Mémoire : Une exposition sur la visite de Sylvanus Olympio aux Etats-Unis en 1962

L’Ambassade des USA au Togo et le HCRRUN organisent du 26 avril au 26 mai une exposition sur la visite de Sylvanus Olympio aux USA le 22 mars 1963.

L’exposition se situe dans le cadre de l’appui à la mise en œuvre du programme de réparations.  Conformément à sa recommandation 46, « la CVJR recommande qu’un hommage soit rendu à certaines personnalités disparues qui ont occupé des postes de responsabilité importants et rendu service à la nation togolaise … », selon le HCRRUN.

L’ambassadeur des Etats-Unis et le HCRRUN se sont mis d’accord pour l’organisation de cette exposition qui se déroulera du 26 avril au 26 mai. L’objectif de l’exposition est de rendre hommage au Président Sylvnus Olympio à,travers une visite historique à Washington.

Mémorable visite de Sylvanus Olympio

Historique. Le 22 mars 1962, le président Sylvanus Olympio est accueilli par John Fitzgerald Kennedy, le plus populaire des présidents américains au 20ème siècle. La visite restera dans les annales de l’histoire. Le Togo et une bonne partie d’Etats africains venaient d’accéder à la souveraineté nationale. Si en Afrique, la notoriété du président ghanéen Kwame Nkrumah, le chantre du panafricanisme romantique, est internationale, celle du Togolais dépasse également les frontières nationales. De tous les présidents africains, il n’y a que lui qui a cette stature d’un homme d’Etat hyperéduqué et un certain raffinement occidental.

Certes, il y avait Léopold Sedar Senghor, agrégé de grammaire et Kwame Nkrumah, sorti d’une université américaine, mais les autres dirigeants de l’époque étaient soit des instituteurs, soit des syndicalistes.

 Le président guinéen Sékou Touré dont le pays venait d’accéder à l’indépendance le 2 octobre 1958, fit sa première visite à l’étranger au Togo pour s’inspirer de la sagesse et la vision de l’Etat du président togolais. Un sens de l’Etat et une vision du développement que confirma l’essayiste français René Drumont dans L’Afrique noire est mal partie dans lequel il signifia que le Togolais était le seul à avoir un entendement de l’indépendance et du développement.

De par sa formation universitaire, Sylvanus Olympio n’a rien à envier aux dirigeants occidentaux. Diplomé  en économie de  la London School of Economics et en droit d’une Université de Vienne (Autriche), le père de l’indépendance togolais est un polyglotte maniant excellemment l’anglais, le français et l’allemand. Lors de sa brillante présentation à l’Onu du cas de la création d’un Etat Eweland, selon l’historien Atsutse Agbobli, le représentant des Etats-Unis s’exclama : quel est cet enfant de Noir qui parle anglais ainsi !

C’est donc un grand homme d’Etat qu’accueillit chez lui, JFK. Le jeune président américain venait de se rendre célèbre par son discours devant le Mur de Berlin, ce mur de la honte érigée par les Russes inquiets de la fuite des Allemands de l’Est vers l’Ouest florissante.

Visite stratégique

Cette visite auprès de la première puissance militaire et économique mondiale en pleine Guerre froide vaut son pesant d’or. Visiblement, en bon libéral, Sylvanus Olympio  fait le choix naturel du bloc occidental. Déjà en 1961, il a su habilement se défaire de la JUVENTO, aile gauchiste et marxisante, cheville ouvrière de l’indépendance du Togo, par l’adoption d’une  nouvelle constitution avec un régime présidentiel. Des élections générales feront du CUT un parti unique de fait et Olympio, le maître incontestable du pays.

Face à une France envahissante qui entend contrôler le destin de ses ex-colonies en dépit des indépendances, Sylvanus Olympio est en quête de protecteurs. Un mois après la visite à John Kennedy, il effectuera deux visites officielles en Allemagne en mai  et octobre 1962.

Selon l’historien Atsutse Agbobli, le président entend calquer le développement du Togo sur celui des Länders allemands. La création d’une monnaie nationale arrimée au Deutsche Mark serait aussi en vue pour une indépendance pleine et entière. En 1961, le pays achève le paiement de sa dette extérieure et dispose d’un budget équilibré pour négocier sans contrainte avec les partenaires au développement. Olympio ne pouvait alors que lancer le pays sur la voie du développement.

A quand l’accès aux archives américaines ?

Mais la France veille au grain. Le 13 janvier 1963, par l’entremise de la soldatesque coloniale, on assassina le président dans des circonstances encore non-élucidées.

Le président américain, qui sera assassiné dix mois plus tard le 23 novembre 1963 à Dallas, s’est ému de la mort de Sylvanus Olympio.

« L’assassinat tragique du Président Olympio est un coup porté au progès pour la stabilité des gouvernements en Afrique. C’est aussi une perte non seulement pour son propre pays, mais aussi pour tous ceux qui l’ont connu ici aux États-Unis. Sa visite, en mars 1962, a été utile pour accroître notre compréhension des problèmes de l’Afrique et de ses aspirations. Son rôle positif, en favorisant la coopération entre les pays anglophones et francophones a aidé à promouvoir la paix et le progrès en Afrique. Son jugement sage et ses qualités d’homme d’État seront regrettés par toutes les nations qui chérissent les valeurs humaines et les idéaux», écrit-il.

Tout en permettant cette exposition sur le voyage du président à Washington, l’ambassadeur David Gilmour ne peut faire oublier les interrogations légitimes des Togolais quant au rôle exact des Etats-Unis dans l’assassinat du président Sylvanus Olympio.

Ce dernier  s’était réfugié au sein de l’ambassade des Etats-Unis dans la nuit du 12 janvier 1963 de son assassinat. Comment s’était-il retrouvé dehors et lâchement assassiné le 13 par des militaires togolais sous ordre ? Que disent les achives américaines ?

Les Togolais aimeraient connaître leur trouble passé. L’accès aux archives du Département d’Etat pour une appréciation des notes  de l’ambassadeur américain  aux moments des faits pourrait apporter un important éclairage sur cette époque.

Plus de 50 ans après les événements, le département d’Etat américain doit aider les Togolais à voyager dans leur passé. Cette connaissance de leur histoire vaudra mieux que cette réconciliation teintée d’hyporcrisie entreprise par Faure Gnassingbé et le HCRRUN. Et ce, d’autant plus que pendant les audiences de la CVJR  dirigées par un prélat d’une église catholique émasculée, les Togolais n’ont rien appris de l’assassinat du père de l’indépendance.

 


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A propos Komi Dovlovi 1121 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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