L’ancien président du parlement Dahuku Péré, dissident du RPT et opposant à Eyadema, est décédé ce vendredi 9 avril à Lomé à l’âge de 68 ans.
Dissident du RPT (Rassemblement du peuple togolais) en 1999 puis opposant au général Eyadema, il a tourné casaque en 2013 en rejoignant son ancien camp politique comme candidat d’UNIR à Blitta, le parti de Faure Gnassingbe. Il symbolise la problématique de la dissidence au Togo : le fait que tout dissident du pouvoir actuel finit toujours par y retourner.
Après des études supérieures au Canada, Dahuku Péré devient inspecteur de l’Education nationale. Il a ensuite servi comme Secrétaire général du Ministère de l`Education Nationale de 1986 à 1990. Il gravit les échelons du parti et devient chef de la JRPT, aile marchante du RPT en 1987. Puis, il entre au gouvernement en tant que ministre du Travail et de la Fonction publique de 1990 à 1991, puis secrétaire général adjoint de la RPT 1991-1994.
Il a connu jusque-là une trajectoire politique quelconque mais se retrouvera tout de même emballée dans les soubresauts de l’histoire.
Le 5 octobre 1990, un soulèvement estudiantin enclencha des effervescences démocratiques qui ébranlèrent le régime monolithique du général Eyadema, le poussant à l’organisation d’une conférence nationale en juillet 1991. La gestion des événements de cette conférence changèrent le destin de Dahuku Péré, qui fut cité avec Agbeyome Kodjo, son ami et collègue du gouvernement, comme les commanditaires d’un coup d’Etat présumé . La révélation de ce complot, vrai ou faux, créa un incident marquant de la conférence nationale. Les comploteurs présumés se firent passer pour les victimes des opposants.
Peut-être serait-ce pas goût de revanche personnelle, mais toujours est-il qu’après le triomphe militaire du général Eyadema sur les institutions démocratiques issues de la conférence nationale, Dahuku Pere devint un militant de premier rang du RPT. Ainsi présida-t-il alors aux lendemains des législatives de 1994, le premier parlement post-parti unique jusqu’en 1999.
Pour des raisons obscures, il ne dirigea pas le parlement monocolore après des élections législatives de 1999. Mais trois ans plus tard, le 24 mars 2002, M. Péré écrit une déclaration au Comité central du RPT dans laquelle il dénonçait le leadership anachronique et obsolète d’Eyadema, la gestion anachronique, et chaotique du pouvoir et « la fin de la barbarie« .
Extrait de cette déclaration :
Je veux penser que ce n’est vraiment pas cette direction périlleuse dont, par l’expérience, nous connaissons l’issue fatale, que nous avons l’intention de continuer à suivre, en nostalgiques impénitents de la pensée unique et de l’action solitaire. Il urge aujourd’hui que nous nous disions clairement les vérités. Car, les taire pourrait nous handicaper dans notre légitime désir de survie en tant que force politique et dans notre capacité à faire entrer, en cette même qualité, notre pays et notre peuple dans l’ère de la démocratie et de l’Etat de droit.
Longue traversée du désert et retour au RPT-UNIR
En conséquence de ce brûlot, le Comité central du RPT vota le 6 Août 2002 son expulsion du parti et de l’Ordre du Mono, le 2 Août 2002. Son Agbeyome Kodjo subit également la même sanction le même jour pour dénonciation de la gestion du pays par le général Eyadema.
Entré en opposition ouverte, il n’a jamais su prospérer, croyant naïvement pouvoir constituer un challenger sérieux au général Eyadema dans leur région d’origine commune de la Kara. Il ne récolta que 2,20% à la présidentielle de 2003 à laquelle il participait comme candidat du RPT.
En Septembre 2005, il fonde l’Alliance démocratique pour la Patrie (l’Alliance), avec Agbéyomé Kodjo. L’Alliance échoue aux législatives 2007. Il y eut plus tard des bisbilles avec Agbeyome Kodjo, qui quitta l’Alliance pour aller créer Obuts.
Après ces multiples échecs et après une longue traversée du désert et des déboires financiers, Dahuku Péré vira sa cuti et se présenta comme candidat d’UNIR dans la circonscription de Blitta, sans avoir démissionné pour autant de la présidence de son parti L’Alliance.
Il fut victime d’un grave accident de la route sur la nationale N°1, quelques jours après les législatives de juin 2013. Malade et grabataire, il ne retrouva plus sa santé et fut remplacé en 2014 au parlement, sans avoir siégé.
La suite ne fut qu’une longue suite de souffrances sans fin qui prirent fin ce 9 avril.
Malgré son appartenance à l’ethnie Kabyè, malgré sa vie militante au RPT, parti unique d’alors, M. Dahuku Péré s’est montré tout au long de son parcours politique comme un modéré voire un réformateur, qui a su au risque de se départir des solidarités ethniques ou politiques mécaniques.
Fervent chrétien catholique, il aurait pu être de ses hommes politiques pouvant changer le parti au pouvoir de l’intérieur si les conditions étaient plus ou moins favorables.
Sa dissidence et son exclusion symbolisent le refus de toutes réformes à l’intérieur du parti au pouvoir, la privatisation du RPT-UNIR par le clan familial au pouvoir, mais surtout la répression qui attend tout opposant interne.
Son retour au parti UNIR en tant que député, en dépit du côté burlesque de ce revirement, témoigne également des difficultés énormes que doit surmonter tout candidat à la dissidence. Au final, ce retour suicidaire lui a été quelque peu suicidaire.
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