Eau potable: Les factures de la TdE explosent avec le nouveau système tarifaire

Alexandre avait payé le mois dernier 5888F, se retrouve avec 9.818 F

En juillet 2019, la TdE (Togolaise des Eaux) présente une nouvelle politique de facturation de sa distribution d’eau potable. Le but avoué serait de favoriser l’accès à l’eau potable aux foyers à faible revenu et d’éviter le gaspillage. Sauf qu’un mois plus tard, la nouvelle orientation s’avère être juste une opération de communication destinée à dorer l’amère pilule d’une augmentation démentielle d’au moins 80% de la facturation hors taxes.

Selon les termes de la nouvelle politique de facturation de la TdE, la tranche sociale n’est plus prise en compte dès que la  quantité de consommation dépasse 10 m3. Et la facture se présente alors comme le produit de la quantité totale consommée et du tarif par m3 égale à 380 F, soit le double du tarif par m3 de la tranche sociale (190 F).

Fausse équité sociale, vraie arnaque

Ainsi, avant le nouveau système tarifaire, la facture d’un client ayant consommé 11m3 d’eau potable est-elle débitée de 2.280 F hors taxes. Cependant avec le nouveau système, le client aura à payer 4.180 F hors taxes, soit une différence de 1900 F ou une augmentation en pourcentage de 83,33%.

C’est pourtant cette inflation astronomique que la TDE a présentée comme une mesure sociale destinée à adoucir les conditions de vie de sa clientèle plus pauvre.  « Il est nécessaire de faire la part des choses afin de redonner au service d’eau potable son caractère social », affirme la direction. Un adoucissement qu’elle compte payer aux Togolais les plus nantis et les sociétés, exclues désormais de la fameuse « tranche sociale ». Le ver se trouvait dans le fruit de la communication, et les journalistes n’y ont vu que du feu, en relayant la nouvelle politique de la TdE, sans se poser la question de savoir sur quels critères, cette société de distribution d’eau allait distinguer les nantis des pauvres.

La TdE justifie pourtant sa politique par un recadrage de la distribution. La société vend effectivement à pertes, selon un rapport de l’ARSE (Autorité de réglementation du secteur de l’électricité). «Le coût de production d’1 m3 d’eau potable est bien au-dessus du prix de vente de la tranche sociale dont bénéficient également les opérateurs économiques qui réalisent des activités rémunératrices», indique la société. D’où une nouvelle politique de rentabilité qui entend améliorer les comptes d’exploitation en faisant supporter le coût par «les ménages plus ou moins nantis et les gros consommateurs comme l’administration publique et une grande partie des opérateurs économiques à savoir hôtels, banques, cabinets, cliniques ».

 “Scolariser les gosses va être très difficile”

Cependant depuis quelques jours, les ménages grognent depuis que les factures tombent. L’explosion est effarante. Comme beaucoup de Togolais, Alexandre n’a pas d’emploi fixe, mais il « se débrouille » pour faire du petit commerce et faire vivre sa famille, un ménage de 7 personnes, dont 3 enfants scolarisés. Le mois dernier, la facture d’Alexandre s’élève à 5.888F (TTC), pour une consommation de 17 m3. Ce mois-ci, il est frappé par le nouveau système et doit 9.818F  pour  une consommation de 20m3. Soit une augmentation de 3930 F voire 66,74%.

Normalement, dans l’ancien système Alexandre devrait payer 6.396 F, soit 508 F de plus. Atterré, notre client, aux abois, accourt à notre siège. A l’agence de la TdE à Djidjolé, il n’a reçu aucune explication des agents. « On m’a dit, déclare-t-il au Temps, que c’est le nouveau système, et c’est comme ça ; qu’ils condamnent, mais ça vient d’en haut ».

Alexandre est catastrophé, car c’est la rentrée. « Je scolarise trois enfants dont la scolarité me coûte 40.000F chacun, soit 120.000 F », se confie-t-il. Avec le nouveau système, Alexandre doit payer par an, 47.000 F de plus pour la facture d’eau, si toutes choses étant égales par ailleurs, la consommation se stabilise à 20 m3 bon an, mal an

« Dans ces conditions, scolariser les gosses va être des plus difficiles », dit Alexandre, très décontenancé. Alexandre ne peut même pas  envoyer ses enfants dans une école privée, pour des raisons particulières.

Il en est de même de M. K, dont la facture s’élève à 10.714 alors que le mois dernier, il n’avait eu droit qu’à 5,900F. Il avoue

Oppressions tous azimuts des populations

Cette augmentation démentielle du prix de l’eau potable intervient dans un contexte de pressions financières et fiscales sur les populations. Elle suit directement celle de la facture d’électricité pour une quote-part de l’éclairage public, soit 512 F, sans compter le coût du kilowattheure pour le cash-power, plus cher que l’électricité au compteur classique. S’ajoutent à cela la taxe d’habitation plus ou moins élevée selon l’habitat, et l’augmentation du prix des produits pétroliers. Tout ce matraquage fiscal et financier donne le sentiment d’oppressions tous azimuts sur les populations depuis la fin des soubresauts démocratiques d’août 2017.

Un survol des affaires économiques et de la dette montre un gouvernement en difficultés, et qui manifestement entend se renflouer par la fiscalité de bric et de broc et toutes sortes de montages financiers. Ces pressions financières et fiscales illustrent aussi l’engagement dans l’ultralibéralisme sauvage qu’adopte ce gouvernement, soutenu par la pieuvre financière internationale. Des pans entiers de l’économie sont livrés à l’étranger et à des groupes économiques qui échappent totalement au contrôle des institutions.

En 2015, Faure Gnassingbe bat campagne sur la promesse d’un mandat social sans que les Togolais en connaissent réellement  le contenu. Depuis, il fait payer, par des mesures cyniquement anti-sociales, ses promesses incongrues aux populations crédules.


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A propos Tony Feda 145 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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