Dans un communiqué laconique, la Commission nationale des droits de l’homme déclare s’être autosaisie de l’affaire des deux malfrats présumés abattus « dans les environs de la société SOTOTOLES, et a mis en place «un groupe de travail» à cet effet.
La CNDH a été créée en 1987, en pleine dictature Eyadema, à l’initiative de Me Yaovi Agboyibo, comme mécanisme national de promotion et de protection des droits de l’homme. Dans sa mission, la Commission est effectivement habilitée à s’autosaisir des cas de violations de droits de l’homme.
Cependant, ce n’est pas par une auto-saisine systématique que la CNDH s’empare de l’affaire, mais «suite à la polémique [c’est nous qui soulignons en gras] née autour des deux présumés malfaiteurs abattus par le Groupement d’intervention de la police nationale (GIPN) dans la nuit du 27 au 28 juillet 2019… »
En français, « polémique » est un débat par écrit, vif ou agressif, une controverse entre deux parties. Ça annonce le traitement de l’affaire. Visiblement, la CNDH s’apprêterait à jouer un rôle d’arbitre voire trancher entre les deux versions. Grosso modo, la CNDH ne s’apprête pas à mettre sur pied une commission d’enquête, mais un groupe de « travail », c’est-à-dire de revue.
Pour rappel, la mission d’arbitrage ne se trouve nulle part dans les rôles et missions organiques dévolues à la CNDH. Certes, comme on le constate sur son site, les rapports 2018 et 2017 montrent clairement que l’organisme ne se donne pas les moyens de jouer pleinement son rôle comme elle a eu à le faire par le passé lors des présidences Yaovi Agboyibo, Me Dovi Ahlonko et Koffi Kounté. Ce dernier, plutôt courageux, fut obligé de s’exiler à la suite de la publication d’un rapport confirmant les allégations de torture et autres traitements inhumains et dégradants infligés en 2009 aux personnes impliquées dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Des autorités haut placées l’ont obligé à tripatouiller le rapport qui mettait en cause des agents de l’Agence nationale du renseignement (ANR).
De même, la CNDH ne s’est pas autosaisie de l’affaire du jeune garçon de 12 ans, tué par balle le 8 décembre 2018, en pleine campagne électorale alors que des informations et des images sur les réseaux et dans les journaux laissaient planer de fortes présomptions quant à l’auteur du tir.
Une mission d’enquête internationale
Les Togolais doivent exiger une mission d’enquête internationale pour établir la vérité des faits et traduire en justice s’il y a lieu les personnes détentrices de l’autorité publique impliquées dans ce qui s’apparente à des exécutions extrajudiciaires. Mlatawo Dekpo et Kofi alias Cimetière sont peut-être des voleurs, mais il n’est nulle part écrit qu’ils doivent être sauvagement liquidés comme des lapins et leurs dépouilles offertes à l’opprobre publique. Nul ne doit se rendre justice lui-même et surtout pas les personnes d’autorité publique.
Mlatawo Dekpo et Kofi alias Cimetière viennent de familles très pauvres, vraisemblablement très en dessous du seuil de pauvreté : il y a manifestement un risque que leurs familles ne puissent pas supporter les pressions éventuelles sur elles exercées. Les organisations des droits de l’homme et la presse devraient veiller à ce qu’une telle situation ne se produise.
L’intervention de la CNDH fait suite à la publication du communiqué du Mouvement Martin Luther King (MMLK). Le leader de ce mouvement, le pasteur Komi Edoh a fait un travail bâclé sur le terrain et lancé un appel à la CNDH, une commission à laquelle on ne peut se fier totalement. C’est l’occasion d’encourager les acteurs de la société civile de faire leur travail avec toute la rigueur et le professionnalisme requis. Et une éthique radicale.
Les postures médiatiques peuvent altérer le fonctionnement de bonnes intentions et un travail de qualité.
Tout pouvoir n’est tranquille que par le consentement de ceux qui le subissent. Dès lors que les organes de contre-pouvoir et/ou indépendants, dont l’existence « justifie » ce consentement, sont en réalité soumis secrètement au pouvoir, on est dans le trompe-l’oeil.
Le travail d’un professionnel des droits de l’homme devient alors de discréditer ces appuis du pouvoir, pour qu’il apparaisse dans sa nudité de violence du plus fort, du mieux organisé.
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