comptes que l’on doit aux citoyens chaque fois que l’action publique est engagée.

Faure Gnassingbé et ses acolytes viennent donc de signer ainsi leur impunité totale ; tout comme il y a quelques décennies un certain Karéwé Kossi signa l’assassinat de Tavio Amorin en laissant sur place sa carte d’identité nationale, une djihadiste méthode de faire l’apologie du crime.

Tenez, le vendredi, 16  décembre dernier,  on a parlé de foot au Conseil des ministres ! En fait, pas vraiment de foot, on a plutôt parlé des Eperviers …et d’espèces sonnantes et trébuchantes. Le Conseil des sinistres, comme disait Coluche, adopta un décret créant un comité ad hoc  «de mobilisation de fonds chargé de l’organisation des actions publicitaires et un comité de gestion des fonds, dans les conditions de transparence maximales».

L’ennui c’est qu’en 2013 déjà un même comité ad hoc créé avec «les conditions de transparence maximales» de gestion travailla à « mobiliser les fonds ».

On titilla le patriotisme des Togolais ; on exacerba leur chauvinisme même.

Avec la bénédiction du prince, la réclame était au rendez-vous. On titilla le patriotisme des Togolais ; on exacerba leur chauvinisme même. Résultat : bien de citoyens se dénudèrent pour que le comité  disposât de moyens que la caverne d’Ali Baba.

Pour parer à toute velléité de prévention citoyenne contre une telle démarche de soutien financier aux Eperviers, le gouvernement démocratisa le racket : des taxes furent prélevées sur les communications téléphoniques, l’alcool et le ciment….

Que l’on aime ou haïsse le foot, rien à faire, il faut payer l’impôt pour les Eperviers !

Les Togolais  sont un peuple charitable. Ils sont certes malheureux, derniers au classement du bonheur sur terre, ont l’âme chevillée au corps et tirent le diable par la queue et Dieu par la langue, mais pour les Eperviers, ils sont prêts à donner leur argent au diable ! Surtout quand il y a promesse de gérer cet argent dans « les conditions maximales de transparence. »

Cette transparence… Enfin…plus le mensonge est gros, plus  il s’enfle de crédibilité et ragaillardit la crédulité des peuples d’ici qui se nourrissent avidement de mythes.

Conséquence : depuis trois ans les Togolais, les yeux rivés au ciel, attendent les comptes gros comme la balafre d’un regretté général de l’armée. Peut-être l’argent est-il tombé dans les mains de cette « petite » minorité qui s’accapare des richesses, qui suscite l’inquiétude du chef de l’Etat. Les Togolais déclament, mais leurs déclamations assourdissent le gouvernement au point que ce dernier vient de recréer  le fameux comité chargé de « la mobilisation ».

Non, trêve d’illusion : Faure Gnassingbé ne fera pas les comptes de la CAN 2013. C’est un monarque absolu qui n’a de compte à rendre qu’à Dieu. Son peuple, ce tiers-Etat, malléable et corvéable à merci, ne représente rien dans l’ordre politique. A quoi bon lui rendre compte ?

Le problème, ce n’est pas que les Togolais sont trop ; que de toute façon ils sont prêts à se faire tondre la laine sur leur dos- ils seraient  même prêts à livrer leurs femmes et maîtresses  pourvu qu’on leur foute la paix, écrivait un auteur.

Le problème c’est l’illégalité tératologique de cet impôt levé pour les Eperviers. Il y a un budget général qui encadre les dépenses de notre fichue république monarcho-bananière, difficile de croire que les experts eussent pensé recourir à la charité imposée pour permettre à l’équipe nationale de disposer des conditions d’organisation les meilleures.

Généralement, l’impôt s’impose au citoyen. C’est un devoir, même si le citoyen lambda se demandait si les recettes fiscales ne disparaissaient pas dans l’opacité d’un compte offshore au Panama pour que  nos rues soient boueuses et de nos hôpitaux délités!

Payer l’impôt est un devoir, mais payer ces taxes levées pour les Eperviers n’en sont pas.

On peut aimer le foot et n’avoir ni sympathie ni tendresse pour les Eperviers. On peut aimer le sport et détester le foot. On n’est pas obligé de payer un impôt pour les Eperviers !

Enfin, cette affaire est la preuve tangible de la myopie absolue de cette équipe au pouvoir depuis 2005  quant au développement de ce pays.

La souscription pour les Eperviers est un non-sens. Cela aurait plus crédibilité si les fonds  devraient servir au développement du sport, en général et du foot à la base, en particulier. Un plan stratégique pour l’avenir.

C’est ainsi que les grandes nations se sont créées,  sur la base d’une vision sur le long terme et non d’une politique de développement d’opérette !

Togolais, ne payez pas ! Que les Eperviers, ils restent à la maison !

 


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A propos Tony Feda 148 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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