Le SEST exige la cessation et l’annulation des cours en ligne par les réseaux sociaux, la réouverture des universités basées sur le respect des mesures-barrières, et la conception d’une politique basée sur le développement des potentialités du numérique au service de l’enseignement supérieur.
Dans un courrier adressé au ministre de l’Enseignement supérieur, le Syndicat des enseignants demande la cessation des cours dispensés par les réseaux sociaux WhatsApp et Telegram, en guise de « formation en ligne » dans les universités publiques du Togo (UPT).
« Les activités pédagogiques actuellement assurées par WhatsApp ne sauraient être considérées comme des cours en ligne », écrivent les enseignants membres du SEST. Les enseignants demandent en outre de « considérer comme sans effet tout ce qui a été fait dans le cadre des cours en ligne » et d’envisager en urgence la réouverture des universités publiques du Togo dans le respect des mesures barrières à la covid-19. »
Le SEST réagit ainsi aux formations en ligne qu’organisent les universités de Kara et de Lomé depuis plusieurs semaines en vue de pallier l’arrêt des cours dû la crise sanitaire. Les formations sont dispensées par des enseignants par WhatsApp ou Telegram. Depuis le 20 mars dernier, les universités tout comme les établissements scolaires sont fermés et les cours à l’arrêt dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Les examens étaient d’ailleurs en cours avant la fermeture d’urgence des universités.
Selon une note de la présidence de l’Université de Lomé, l’administration envisageait l’organisation des examens, non sur les réseaux sociaux mais en présentiel à partir du mois d’août.
Cependant, l’organisation des cours en ligne à travers les réseaux sociaux semble battre de l’aile et manque d’efficacité. Selon le Sest, ironique, « l’expérience de l’utilisation des plateformes digitales comme outils d’animation pédagogique dans le cadre d’une formation universitaire à distance qui semblait prendre corps dans les UPT, se résume actuellement à des échanges sur WhatsApp et Telegram ».
Faible taux de participation, échanges quasiment inexistants entre enseignants et étudiants, constatent les enseignants. Des handicaps comme l’accessibilité des appareils numériques ( téléphones portables et ordinateurs) pour tous les apprenants, le coût prohibitif de la connexion, sa lenteur, la sensibilisation des enseignants et des étudiants sur le nouveau mécanisme, excluent de facto un grand nombre d’étudiants.
Exemple : sur plus 50 à 80% des étudiants enregistrés auprès de la DAAS, seuls, 0,01 à 8% suivent effectivement les formations en ligne. Et parmi ce « taux insuffisant », seuls 2 à 3% participeraient aux échanges avec les profs.
On sacrifie l’enseignement supérieur
Face à ce constat d’échec, le SEST fait observer que les responsables de l’enseignement supérieur n’ont pas tenu compte de quelques défis intrinsèques évidents (à la formation en ligne). Et il fait les observations suivantes :
- La mise en place des plateformes numériques institutionnelles sécurisées dédiées à la formation à distance.
- La préparation des enseignants et étudiants à la mise en œuvre des cours et évaluations à distance ;
- L’implémentation d’un modèle d’enseignement universitaire à distance qui prend en compte les spécificités des différents types de formations universitaires ;
- L’accès à Internet aussi bien par le corps enseignant que par les étudiants (coût de la connexion, matériel informatique adéquat, compétences personnelles dans l’utilisation des TIC…)
- L’adhésion et l’assiduité des acteurs enseignants comme étudiants aux dispositifs de cours et d’évaluation à distance ;
- L’animation à distance des contenus par les enseignants et la gestion en temps réel de la communication avec les étudiants
Puis le syndicat déclare, cinglant :
Les nouvelles modalités d’enseignement telles que mises en œuvre actuellement dans les UPT présentent les caractères d’un « soutien scolaire à travers les réseaux sociaux » plus que toute autre chose, et soulève d’avantage la problématique du dispositif d’évaluation qui doit être aligné sur le dispositif d’enseignement, c’est-à-dire en ligne. « Comment pensons-nous procéder aux évaluations si nous voulons considérer que les cours ont été dispensés en ligne » ?
