Quelle Solution face au nouvel ordre politique au Togo?

Intenses réflexions au sein des formations de l’opposition. Agitations dans la diaspora et au sein des mouvements “progressistes”. Pour quiconque  a eu à suivre l’évolution politique dans notre pays les 20-25 dernières années, il y a une constante qui ne trompe pas : face au régime représenté par l’ancien RPT devenu UNIR depuis quelques temps, se positionnent une multitude d’organisations politiques, des associations et des personnes qui toutes revendiquent de porter un projet de changement pour le Togo.

Emmanuel Gu-Konu, Eternel incompris
Emmanuel Gu-Konu, Eternel incompris?

Bien que cela soit légitime dans le sens des aspirations exprimées depuis toujours par les Togolais de vivre dans un système de liberté régi par des lois, des principes et des pratiques de bonne gouvernance, toutes ces entités semblent se heurter à un obstacle commun qui les rend totalement inefficaces sinon inadéquates. Ces derniers temps, on a entendu des voix appeler à nouveau à l’union de l’opposition. On en a entendu d’autres proclamer la prépondérance de certains partis politiques ou leaders politiques sur d’autres. Enfin on perçoit au sein des masses y compris depuis l’extérieur du pays, des initiatives ou des réflexions tendant à

Joseph K. Koffigoh, espoir déçu pour ses anciens camarades
Joseph K. Koffigoh, espoir déçu pour ses anciens camarades

formuler ou indiquer des alternatives pour trouver une nouvelle solution au vieux problème de l’opposition. Dans notre devoir d’éclairer les citoyens sur les enjeux et les stratégies d’une vie citoyenne à la hauteur des ambitions que portent les Togolais pour leur pays, nous voulons dans le cadre des grands débats du journal Le Temps, ouvrir la brèche sur les causes du manque de performance de l’opposition politique et quelques pistes de solution, alors que nous avançons vers l’échéance de 2015.

feu Djobo Boukari: il inspirait confiance
feu Djobo Boukari: il inspirait confiance

L’opposition uniforme est une hérésieL’un des plus grands torts des partis et associations ayant porté ce qu’il est convenu d’appeler « opposition » au Togo est d’avoir succombé à l’ambition d’une grande Entente des opposants contre les tenants de l’ordre mis en place par Gnassingbé Eyadema. C’est le manque de rigueur et de personnalité, l’aventurisme, la cupidité et l’opportunisme qui ont amené plusieurs responsables politiques et associatifs à tout le temps chercher à se coaliser. Les intérêts qu’on faisait coopérer ne partageaient pas forcément les mêmes objectifs. Les principaux regroupements qui ont été constitués jusqu’alors n’avaient pas de base sociétale solide. On n’a jamais eu de convention ou de plan d’action qui sous-tendrait un engagement collectif dont le but serait connu et partagé de tous les adhérents. Ainsi l’objet des regroupements était circonstanciel et ne résistait pas à l’épreuve des enjeux et du temps. Les participants se connaissaient peu et ne s’étaient presque jamais donné le temps de questionner leurs visions, les stratégies et moyens d’actions…

Leopold Gnininvi, ancient chantre de la stratégie unitaire
Leopold Gnininvi, ancient chantre de la stratégie unitaire

C’est à partir de 1994 avec la participation d’une partie de l’opposition aux élections législatives qu’on a commencé à comprendre que les motivations des partis politiques vis-à-vis du gouvernement en place pouvaient être divergentes voire s’opposer sur des approches et des principes susceptibles de disjoindre ces forces durablement. Certaines composantes s’étaient même rapprochées du pouvoir d’alors dans le cadre d’un gouvernement dit d’union. On connait la suite…

Edem Kodjo: il n'a pas comblé les attentes
Edem Kodjo: il n’aurait pas saisi les chances qui lui étaient offertes

Réinventer la pratique politique

L’appartenance à l’opposition n’est plus de mode au Togo. Beaucoup de personnes réputées opposants sont devenues de fervents partisans du pouvoir d’UNIR aujourd’hui. Ceux qui sont restés fidèles aux idéaux d’antan ne sont pas indemnes des effets de la lassitude générale perceptible au sein de la population. Il n’existe plus de grande famille de l’opposition.  Il n’est pas opportun de parler aujourd’hui d’unir les forces de l’opposition, comme une nostalgie à toutes les vaines tentatives du passé. Le regroupement des organisations politiques et citoyennes pour aller ensemble conquérir le pouvoir d’Etat ne fonctionnera pas. L’environnement socio-politique du Togo et la configuration des organisations en place ne permettraient pas cela.

Isidore Latzoo, une voix forte de la diaspora
Isidore Latzoo, une voix forte de la diaspora, devenue inaudible

Le Togo dans sa marche politique a certainement besoin de voir, face à la nouvelle dynamique créée autour de Faure G. et ses partisans, un autre projet politique qui rassemble les Togolais qui n’adhèrent pas à l’establishment des héritiers d’Eyadema. Il n’est pas question de créer un parti unique d’opposition, mais d’initier une dynamique de rassemblement qui prend appui sur la volonté populaire, pour proposer aux Togolais une feuille de route pour le changement au bénéfice de tous. Un tel projet ne peut valablement s’accommoder de la répartition actuelle des rôles sur la scène politique. Mettre ensemble le Collectif Sauvons le Togo et la Coalition Arc-En-Ciel reviendrait à raccommoder un vieux pagne que n’importe quel vent pourrait emporter. C’est pourquoi les appels actuels à l’unité d’action semblent sibyllins et déphasés.

Jean Pierre Fabre: Face à son destin politique
Jean Pierre Fabre: Face à son destin politique
Gilchrist Olympio: la faillite politique
Gilchrist Olympio: la faillite politique de l’ancien leader charismatique

En même temps, on ne peut faire table rase du passé,  oublier les acteurs actuels et prétendre construire une cohésion autour de nouveaux acteurs qui n’auraient pas l’ancrage politique et social souhaité. Ce projet revient donc à une équation dont les inconnues sont à la portée des personnes intelligentes qui, dans la diaspora tout comme au sein des forces internes indiquent la voie sans pourtant franchir le cap indispensable. Un leader du mouvement citoyen écrivait récemment qu’il se lassait du devoir d’accompagner les opposants. Ce sentiment est caractéristique de celui qui traverse les centaines de milliers de Togolais qui ont pris fait et cause pour l’opposition depuis les premières heures. Parmi eux, beaucoup ont raccroché ou pris leur retraite de l’action politique ou citoyenne. Leur engagement pour le Togo s’est émoussé, parce qu’ils ne croient plus aux acteurs et sont convaincus que les solutions proposées sont sans fondement.

Yawovi Agboyibo, Stratège minoritaire
Yawovi Agboyibo, Stratège minoritaire

Il faut évoluer au Togo, voir la politique autrement et rassurer les populations sur les capacités que l’on a de conduire mieux les affaires publiques. Cela demande des talents et des qualités qui sont disponibles. Mais l’ego souvent incommensurable de quelques Togolais empêche de mener un tel processus en toute confiance et avec tout le soutien que cela nécessite. En tout état de cause, Le Temps veille et saura rendre compte de la voie la plus porteuse pour l’intérieur supérieur du Togo et des Togolais. La solution n’est pas dans le nombre, elle est dans la pertinence d’une stratégie gagnante, soit-elle portée par une personne, mais adressant profondément les avatars de tous les échecs passés. Voilà le chemin de la voix d’intérieur dont la transformation en projet demande pugnacité, clairvoyance, tempérance et courage.

Pour Le Temps, Abass T. Salissou


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