Chronique : L’or des banques centrales

Vilévo DEVO est un ancien expert des questions monétaires à la BCEAO, aujourd’hui consultant. Il publie régulièrement des chroniques économiques et politiques sur l’actualité togolaise et africaine.

L’or-métal, sous format monétaire, se retrouve en abondance et à la tonne dans les caveaux des Banques centrales. La plus importante et plus solide Banque Centrale au monde, la Banque Centrale des États-Unis d’Amérique ou Federal Reserve Bank ou Fed, en est la principale dépositaire : en partie à son siège, dans les caveaux de la Fed New-York, et surtout dans sa forteresse de Fort Knox, toujours aux États-Unis.

Bien que régulièrement accusés d’émettre du dollar ex nihilo, en veux-tu voilà pour financer leur balance des paiements, ce sont les américains qui détiennent de loin les plus importantes réserves d’or monétaire au monde, timidement suivis de l’Allemagne ; ils en possèdent aujourd’hui plus que la France, un pays où détenir de l’or est de tradition régalienne depuis des siècles, plus que la Russie et la Chine, deux ténors des BRICS-monétaire anti Dollar US et deux nations pro or-monétaire, infiniment plus que la Suisse et plus que tous ces quatre pays-symboles réunis.

Il fut un temps aux États-Unis, il était interdit aux entreprises non industrielles et aux particuliers américains de posséder des pièces d’or, des lingots d’or et des certificats sur l’or qu’ils étaient tenus de revendre à la Banque Centrale (Executive Order 6102 du 5 avril 1933) : l’or était confisqué au profit de la Banque centrale.

Au demeurant, l’or monétaire renvoie à la problématique des changes et incidemment au pouvoir d’achat : mais de nos jours, la monnaie n’est pas que change. Le système monétaire adossé à l’or, universellement appelé Gold Standard (Étalon-or), pour user d’anglicisme, est fondamentalement la survivance d’un passé où le papier-monnaie n’avait de raison d’exister que s’il était effectivement convertible et échangeable rubis sur l’ongle en or.

Ces temps, où le papier-monnaie n’était fiduciaire que convertible en or, semblent avoir marqué de manière indélébile les Banques Centrales ; toutes ou presque, plus par tradition que par nécessité de politique monétaire, organisent l’accumulation et la détention d’importants stocks d’or monétaire dans leurs caveaux sans aucun lien direct avec les règles de l’émission monétaire d’aujourd’hui. L’étalon-or a inspiré le Fonds Monétaire International (FMI) qui en a tiré l’étalon de change or (Gold Exchange Standard), avec le Dollar US comme monnaie de référence convertible et échangeable à taux fixe en once d’or, avant que le Président Nixon n’y mette fin en désolidarisant le taux de change fixe et la conversion physique du Dollar en or en 1971.

Survivance historique, l’étalon-or est ce système monétaire qui indexe l’émission et la création monétaires sur l’or-métal ; il continue d’inspirer la science monétaire, le marché des changes et le comment échapper à la suprématie du Dollar US. En substance pour une Banque Centrale, l’or monétaire demeure un référentiel solide et une valeur-refuge sans pour autant représenter un déterminant pour sa politique monétaire ; celle-ci dépend de la qualité de la politique économique et budgétaire élaborée et mise en œuvre par les pouvoirs politiques.

L’or, métal jaune de son autre appellation, séduit assurément les Banques centrales qui s’en séparent rarement, sauf contraintes sécuritaires ou budgétaires étatiques ; pourtant, il n’est ni facile à stocker, ni facile à sécuriser. Certains pays, y compris occidentaux, en sous-traitent la garde. Les américains ont dû ériger à Fort Knox l’équivalent d’une forteresse, près d’un vaste camp militaire de surcroît, sur un site surprotégé pour stocker et sécuriser leur principale réserve d’or monétaire et tous autres documents historiques et valeurs en leur possession.

Les français « enfouissent » leur or monétaire trente mètres sous terre dans les caveaux de la Banque de France. Il faut donc disposer d’un endroit atypique pour le stocker et le sécuriser : sauf à faire exception, à l’instar de la Banque Centrale du Canada qui n’est guère dans le culte de l’or mais du Dollar US comme refuge monétaire.

C’est finalement prestigieux et un brin recommandé d’en accumuler, parce que l’or ne dément pas, dans les moments de désordres sur le plan international, comme valeur-refuge des Banques centrales. Toutefois, l’or réserve-monétaire est une coûteuse option pour des pays qui trainent à construire des écoles, des hôpitaux, des routes et dont les dirigeants, empathiques à la corruption et aux palabres, font montre d’une incapacité notoire à se préoccuper de développement.

Vilévo DEVO, 30 avril 2024.


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A propos Komi Dovlovi 1143 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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