Togo: réinventer l’opposition, un impératif pour l’avenir du pays

Le peuple togolais attend une nouvelle alternative politique d'opposition crédible

Le paysage politique togolais est aujourd’hui marqué par une crise de représentation et un vide abyssal face à un régime qui, depuis des années, a su s’installer confortablement au pouvoir. Les partis politiques nés des revendications des années 90, qui portaient l’espoir d’une démocratie authentique, ont vu leurs forces s’amenuiser. La répression orchestrée par le système UNIR a abouti à une désillusion palpable, laissant un héritage de leaders décédés ou à la retraite, et une opposition désarticulée, principalement celle constituée par les partis membres de la Coalition des 14 (C14) qui a été mise à mal entre 2017 et 2018.

Pourtant, il est impératif de ne pas céder au découragement. L’heure est à la réflexion, à l’analyse et à la réinvention de l’opposition politique au Togo. Nous devons tirer les leçons des échecs passés pour mieux construire l’avenir. Il est crucial de créer les conditions propices à l’émergence d’une nouvelle opposition dynamique, capable de rassembler et de mobiliser les Togolais autour d’un projet commun.

1. Analyse des échecs passés : un tremplin pour l’avenir

Les échecs des mouvements passés doivent devenir des outils d’apprentissage. Pourquoi les leaders de l’opposition n’ont-ils pas réussi à créer une synergie suffisamment forte pour contrecarrer l’hégémonie du régime ? Les réponses résident souvent dans un manque de stratégie collective, des rivalités internes et un déficit de communication avec la base. En tirant les enseignements de ces erreurs, la nouvelle opposition doit s’engager à construire une plateforme inclusive, qui transcende les intérêts personnels au profit d’un projet commun. Il est important de faire un diagnostic sans complaisance sur cette période. Cela passe aussi par l’évaluation des oppositions aux processus électoraux depuis 1992-1993 et aussi le comportement des forces du changement dans les différents cycles qui ont suivi.

2. Mobilisation populaire : la clé de la légitimité

La légitimité d’une opposition repose sur sa capacité à mobiliser le peuple. Cela nécessite un véritable dialogue avec la population, une écoute des préoccupations et des aspirations des Togolais. Une nouvelle approche pourrait consister à organiser des forums communautaires, des ateliers et des campagnes d’information pour établir un lien direct avec les citoyens. L’opposition doit se réinventer en un mouvement populaire, enraciné dans la réalité quotidienne du Togolais moyen, capable de transformer ses frustrations en une dynamique collective. Le Parti National Panafricain de Tshikpi Atchadam avait tenté ce travail. Il était centré sur la communauté tem (ethnie d’origine du leader) et n’a pas su opérer un véritable ancrage national; qui lui aurait permis de résister aux coups du pouvoir en place. Mais le parcours du PNP offre de précieuses leçons à apprendre. Au-delà d’une mobilisation, il faut construire le projet de changement sur d’autres bases stratégiques et jouer sur tous les leviers de la société togolaise.

3. Élargissement des alliances : vers une coalition nouvelle

Il est temps de dépasser les clivages traditionnels des partis et de bâtir des alliances stratégiques. L’opposition doit se rassembler autour d’un agenda commun, en intégrant non seulement les partis politiques existants comme l’ANC, la DMP, ADDI, mais aussi les mouvements de la société civile, les jeunes et les femmes. En unissant nos forces, nous pouvons créer un front solide qui saura résister aux attaques du régime en place.

Feu Monseigneur Phlipppe Fanoko Kodzro avait tenté à sa manière de créer une dynamique en 2020. Son choix qui était porté sur feu Agbéyomé Kodjo ne s’est pas révélé rassembleur. Cette expérience a finalement exacerbé les divisions au sein de l’opposition.

D’un autre côté, l’Alliance des Forces de Changement de Jean-Pierre Fabre a atteint ses limites. Malgré les efforts de ce dernier, cette organisation ne porte plus véritablement l’élan de changement qui anime le peuple togolais. Les récents débauchages opérés par UNIR constituent un autre coup dur.

4. Nouvelle vision et nouveau leadership

La question du leadership est cruciale. Il est crucial de laisser émerger une nouvelle génération de leaders, capables de porter une vision renouvelée de l’opposition. Ces leaders doivent être en phase avec les enjeux contemporains, comme la justice sociale, la bonne gouvernance et le développement durable. En cultivant des figures charismatiques et représentatives, nous pouvons insuffler un nouvel élan à notre lutte.

Depuis le début du processus démocratique, la question de leadership a divisé les acteurs de changement au Togo. Les citoyens de ce pays ont toujours eu du mal à se réunir autour de projets crédibles et de travailler ensemble pour les faire aboutir. Cela est valable autant au niveau des partis politiques qu’à celui des organisations de la société civile. Il existe trop de petits partis dont les responsables n’ont aucun moyen pour peser sur le jeu politique. Ils rechignent souvent à s’associer ou se fondre dans des mouvements de plus grande envergure. De même, les associations de la société civile sont multiples et se neutralisent entre elles, alors que les sources de financement sont limitées.

Un nouveau leadership d’opposition au Togo doit trenscender ces deux niveaux et créer les conditions pour un rassemblement durable autour d’un projet politique et de transformation sociale, cohérent et crédible.

Comme on le voit, la création d’un nouveau mouvement d’opposition doit passer par une stratégie de mobilisation populaire audacieuse. Une campagne de sensibilisation, centrée sur des thèmes fédérateurs tels que la lutte contre la corruption, la défense des droits humains et la promotion de la démocratie, peut galvaniser les masses. En encourageant les citoyens à s’engager activement, à exprimer leurs préoccupations et à participer au processus politique, visant à bâtir un Togo où la voix de chaque citoyen compte.

Réinventer l’opposition au Togo n’est pas un simple choix, c’est une nécessité. C’est l’occasion de bâtir une alternative crédible face à un régime qui a montré ses limites. Ensemble, unis et déterminés, les forces motrices de changement sont capables de créer un élan politique capable de rétablir la démocratie et de redonner espoir au peuple togolais.

Gerson E. K.


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