En conclusion, pour le SEST, le déficit de moyens technologiques disponibles rend rédhibitoire voire nuls les cours faits. En conséquent, on ne peut « prétendre sur cette base, organiser une quelconque évaluation ».
Persister dans cette soi-disant formation en ligne et oser organiser des évaluations sur cette base : « sera une manière de sacrifier non seulement l’enseignement supérieur, mais bien au-delà, une grande frange d’étudiants régulièrement inscrits avec pour ultime finalité d’obtenir un diplôme qui dénotera d’une véritable qualification en la matière ».
Le syndicat souligne en passant que l’éducation est un droit constitutionnel, et l’université a une mission d’utilité publique. Par conséquent, on ne saurait prendre prétexte de la crise sanitaire pour désengager l’université de ses « responsabilités de garantir ce droit aux étudiants en mettant en place un dispositif à caractère exclusif. »
Les propositions du SEST pour mieux gérer l’impact du covid-19
Pour sortir de l’impasse et assurer à tous une bonne formation, le SEST propose :
- Considérer comme sans effet tout ce qui a été fait dans le cadre des cours en ligne ;
- Envisager en urgence la réouverture des universités publiques du Togo dans le respect des mesures barrières à la covid-19.
- Reprendre les activités en cours à la survenance de la fermeture des UPT avec une programmation des examens du semestre Harmattan en petit groupe école après école, puis faculté après école.
- Reprogrammer les cours du semestre mousson en petits groupes rotatifs pouvant respecter les mesures de distanciation suivant un chronogramme bien défini afin de rattraper l’année ;
- Engager en urgence des compétences et moyens indispensables pour la mise en place à très courts termes d’un dispositif complet et adéquat de formation à distance qui viendra compléter et renforcer le dispositif de formation en présentiel.
Le courrier sonne comme un désaveu de la gestion du covid-19 par les dirigeants universitaires, accusés d’avoir très vite embrassé un « raccourci tentant » dont l’échec semble inéluctable.
Puis le syndicat rappelle que l’Université semble prise au dépourvu à cause du manque de vision dans la gestion de l’enseignement supérieur, laissé pour compte. Le SEST réclame alors une meilleure politique de gestion, beaucoup de rigueur et moins d’approximation dans l’enseignement supérieur.
« Que ce soit à court, moyen, long terme, et c’est pour anticiper sur cette dérive dont les conséquences pourrait être catastrophique que le SEST voudrait une fois encore interpeller tous les acteurs à faire preuve d’avantage de leadership et de perspicacité pour apporter des solutions ingénieuses qui s’adaptent à nos réalités. Il est souvent dit : rien ne sert de courir, il faut à partir à point. Ainsi vouloir mettre la charrue devant les bœufs sera sans nul doute contre-productif ».
Au regard de son lourd passif peu enviable, l’enseignement supérieur semble frappé de plein fouet par la pandémie. Il est donc peu préparé à affronter les effets indus d’une telle crise multidimensionnelle.
« La crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus aurait eu le mérite de nous confronter aux faiblesses structurelles et handicaps de notre système de formation universitaire et de mettre à rude épreuve l’ensemble des mécanismes de recherche scientifique », souligne le SEST
Par conséquent, il urge que les autorités politiques construisent un avenir post-covid 19. La crise semble « ainsi inviter l’ensemble des acteurs à engager avec courage des réformes ambitieuses et inclusives pour une transformation profonde du cadre de l’enseignement et de la recherche des UPT, contribuant ainsi à un développement intégral et durable de nos pays« , conclut le SEST.
Le SEST est un syndicat considéré comme peu favorable au pouvoir en place et aux deux administrations des deux universités publiques du Togo. Pourtant les arguments avancés dans la lettre relèvent du bon sens et de la vision. On ose espérer qu’il sera entendu par les autorités pour stopper la gestion chaotique en cours.
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