Galilée au service de l’opposition togolaise : et pourtant ils doivent s’unir !

« Et pourtant elle tourne ! » Galilée (1564-1642).

Tels auraient été les mots prononcés par le savant Galilée à la fin du procès qui lui avait été intenté en 1633 afin de lui faire renoncer à sa théorie selon laquelle “la terre tourne autour du soleil”. Et pour cause, cette théorie était contraire à la doctrine de l’Église qui soutenait que c’est le soleil qui tourne autour de la terre. C’était à l’époque un triomphe du sens commun et de l’apparence sur la vérité scientifique.

En quoi cet épisode de la vie de Galilée est-il pertinent pour l’opposition togolaise ?

Parce qu’au regard des déboires qu’a connus la C14 ainsi que la méfiance, les rancœurs et le sentiment de défaite qui se sont installés parmi ses membres, l’on serait tenté de soutenir que dans les circonstances actuelles, une coalition similaire ne saurait triompher face au parti au pouvoir au cours des batailles politiques qui s’annoncent. Ce serait la conclusion la plus plausible, l’équivalent de la croyance selon laquelle c’est le soleil qui tourne autour de la terre. C’est tentant, car c’est visible, apparent.Et pourtant, dirais-je à l’instar de Galilée, les opposants au régime togolais doivent s’unir, car ils n’ont aucun avenir sans l’union et/ou l’unité. Peut-être qu’ils n’auront pas besoin d’être 14 ou 9, mais il est impératif qu’ils opèrent dans une coalition. La raison est simple : nous ne sommes pas encore arrivés à destination, c’est-à-dire l’alternance politique, donc il n’y a pas lieu de baisser les bras et se regarder en chiens de faïence.

Mais comment s’unir cette fois afin d’obtenir un résultat différent de celui qui a toujours été obtenu par toutes les coalitions politiques antérieures ?

Je vois deux (2) aspects importants pour la constitution d’une nouvelle alliance entre des partis de l’opposition togolaise.

D’abord une vision claire de la lutte politique : il est nécessaire que la coalition soit basée sur une position claire par rapport aux questions politiques majeures du présent et à moyen terme. Cette vision détermine la définition des moyens d’action. Cela signifie que la coalition devrait se constituer autour d’une position commune sur :

  • L’objectif immédiat c’est-à-dire les réformes politiques (y compris la mesure dans laquelle on les jugera assez acceptables pour tourner cette page) ;
  • Les moyens d’action c’est-à-dire la stratégie pour obtenir lesdites réformes politiques (dialogue sans fin ou insurrection populaire suivie d’une transition) ; et
  • La stratégie électorale pour 2020, qu’il y ait réformes à minima, réformes complètes ou pas de réformes du tout. 
  • Ensuite un cadre formel avec des rôles et des responsabilités entre les membres. Avant la naissance précipitée – mais opportune – de la C14 en août 2017, j’avais toujours soutenu qu’une manière d’éviter les lacunes des coalitions précédentes serait de définir la vision de la coalition en même temps que les rôles spécifiques que chaque membre serait amené à jouer dans la coalition. Et puisque nous sommes en politique, cette définition des responsabilités doit s’accompagner d’un recensement des avantages politiques liés à chaque rôle, en temps réel et dans l’avenir.

Chaque parti vient dans une coalition avec des forces qui lui sont propres, et il serait bien de capitaliser sur cela et de montrer de quelle manière ces forces investies à court et à moyen terme (d’ici 2020) rapporteront des dividendes politiques à long terme (en cas de victoire en 2020). Sans quoi l’engagement de chaque parti ne sera pas sincère.

Par exemple, qui au sein de la coalition sera chargé de maintenir un engagement avec les partis non-membres ? Avec la société civile ? Avec les composantes de la diaspora (nord-américaine, européenne, africaine, asiatique) ? Avec les dissidents du régime ? Avec les acteurs de la communauté internationale (G5, CEDEAO, Union Africaine, Union Européenne, ONU). Qui sera chargé du dialogue avec des acteurs politiquement non-partisans (tels que les forces de défense et de sécurité) ? Quid du fundraising ? De la coordination de la coalition ? Pour combien de temps chaque membre assumera un certain rôle ? De cette répartition des tâches dépendra la mobilisation des ressources ainsi que de leur répartition. Bien entendu la mise en place d’un cadre formel va de pair avec l’adoption de règlements disposants non seulement de sanctions, mais aussi de récompenses assez claires liées à un certain nombre d’actions de chaque membre.

La plupart des Togolais sont d’avis que la création précipitée de la C14 afin de parer au plus pressé n’a pas permis de poser des bases solides d’une coalition politique durable. La fébrilité ainsi que les soubresauts qui ont accompagné l’existence de la C14 n’ont fait qu’aggraver cette fragilité qui a éclaté au grand jour après le 20 décembre 2018.

Au-delà de tous ces constats, et des arguments qu’on pourrait invoquer pour justifier les actions individuelles, j’opposerai l’obstination de Galilée : « et pourtant, les opposants doivent s’unir. »

J’espère échapper au bûcher des talibans politiques.

Aminou Ben Yaya


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