Gerry Taama : “Monsieur le ministre, revenez sur vos mesures antiéconomiques !”

Dans une lettre ouverte, Gerry Taama, ex-lieutenant des FAT et Président du Nouvel engagement togolais (NET), interpelle le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, sur l’inefficacité et l’inanité des mesures prises pour juguler l’hécatombe sur les routes du Togo- 224 morts en depuis janvier 2014 et plus de 600 en 2013. Le ministre de la Sécurité et son collègue des Transports ont pris, dans un communiqué conjoint, des mesures, à la limite antiéconomiques, suite à l’accident survenu dans la nuit du 14 au 15 avril sur la nationale N°1, qui entraîné la mort de 48 personnes et fait plusieurs blessés. Des mesures prises sur le coup de l’émotion et totalement irrationnelles, qui risquent de porter un sérieux coup à l’économie du Togo basé sur le Port autonome de Lomé et la Nationale numéro 1, relais des pays du Sahel. 

Il est rare qu’un homme politique togolais interpelle publiquement par lettre ouverte une autorité politique ou écrit une tribune dans un journal. Gerry Taama fait les deux. Admirable. Et sa lettre ouverte ne manque ni de piquant ni d’intelligence.  Nous vous proposons des extraits de sa lettre.

Mesures antiéconomiques

Parmi ces mesures prises par le gouvernement pour juguler ce qui devient un drame national (déjà 224 morts au premier trimestre 2014), figure l’interdiction pour les bus de transport urbains de plus de 12 places, et les camions remorques et semi-remorque habituellement appelés titans de circuler entre 18h et 5h du matin. Monsieur le ministre, je suis opérateur économique et si cette mesure concernait toute la zone CEDEAO, elle serait salutaire et la bienvenue. Mais si elle ne concerne que le Togo, elle fera courir à notre économie, en réduisant les flux de marchandises et de transports de personnes vers l’intérieur et l’hinterland, un risque incompatible avec l’extension du port et l’augmentation de nos capacités de transbordement. Par exemple, un bus quittant Ouagadougou met presque 24h pour arriver à Lomé, l’interdire de circuler de nuit, c’est doubler le temps nécessaire pour atteindre notre capitale à des milliers de commerçants qui font ce parcours tous les jours. Un camion met trois jours pour faire cette même distance, votre mesure double de temps de transport de marchandises, incitant certainement les opérateurs à explorer d’autres pays qui n’auront pas pris les mêmes mesures.

L’ex-lieutenant des FAT attire ensuite l’attention du ministre sur les vrais facteurs accidentogênes des routes nationales, les autorités ayant eu rapidement fait d’accuser ” la nuit et les conditions de visibilité comme premiers facteurs de risque“. Gerry Taama met l’accent sur l’étroitesse de nos routes- contrairement aux recommandations de l’UEMOA exigeant  des routes d’au moins 15 mètres de largeur- et leur mauvais état, comportant des dénivelés et de géants nids de poules.  Il s’ensuit que la construction “d’ici quelques années” d’une Ligne Lomé-Cinkansé  dotée de 4 voies, [ fera] “baisser le nombre d’accident liés aux collisions et aux mauvais dépassements ; causes majeurs d’accidents sur nos routes“.

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M. Taama a ensuite embranché sur 4 propositions, lesquelles devraient servi à réduire le nombre d’accident sur les routes togolaises.

1. Cesser de faire du Togo la poubelle de l’Afrique

Aujourd’hui, avec le système COTEC, les taxes pour importer des véhicules récents ou neufs sont si élevées qu’on incite presque les Togolais à acheter des vieilles voitures et les « sortir » à prix raisonnable. Résultat, on retrouve dans la circulation des épaves fraîchement immatriculées. Il revient au Togo de fixer, ainsi que d’autres pays l’ont fait, une limite pour l’âge des véhicules importables dans le pays (10 ans au Ghana), et de prendre des mesures incitatives à l’achat des voitures neuves et récentes.

 

2. Permis de moto obligatoire, en plus du casque

Aujourd’hui, la majorité des motocyclettes en usage dans notre pays ont un cylindre 125 cl et ont des vitesses de pointe de 120km/h. Il n’est pas normal que les motocyclistes qui roulent ces engins n’aient aucune notion de code de la route et ne soient pas testés sur la maîtrise de leurs engins. Le gouvernement devrait instituer ce permis, en le subventionnant pour inciter le plus grand nombre à l’avoir. A Lomé, l’une des grandes causes d’accident est liée à la méconnaissance du Code de la route et à la non-maîtrise des engins par leurs utilisateurs, indique M. Taama.

3. Rendre les contrôles efficaces

Gerry Taama remet en cause la pratique du contrôle routier, qui semble être plutôt un système de racket,  la plupart des agents chargés de faire respecter le Code de la route sur le terrain ne disposent pas de fiche de contravention.

Que tous les agents disposent désormais de carnets de verbalisation, mais que les paiements se fassent à des guichets spéciaux, directement contrôlés par le trésor public. Les usagers de la route perdront ainsi moins de temps en négociations sans fin, en confiscation de pièces, en échange de billets rapidement fourrés dans la poche, mais chaque contrevenant aura un délai pour aller payer sa contravention, faute de quoi il sera convoqué à la police pour y payer une amende plus forte. Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas combattre les infractions au code de la route, s’il y a un risque, si minime soit-il, de connivence entre l’agent de police et le contrevenant, à l’avantage financier du premier, écrit-il au ministre Yak Damehane.

 

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  1. Sensibiliser pour lutter contre le facteur humain des accidents

Au Ghana voisin, il est presque impossible de faire la surcharge dans un bus, non que le conducteur n’en ait pas envie, mais aucun passager ne l’autorisera. Les campagnes de sensibilisation sont encore insuffisantes dans notre pays. Il faut que les Togolais comprennent les vrais risques liés aux accidents, et prennent eux même l’initiative de porter le casque, de mettre la ceinture, de respecter les limitations de vitesse, bref, de respecter le Code de la route, a-t-il suggéré au Lieutenant-colonel Yak Damehane.

Gerry Taama conclut en demandant au ministre de revenir à la raison:

Face à l’émoi, ne réagissons par en effet d’annonce. Notre économie a besoin que sur notre artère principale qui est la Nationale 1, circule ce flux indispensable. Rétablissons la circulation permanente, et faisons juste en sorte que le Code de la route soit respecté. Une meilleure responsabilisation de nos agents de contrôle, une police interne, et une sensibilisation nationale sont les ingrédients de cette réussite

 

 

 


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A propos Komi Dovlovi 1098 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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