Le report de la date du scrutin présidentiel demandé par la CEDEAO est loin de satisfaire la classe politique

John-Dramani-Mahama

Pouvoir et opposition risquent de s’opposer sur le report demandé par le président ghanéen John Dramani Mahama. Le Gouvernement pourrait maintenir la date, alors que le report pour corriger les irrégularités du fichier électoral constituerait un argument de l’opposition en vue de demander une annulation pure et simple du scrutin. 

La présidentielle togolaise aura-t-elle lieu à la date prévue du 15 avril ? Les candidats de l’opposition se retireront-ils de la course ? Le doute et la confusion s’installent dans un processus électoral auquel les Cassandre prédisent un après scrutin chaotique, compte tenu de la tension politique qui règne dans le pays en cette période: jacqueries rurales à l’intérieur du pays, grognes sociales sur fond de revendications corporatistes et de grèves sèches en tout genre,  le tout en filigrane d’un refus des réformes constitutionnelles et institutionnelles par le Président Faure Gnassingbé.

Le président Ghanéen, John Mahama, président en exercice de la CEDEAO, vient de demander un report de dix jours du scrutin. De l’avis du numéro un ghanéen, le scrutin doit avoir lieu le 25 avril prochain alors qu’il était prévu se tenir ce 15 avril. La demande du numéro un ghanéen intervient dans le cadre d’une rencontre avec les principaux protagonistes de l’élection présidentielle , le gouvernement,  les  candidats en lice et  la CENI.

A l’issue de ses différents entretiens avec l’ensemble des parties prenantes et dans le souci de décrisper l’atmosphère à la veille de la campagne électorale et de faciliter les derniers réglages techniques nécessaires au parachèvement du processus électoral, le Président en exercice de la CEDEAO a proposé à l’attention des autorités togolaises un léger report de dix(10) jours de l’élection présidentielle initialement fixée au 15 avril 2015, selon le communiqué de la CEDEAO.

La principale raison de ce report souhaitée par l’institution sous-régionale concerne le fichier électoral dont la consolidation par des experts de l’OIF serait en cours depuis quelques jours. Le président ghanéen encourage “tous les acteurs politiques à coopérer pour le succès de la mission de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) mandatée, à la demande du Gouvernement, pour la consolidation des listes électorales.”

Les préoccupations quant à la transparence du fichier électoral sont partagées par tous les acteurs politiques, estime le président ghanéen. « Tous les acteurs s’accordent que le fichier électoral n’inspire pas confiance », a déclaré le successeur de John Atta Mills.

Par contre, la proposition  exprimée par le  Président en exercice de la CEDEAO, le Ghanéen John Mahama,  d’un report du scrutin de dix jours,  loin d’apporter la satisfaction sème le trouble au sein de l’opinion.  Elle traduit une réalité :

  • le processus électoral tel qu’il est conduit actuellement ne garantit ni le bon déroulement ni la transparence du scrutin présidentiel.

Et deux inquiétudes :

  • le report de dix jours serait-il suffisant pour consolider le fichier ? Peut-on  dans un délai si court, corriger toutes les irrégularités dont est entaché le processus électoral ? Et la consolidation du fichier est-elle synonyme d’audit du fichier électoral ? Selon la plupart des experts en informatique dont le plus chevronné, Alberto Olympio, du Parti des Togolais, il faut trois mois au moins pour faire l’audit du fichier électoral. Les Sénégalais l’ont fait en six mois, compte tenu de la taille moindre de l’électorat togolais, on peut conclure à un délai un peu plus court de trois voire quatre mois ;

 

  • La seconde inquiétude a trait au report lui-même dont l’exécution traduit une sortie du processus électoral du cadre légal du délai constitutionnel. Les élections doivent se tenir en 45 jours après la convocation du corps électoral. La CEDEAO, selon un juriste constitutionnaliste, n’est pas un acteur du jeu électoral et ne peut en aucune façon imposer un report du scrutin. Le report devrait être une décision politique qui n’est pas du ressort du seul gouvernement, mais aussi des acteurs politiques et de la Cour constitutionnelle. Seul un consensus à ce niveau peut amener à décider d’une nouvelle date des élections.

En attendant le conseil des ministres 

 Koffi Souza  alias Charles Debbasch, ministre-conseiller de Faure Gnassingbé, et  homme des tours de passe passe juridiques du régime a à ce titre écrit sur le site officiel de la République:

Comme toute compétition l’élection a ses propres règles de jeu. Le processus électoral doit être transparent et accessible à tous. Il doit se dérouler dans les délais constitutionnels. Il doit s’accompagner d’une campagne libre et sincère. Le vote doit être exempt de toute pression et de toute fraude. Le dépouillement des suffrages doit être aussi clair que l’eau des cascades. Il existe une limite cependant à ne pas franchir : tenter de paralyser la tenue du scrutin par une recherche excessive du perfectionnisme, écrit-il.

Ce qui suppose que le gouvernement en dépit de la pression de la CEDEAO pourrait invoquer le principe du délai constitutionnel et  maintenir la date du 15 avril, d’autant plus que le gouvernement a déjà refusé

Du côté de l’opposition, on ne voit pas la situation de cette façon.

Qu’il soit clair pour tout le monde que le report de 10 jours proposé par la CEDEAO par la voix de son Président en exercice, le Ghanéen Dramani MAHAMA, n’a aucune base constitutionnelle ni légale.
Cette proposition de l’institution sous-régionale a juste le mérite d’admettre que le processus électoral tel qu’il est conduit actuellement ne garantit ni le bon déroulement ni la transparence du scrutin présidentiel.
La seule question que l’on pourrait se poser est de savoir si ce report de 10 jours permet de purger le processus électoral de tous les vices dont il est entaché et qui commande le report du scrutin.
La réponse négative s’impose dans la mesure où de l’avis de tous les experts, on aura besoin de plusieurs mois pour procéder au nettoyage du fichier électoral.
Ceci étant, si report il y aura, le processus électoral sortirait donc de tout encadrement constitutionnel et légal, et mériterait donc d’être totalement repensé et négocié dans un cadre consensuel strictement politique.
Cela reviendrait en clair à rouvrir le dépôt des candidatures à la suite d’une rigoureuse expertise et d’un minutieux nettoyage du fichier électoral contesté.
Il n’appartient donc pas du tout au seul gouvernement togolais de se pencher sur cette importante question en conseil des ministres, selon Parfait Manu Djafalo, jeune cadre du Parti des Togolais.

 

En clair, du côté de l’opposition, au lieu d’un report du scrutin, l’opposition table plutôt sur son annulation, le temps de plancher sur la question du fichier électoral et pourquoi pas des réformes institutionnelles et constitutionnelles.

Normalement la campagne électorale devrait être ouverte le 31 mars prochain. Il faut attendre le conseil des ministres  pour connaître de la réaction du gouvernement. Mais nul doute que l’intervention de la CEDEAO pourrait conduire à des rebondissements inattendus du processus électoral.

Cinq candidats sont en course pour le fauteuil président: quatre candidatures de l’opposition dont celle de Jean-Pierre Fabre, principal challenger du candidat sortant Faure Gnassingbé, qui a à son actif deux mandats de 5 ans.


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A propos Komi Dovlovi 1101 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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