Faussaire, plagiaire, médiocre étudiant, l’ex-ministre de la Culture et du Tourisme, Kossi Gbenyo Lamadokou vient d’être attrapé le doigt dans le pot de confiture d’une fraude au diplôme par le CAMES. Il a été épinglé dans un rapport du CAMES alors qu’il postulait pour le grade de maitre-assistant. C’est en postulant à ce grade que le ministre qui a échappé à la vigilance voire au laxisme de l’Université de Lomé a été rattrapé par la police du CAMES. Il est enseignant à l’ISICA (Université de Lomé).
«… un doute sérieux sur la fiabilité et la validité du diplôme de master combiné à une maîtrise insuffisante des méthodologies de recherche employées et pire, un fort soupçon de fraude a conduit le CTS à ajourner le candidat pour l’inscription sur la LAFMA», conclut le Comité technique et scientifique (CTS) du CAMES de façon cinglante.
Selon le CAMES, le ministre n’a jamais passé un diplôme de master. Il y a un «fort soupçon quant à la fiabilité et à la validité du diplôme de master qui a permis à [l’ex-ministre] d’entamer la thèse de [doctorat]».
Le diplôme est délivré par un «un cabinet de formation professionnelle» non habilité à délivrer un tel diplôme. En sus de cela « il est indiqué sur le diplôme que le candidat est étudiant du groupe Piger de Cotonou alors que lui-même n’en fait aucunement mention sur aucun CV».
Le CTS relève également un mensonge dans le dossier du ministre qui a mentionné un article qui n’est pas de sa production. Un article où l’on note d’ailleurs de graves approximations de la part d’un candidat qui ne maîtrise pas les méthodes scientifiques de recherche.
Pourquoi l’Université de Lomé n’a vu rien
Passé le choc dans l’opinion, la question sur bien de lèvres est : comment le ministre a-t-il pu passer par les mailles du filet de l’Université de Lomé. D’après notre confrère L’Echiquier qui cite un universitaire, le problème est d’abord administratif.
«Le problème est d’abord administratif. Il n’existe de fichier central de thèses au Togo. On ne sait qui est inscrit quand en thèse et qui doit soutenir quand. Ceci rend facile la fraude. S’ajoute à cela le fait que toutes les écoles prétendent faire le doctorat. Il y a un cafouillage partout, sans oublier la complicité des enseignants du supérieur. C’est eux qui couvrent tout cela. Lamadokou n’est pas seul dans le cas », cite L’Echiquier. Et il semble que l’ex-ministre n’est pas le seul dans ce cas dans les universités publiques du Togo. Il y a d’autres universitaires dont des professeurs agrégés.
Depuis l’augmentation du niveau des salaires dans l’enseignement supérieur, il y aurait une course folle pour devenir enseignant dans les universités publiques du Togo.
Un problème éthique dans le pays
Selon un autre universitaire joint par Letempstg.com, le mal est plus profond et date de plus de deux décennies. Pendant le processus de démocratisation, les Togolais ont lancé une grève générale entre 1992-1993, qui a entraîné la fuite des meilleurs- des enseignants et des étudiants.
«Il a fallu remplacer des enseignants. Le pouvoir en a profité pour recruter des gens émanant des associations proches. Or, il se trouve que parmi ces personnes des individus médiocres, et ce sont les professeurs qui ont eu à gérer leurs dossiers et qui étaient des obligés du pouvoir ont tapé le boulot à leur place. Grosso modo, bien de thèses de doctorat ont été écrits les professeurs à la place de leurs élèves », raconte cet enseignant.
Secundo, «il y a eu la promotion dans les hautes sphères de l’Etat d’individus qui ont été renvoyés de l’Université pour avoir triché ». « Il y a eu notamment le cas d’un fameux ambassadeur aux Etats-Unis bombardé plus tard au sommet de l’Etat », ajoute l’enseignant. Cela a ouvert une brèche dans l’armure morale du pays, et la fraude est devenue la norme. Il y a eu beaucoup de fonctionnaires de la Fonction publique dans ce cas.
Enfin, pour des raisons politiques, l’Etat du Togo a su profiter d’un laxisme au niveau du Cames pour demander à l’institution d’accorder le grade de titulaire à certains enseignants qui allaient être nommés au gouvernement. Ainsi ces enseignants sont professeurs du Togo mais ne sont pas reconnus comme tels par le système CAMES.
Un problème d’Etat
Cette fraude est un problème de société voire un problème d’Etat. « Notez que le ministre Lamadokou, qui est d’ailleurs un enseignant à l’Université de Lomé, ne sera pas poursuivi », parce qu’il est membre du parti au pouvoir. En principe, le CAMES, en tant qu’institution panafricaine de l’enseignement supérieur a joué parfaitement dans cette affaire par la sanction contre le ministre. Mais le gouvernement togolais doit réprimer la fraude et tout manquement à l’éthique, c’est-à-dire le poursuivre devant les juridictions compétentes du pays.
Or, Kossi Gbenyo Lamadokou n’est pas le seul dans ce cas. Sur un autre plan, le ministre Dodzi Komla Kokoroko et Adama Kpodar, tous deux professeurs titulaires du CAMES épinglés pour favoritisme en 2019, n’ont jamais été poursuivis. Pis, ils ont été promus par le régime en place. Il en est de même du ministre Robert Dussey également épinglé pour plagiat par le CAMES.
Dans un pays, où ce sont les fraudeurs et les médiocres qui sont au pouvoir, il ne faut pas s’étonner qu’une telle prostitution déteigne sur la société. La médiocrité de l’administration togolaise en est la résultante.
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