A la tribune de l’ONU, Faure Gnassingbe à rebrousse-poil de son discours de Pékin

A la tribune des Nations-Unies, le 24 septembre dernier, lors de la 79ème session de l’Assemblée générale, le chef de l’Etat togolais a appelé à un renouveau dans les relations internationales et à un meilleur redéploiement de l’aide au développement…à rebrousse-poil de son discours  anti-institutions de Bretton Woods lors du FOCAC 2024 à Pékin.

Peut-être la présidence de la République aurait-t-elle recruté un nouveau spin doctor, en tout cas il se dégage l’impression d’un nouveau rédacteur des déclarations présidentielles. Ainsi, certaines expressions sont récitées comme un mantra dans le discours de Faure Gnassingbe, citant au passage d’autres poncifs comme «le partenariat public-privé ».

Ainsi des groupes de mots comme «rôle visionnaire et protecteur de l’Etat », « État fort », «rôle central de l’Etat en Afrique», « renforcer le rôle de l’Etat »,  « défis alimentaires, sécuritaires ou écologiques », etc., constituent le noyau de son expression comme si après 19 ans de pouvoir et bientôt l’installation d’un pouvoir à vie, le dirigeant togolais découvre par enchantement le rôle de l’Etat en Afrique.

A l’Onu, il appelle ainsi à la création  d’un nouveau monde, égratignant au passage obsolète l’actuel système international issu  de la Seconde Guerre mondiale. «Aujourd’hui, les crises complexes que connaît notre planète nous obligent à repenser notre modèle de développement et de coopération internationale», dit-il.

Certes le successeur et fils du général Eyadema ne donne pas d’exemples, mais il  est facile d’imaginer qu’il évoque les crises au Moyen-Orient et la guerre en Ukraine. On sait néanmoins que le Togo qui se prend pour un donneur de leçon entretient d’étroites relations avec Israël, fauteur de la guerre au Moyen-Orient et qu’il n’a pas condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Discours contradictoire sur l’aide au développement

Pour solution, le président togolais plaide pour une gouvernance plus inclusive et coordonnée, en référence à la réforme du Conseil de sécurité demandée par les pays du Sud.  «Face à ces menaces globales, il n’y a d’avenir meilleur pour les générations actuelles et futures que dans l’action collective et coordonnée de nos États », dit-il.

Un vœu pieux qui se heurte à la volonté des membres permanents du Conseil de sécurité de conserver à eux seuls le droit de veto.

Sur le plan du développement, après avoir égratigné les institutions financières internationales en Chine, le président togolais poursuit sur la même lancée. « …l’aide internationale reste trop souvent déconnectée, tant des besoins que des capacités des populations qui en bénéficient », déclare-t-il. Faure Gnassingbe, qui se donne le beau rôle,  occulte fait que l’aide de Bretton Woods ne vient que par défaut des propositions des parties africaines. Sans oublier le manque de vision économique, la mauvaise gouvernance, la corruption… Il appelle alors vaguement à l’expérimentation de « nouveaux modèles de partenariat multipartite pour le développement et notamment avec le secteur privé ».

Un discours qui va à l’encontre de celui prôné en Chine. En l’espace d’un mois, le dirigeant togolais fustige les institutions de Bretton Woods et fait quelque peu en même temps leur apologie.

Il s’agit d’une belle prestidigitation diplomatique pour être bien vu à la fois des Occidentaux et de Pékin et Moscou.


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A propos Komi Dovlovi 1091 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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