Claude Ameganvi du Parti des Travailleurs, sonne la mobilisation populaire pour le départ de Faure Gnassingbé après 50 ans de pouvoir familial et clanique.
A l’occasion du cinquantième anniversaire du clan familial au pouvoir le 14 avril prochain, Claude Ameganvi, le leader du Parti des Travailleurs, lance une pétition pour la démission de Faure Gnassingbé.
Piqûre de rappel. Claude Ameganvi, le leader des Partis des Travailleurs, est imbu de leçons d’histoire, et rares sont les hommes politiques togolais qui ont une telle connaissance de l’histoire du Togo.
Pour ceux qui l’ignorent encore, contrairement aux idées reçues, Gnassingbé Eyadema, de son vrai Etienne Eyadema, est arrivé au pouvoir le 14 avril 1967 et non le 13 janvier 1967. Il venait de pousser à la porte le colonel Kléber Dadjo, présumé chef de la junte militaire auteure qui venait de renverser le régime civil de Nicolas Grunitzky, miné par des querelles byzantines.
Il était une fois Etienne Gnassingbe Eyadema
Porté au pouvoir par la France à la suite de l’assassinat du président Sylvanus Olympio, son beau-frère, Nicolas Grunitzky, manquait de maîtrise dans la gestion du pouvoir aux yeux des services de Jacques Foccart et de Gaule. Pire : sa « faiblesse » permettait le retour en force des ex-CUT restés fidèles au père de l’indépendance du Togo. Le deuxième président qui vivait sous la hantise d’un coup d’Etat a passé facilement aux militaires.
Problème : le colonel Kléber Dadjo, le chef de la junte, est un personnage falot vivant sous l’empire du verre. Les Français le remplacèrent alors par le Sergent Etienne Eyadema le 14 avril 1967. C’est plus tard qu’Eyadema portera le patronyme Gnassingbé qui est en réalité celui de son beau-père.
Depuis le 14 avril 1967, Etienne Eyadema Gnassingbé règnera sur le Togo d’une main de fer à travers une dictature militaro-civile d’un parti unique RPT (Rassemblement du peuple togolais) et une répression féroce de l’opposition par une armée tribale et clanique.
Etienne Gnassingbé a réussi à se maintenir pendant 32 ans à la tête du Togo, en dépit de la lutte de l’opposition exprimée par divers complots et attentats, de la lutte démocratique du peuple à travers le soulèvement populaire le 05 octobre 1990 et la Conférence nationale souveraine. Son règne sanglant aura coûté près de 10.000 morts selon le Parti des Travailleurs. Sans compter le désatre social de son incompétence en économie.
A sa mort le 5 février, un quarteron d’officiers impose son fils Faure Gnassingbé au prix d’un massacre de 400 à 500 personnes (de février à mai) selon le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme et 1000 selon la Ligue Togolaise des droits de l’homme. Par des tours de passe passe juridique, des élections controversées, la mainmise sur l’appareil judiciaire, l’administration et l’Assemblée nationale, Faure Gnassingbé dirige le pays depuis 12 ans. Il est à son troisième mandat et se prépare à aller à un quatrième.
Le délitement de l’opposition politique, le retournement d’une forte partie de l’élite intellectuelle laissent à Faure Gnassingbé un grand boulevard pour rester ad vitam aeternam au pouvoir.
D’où la réaction de Claude Ameganvi, l’infatigable leader du Parti des Travailleurs. 38 ans pour le père, 12 ans pour le fils, l’addition est très salée pour les Togolais qui n’en peuvent plus de vivre dans un pays économiquement exsangue.
Claude Ameganvi en campagne pétionnaire pour une démission
Pétition. C’est le refus de la prolongation des souffrances sans fin des Togolais qui incite le leader du Parti des Travailleurs à lancer le 14 mars dernier, en conférence de presse, une campagne pétitionnaire pour la démission de Faure Gnassingbé le 14 avril prochain.
L’objectif de la pétition est de demander à Faure Gnassingbé de « démissionner de ses fonctions» en tout cas de quitter la présidence à la veille de «la commémoration du 50ème anniversaire du règne du clan familial des Gnassingbe Eyadema au Togo».
Nous estimons que c’est trop pour le Togo, trop pour l’Afrique, car le Togo est le deuxième pays au monde après la Corée du Nord où règne une dictature aussi longue, déclare Claude Ameganvi.
Aussi, le leader du Parti des Travailleurs a-t-il noté les multiples changements démocratiques chez les voisins et surtout en Afrique de l’Ouest- la Gambie étant le dernier pays à connaitre une alternance démocratique après 22 ans de dictature de Yahya Jammeh. Le Togo reste un îlot de dictature clanique et tribal, et des méthodes de gouvernement suranné.
Certes la démission de Faure Gnassingbé dans un mois n’est pas une partie gagnée d’avance. Et le coordonnateur du Parti des Travailleurs ne se fait aucune illusion sur une telle gageure. Par ailleurs, le président Faure Gnassingbé n’ayant apparemment pas cure d’incarner une gouvernance vintage, affiche un mépris de son peuple. En décembre 2016, lors du sommet France-Afrique à Bamako, il a déclaré qu’il ne voit « pas de rapport » entre le départ volontaire du président François Hollande après un mandat de cinq ans, et les 50 ans de règne de la dictature surannée des Gnassingbe au Togo.
Echec en perspective ?
Loin d’être un naïf, Claude Ameganvi, un militant trotskiste qui fut un casse-tête pour Eyadema pendant la conférence nationale en 1991, a le sens de la symbolique. Le lancement de cette pétition constitue tout un symbole dans un contexte socio-politique marqué par des grèves à répétition dans l’enseignement public, le ras-le-bol des élèves qui manifestent intempestivement dans la rue, les jacqueries dans les zones rurales, une opposition certes démoralisée mais renvoyée dans ses derniers rentranchements, le dos au mur, inquiète des coups d’état électoraux en gestation lors des prochaines élections locales et législatives.
Le contexte sous-régionnal et international pourrait favoriser aussi une pression populaire. Le gouvernement togolais voulant redorer son blason, entend faire de Lomé une plaque tournante des conférences internationales. Un remake d’un passé des années 1980-1990 pendant lesquelles à des coûts exorbitants pour le budget de l’Etat, Eyadema organisait des sommets de la CEDEAO, ACP-UE, etc… Sauf que les tenants de cette diplomatie risque d’être déçus. On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, écrivait Héraclite. Ça vaut aussi en politique. Il faut savoir vivre avec son époque.
Rappelons néanmoins qu’il ne s’agit pas de la première pétition de Claude Ameganvi pour une démission de Faure Gnassingbé. En 2012, il avait également conçu un tel projet, qui fit chou blanc. Saboté par ses ex-alliés de l’ANC, confie-t-il. A l’époque, le leader du Parti des Travailleurs a accusé l’ANC alors très en verve dans les manifs de la plage, d’être obnubilé par les législatives de 2013.
Claude Ameganvi a également lancé une autre campagne pétitionnaire pour exiger de Manuel Valls le remboursement des 5 milliards CFA au « peuple togolais ». Une générosité du pouvoir togolais, à en croire le coordonnateur du Parti des Travailleurs.
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