Comment l’opposition a-t-elle réagi au lancement du projet « transferts monétaires », sorte de compléments financiers pour les ménages les plus pauvres ? Il n’y a pas eu assez d’échos venant des partis de l’opposition. Le Temps a cependant rencontré Laurent Lawson, Premier secrétaire du PSDT (Parti social-démocrate du Togo) ce samedi.
Voici sa position :
« L’idée d’une aide financière en complément pour des citoyens aux bas revenus ou aux ménages très pauvres, n’est pas une invention de Faure Gnassingbé, soit dit en passant. Ça s’appelle « Solidarité ou redistribution de la richesse». En Occident, où dans des Etats où il y a l’Etat-Providence, les politiques ont conçu la société telle que le développement, donc la production de la richesse, puisse profiter à tout le monde ; l’idée est de ne laisser personne sur le bord de la route. Il y a donc un système de redistribution des richesses. Produire la richesse commande donc de créer du travail, de faire des projets de développement. Grosso modo, c’est l’économie.
Dans le cas qui nous occupe, l’idée de soutenir les pauvres n’est pas mauvaise en soi. Mais l’habit ne fait pas le moine, et l’enfer peut être pavé de bonnes intentions. Le projet du transfert monétaire aux pauvres coûte 4,32 milliards- selon le site officiel du gouvernement, dont 1,32 milliards comme contribution de l’Etat et 3 milliards de la Banque mondiale. Je passe sous silence la participation à ce projet d’une institution maîtresse de la pensée néolibérale et génératrice de pauvreté en Afrique telle que la Banque mondiale. Passons.
Le projet, dit-on, est conçu pour deux ans, et peut-être reconductible chaque année, et vu la rapide ascension de la pauvreté au Togo, on n’imagine- je m’en vais soulever un lièvre- l’explosion du budget chaque année. Non, sérieusement, alors que l’argent ne vient pas de la richesse produite, il viendra à manquer et le projet s’arrêter. N’est-ce pas de la poudre aux yeux ?
Non sérieusement, ce projet, à mon humble avis pose plus des problèmes que les prétendues solutions de cache misère qu’il prétend résoudre.
Tout d’abord, de façon formelle, le gouvernement devrait présenter le projet au parlement pour qu’il soit discuté et, éventuellement, amendé par les représentants du peuple. On nous dit que c’est un volet du PND. Soit. Mais le PND a-t-il été discuté au parlement ? Dans une République digne de ce nom, où les institutions sont indépendantes, un tel projet d’envergure nationale- censé être doté de plusieurs centaines de milliards-, devrait passer sous la surveillance des députés. Certes, faire élaborer le projet par des techniciens sur un bout de table, n’interdit pas de le faire passer devant le parlement, ne serait-ce que pour que les députés puissent poser des questions au gouvernement. Bafouer à telle enseigne les pouvoirs de l’institution parlementaire est un signe évident d’une absence de démocratie. Notre parlement, en plus d’être godillot, n’est qu’une simple chambre d’enregistrement pour le gouvernement ? On pensait pourtant que le temps du parti unique était forclos dans ce pays !
Ensuite, sur quels critères ont été choisis les 61 000 ménages issus de 585 villages des 209 cantons ? Mystère. Je pose la question parce que cela devrait être 61.001 ménages, car je connais un foyer misérable au quartier Ablogame, à Lomé, qui n’en fait pas partie ! (Rires)
Enfin, un peu de clairvoyance dans cette confusion ambiante. Ces 4,32 milliards, si le gouvernement était vraiment ambitieux, il n’irait pas donner 5.000 CFA par mois au foyer. Certes, ça n’est pas rien dans ces familles qui tirent le diable par la queue et Dieu par la langue, mais c’est semer sur un terrain rocailleux.
Soyons sérieux, ambitieux et généreux : Je pense que le vrai projet devrait être d’investir ces quatre milliards dans une banque et/ou une assurance dont les bénéfices devraient servir à aider de façon qualitative ces 61.000 ménages. Le régime prône le capitalisme et la liberté des marchés mais ne sait pas comment le système fonctionne !
En résumé, pour revenir au projet du Transfert monétaire, il s’agit d’un projet de campagne électorale pour gagner la voix des masses paysannes, surtout dans le Nord pris en otage par le pouvoir. Faure Gnassingbé a déjà commencé la campagne présidentielle, plus de 12 mois à l’avance. Il se moque des Togolais ! »
L’intervention est quelque peu longue, mais elle a le mérite de la clarté. Tel est Monsieur Lawson. On peut désapprouver certaines de ses positions à l’égard de l’opposition, mais on ne peut manquer de souligner la pertinence de ses interventions quand il s’agit de la gestion du pays.
Après s’être échiné à combattre la dictature Eyadema dans les années 1980-1994, il a dû fuir le refuge du Bénin, où il se sentait menacé par les argousins du général, pour l’exil en Suède. Il crée le CTSD (Comité togolais pour la survie de la démocratie), association qui intervient dans le domaine social et la formation des partis politiques.
La situation politique actuelle ne lui plait guère. Et la perspective de voir Faure Gnassingbe perpétuer le pouvoir dynastique au-delà de 2020 est, pour lui, une vision d’horreur à laquelle il faut trouver une solution adéquate.
Komi Dovlovi
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