Répression inutile d’une manifestation de l’opposition à Lomé

Les forces de l’ordre ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes et matraque la manifestation du Collectif Sauvons Le Togo ce 26 avril. Une répression qui a dégénéré en heurts entre forces de l’ordre et manifestants. A l’analyse, il s’agit d’une répression absurde d’une manifestation politiquement inopportune.

Le désordre créé dans certains quartiers de l’agglomération de Lomé par cette situation interroge sur l’opportunité et le sens de l’interdiction d’une marche pacifique, au demeurant vouée à l’échec. Il s’agit d’une énième édition de manifestations du CST qui n’a donné aucun résultat.

Le 25 avril au soir, le Gouvernement interdit la marche et  justifie l’interdiction par un désaccord sur l’itinéraire de la marche.

Les discussions entre la Mairie de Lomé et les organisateurs de la marche n’ayant pas permis un compromis sur l’itinéraire et le point de chute et compte tenu des manifestations officielles prévues au programme de la célébration du 54eme anniversaire de la fête de l’indépendance, le gouvernement interdit la marche dans un souci de préservation de l’ordre public, indique le communiqué.

Faux ! Les dites manifestations officielles ne sont pas situées sur l’itinéraire de la marche du CST. Le Gouvernement entendait surtout interdire une marche de l’opposition à la veille de la célébration du 54ème  anniversaire de l’Indépendance. Laquelle manifestation, sur un goût de la provoc, détonerait comme la preuve d’un pays miné par des problèmes qui pourraient conduire à son implosion, des problèmes auxquels le chef de l’Etat actuel ne serait  d’ailleurs pas étranger. La répression serait comprise alors comme une volonté manifeste de faire taire, en dépit des garanties constitutionnelles, toute voix discordante pouvant faire ombrage à l’unité artificielle officielle présentée. Que l’on interdise et réprime une manifestation pacifique juste pour une question d’image montre la fébrilité au sommet de l’Etat. La répression était doublement inutile vu son coût économique et politique. Politiquement inefficace car elle a exacerbé les tensions, économiquement budgétivore par la quantité de gaz lacrymogènes utilisés et des éléments des forces de l’ordre mobilisés.

Manifestation réprimée du CST le 22 août 2012 (Image d'archives)
Manifestation réprimée du CST le 22 août 2012 (Image d’archives)

C’est dans la diversité des opinions et des races que s’exprime l’unité de la nation  autour d’une vision commune et des symboles. Difficile de comprendre que malgré les torts causés à ce pays par le système du parti unique, on continue de s’enfermer dans une logique de pensée univoque.

Manifestation irréfléchie du CST

Il en est du pouvoir comme du CST. Le collectif aussi est enfermé dans une logique à l’opportunité douteuse. La manifestation du 26 avril, prélude à une série sur l’ensemble du territoire, a pour but de mettre la pression sur le pouvoir pour le faire céder sur des questions aussi importantes que celles des réformes constitutionnelles et institutionnelles.

Tout d’abord rien ne laisse présager que la marche pourrait débloquer les positions figées du pouvoir et de l’opposition sur le sujet, c’est plutôt le statu quo qui prévaut.  Les lignes n’ont pas bougé depuis le 05 mars, date de la rencontre entre le Président Faure Gnassingbé et Jean-Pierre Fabre, qui se considère comme chef de file de l’opposition. Depuis 7 ans, pouvoir et opposition n’ont jamais trouvé un consensus sur la question des réformes prônées par l’Accord politique global.

Ensuite, l’histoire récente des manifestations du CST est une suite d’échecs ininterrompue. Malgré leur gigantisme, les manifestations n’ont donné aucun résultat, et le bilan du CST reste vierge. Jusqu’à présent le rapport des forces ont été défavorables au CST même quand les manifestations dégénèrent. L’opposition n’a souvent que les yeux pour pleurer les morts et les blessés, et de connaître fatalement l’affaiblissement dans ses rangs. La marche du 26 avril devrait logiquement mourir au cimetière des échecs du CST.

La politique est comme match de football, il faut adapter sa stratégie en fonction du jeu de l’adversaire. On ne peut pas perdre du temps dans la rue à réclamer vainement des réformes alors que l’heure de la présidentielle 2015 approche inexorablement. Le Togo risque d’aller à l’élection sans faire les réformes.

Pour faire évoluer le débat, la Coalition Arc-en-ciel a proposé de jeter un regard nouveau sur le mandat présidentiel, en le limitant à un mandat de 5 ans renouvelable 1 fois, tout en considérant de façon exceptionnelle que le Président Faure Gnassingbé n’a effectué qu’un seul mandat. Cette proposition pourrait faire bouger la ligne du pouvoir. Pourquoi ne pas essayer d’en discuter avec le pouvoir ?

Enfin, il semble que le CST n’a rien appris de son expérience malheureuse des législatives de juillet 2013, où il fut obligé de participer aux élections au forceps, de façon impromptue. Car le collectif a passé son temps dans la rue alors que le pouvoir s’apprêtait à remporter de manière sophistiquée le scrutin. A moins que la rue ne soit qu’une stratégie électoraliste pour 2015…

Dans ce cas, le peuple togolais est mal barré !

 

 


En savoir plus sur Le Temps

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

A propos Komi Dovlovi 1093 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

Laisser un commentaire