L’opposition togolaise et la commémoration du 59ième anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Togo_CDPA-BT

Compte tenu des grandes difficultés politiques auxquelles la masse de tous les opposants se trouve confrontée aujourd’hui, à la veille de la commémoration de ce 59ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance et compte tenu de l’étendue de la pauvreté et de la misère dans laquelle vit encore la grande masse de la population après donc plus d’un siècle d’indépendance, la célébration de ce 59ème anniversaire ne saurait inviter la masse des opposants à des réjouissances mais au recueillement, à la méditation et à la réflexion.

Deux remarques préliminaires. Tout d’abord, par « Opposition », nous entendons à la CDPA-BT l’ensemble de tous les opposants, qu’ils soient organisés ou non dans des partis d’opposition. Il s’agit de tous ceux qui veulent la fin du régime d’oppression et l’instauration d’un système politique démocratique dans le pays. L’Opposition ne se réduit ni aux partis d’opposition que l’on voit ou non devant la scène, ni à un regroupement particulier de quelques-uns de ces partis. La précision nous paraît importante en ce sens qu’en réalité, la force de l’opposition réside dans la force organisée de la masse des opposants.

Ensuite, la proclamation de l’indépendance du Togo ne signifie pas forcément que le pays est indépendant et peut donc prendre son destin en main. Autant nous respectons le symbole, autant nous jugeons nécessaire d’attirer l’attention sur la réalité derrière le symbole.

A la veille de ce 59ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Togo, le Comité exécutif national de la CDPA-BT attire l’attention de la masse des opposants sur les constats ci-après :

1- Le régime politique contre lequel l’immense majorité du peuple togolais a fini par s’insurger le 5 octobre 1990 n’a pas changé. Il est resté ce qu’il avait commencé d’être depuis le lendemain du coup d’Etat militaire du 13 janvier 1963 : un régime despotique, en fait militaire où une minorité continue de confisquer le pouvoir d’Etat depuis 56 ans, dans le but de continuer de s’approprier les ressources nationales en toute liberté, sans aucune sorte d’entrave.

Sur les 59 années écoulées depuis la proclamation de l’indépendance, le Peuple a été ainsi soumis à un régime d’oppression et de répression brutale pendant 56 ans. Et rien ne permet de dire aujourd’hui qu’il va bientôt voir le bout du tunnel. Les conditions d’un changement profond du régime politique en vigueur sont encore loin d’être réunies. L’état du rapport des forces Régime/Opposition le montre bien. Et l’aboutissement du processus politique engagé depuis le 19 août 2017 le confirme depuis le 20 décembre 2018.

Dans une telle situation politique où les tenants du régime se préparent à festoyer, la CDPA-BT et ses membres n’ont, quant à eux, aucune raison de se réjouir à la veille de cette commémoration du 59ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du pays. Nous sommes convaincus qu’il en est de même pour tous ceux qui subissent l’oppression et qui aspirent depuis des années aux libertés démocratiques. Et ils sont nombreux.

2- Pendant les 56 années d’oppression et de répression brutale, les conditions de vie de la grande masse de la population n’ont pas progressé. Au contraire, elles se sont constamment dégradées, pour atteindre aujourd’hui des proportions insoutenables. Si le régime se propose aujourd’hui de donner 15.000 francs CFA à des familles choisies pour leur permettre de continuer de survivre pendant un temps donné, c’est que la situation économique et sociale est vraiment grave pour une catégorie de la population. Le coût de la vie a monté tous les jours, accentuant sans cesse le dénuement dans lequel vit une proportion croissante de la population. La pauvreté continue de s’étendre et la misère se généralise de jour en jour.

Cette situation, qui saute aux yeux aujourd’hui dans toutes les régions du pays après 59 ans d’une prétendue indépendance, est une des conséquences directes de la politique nationale conduite par le régime pendant 56 années.

Devant tant de pauvreté, tant de misère, tant d’insécurité économique et sociale après 56 années de gestion de l’Etat par ce régime, les membres de la CDPA-BT et, pour généraliser, tous ceux qui aspirent au changement depuis si longtemps, n’ont aucune raison de se réjouir à la veille de ce 59ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du pays.

3- Quant à l’opposition considérée dans son ensemble, elle est confrontée aujourd’hui plus que jamais à de graves difficultés. La revendication clairement posée par l’insurrection populaire d’octobre 1990 est, on le sait,  le « départ d’Eyadema », autrement dit la fin du régime d’oppression et son remplacement par un système politique respectueux des libertés démocratiques et garant du respect de la dignité humaine. Ce sont les mêmes revendications que la masse des opposants continuent de poser aujourd’hui en termes d’alternance au pouvoir pour certains, d’alternative politique pour d’autres.

Cela veut dire que jusqu’à présent tout au moins, l’opposition a échoué à réaliser l’objectif visé par la lutte d’opposition. La brutalité de la formulation peut choquer. Mais dans la mouvance de l’opposition, nous n’avons aucun intérêt à nous voiler la face. Le combat pour les libertés démocratiques est un combat difficile.

Nous pouvons certes, en guise de consolation si l’on veut, dire encore aujourd’hui que « Nous avons fait au moins quelque chose !». Et ce n’est pas faux. Nous ne sommes pas restés les bras croisés face au régime despotique. Mais le fait est là. A cette veille de la commémoration du 59ème anniversaire, qui marque par ailleurs la 29ème année de la lutte d’opposition, l’opposition n’a pas atteint le but escompté. Gilchrist Olympio avait fait le même constat déjà en 2010. Et il s’en est servi pour aller rejoindre le régime et l’accompagner dans sa détermination de continuer de confisquer le pouvoir d’Etat. C’est son choix. Le nôtre est différent.

4- Cet échec à réaliser le changement démocratique a conduit 14 partis d’opposition à se regrouper à la suite de la répression de la manifestation de Sokodé (19 août 2017), pour prendre en main de façon exclusive la direction de la lutte d’opposition. Dans cette difficile lutte d’opposition en cours depuis 29 ans, la moindre critique d’une position ou d’une pratique politique, même le moindre constat passent tout de suite pour être une attaque sournoise et pour un règlement de compte. La tendance est regrettable parce quelle limite le champ d’efficacité de la lutte. Mais on n’y peut rien. Elle vient des conditions historiques dans lesquelles nous avons engagé la lutte d’opposition en 1990.

La formation de la C14 à la suite des manifestations du PNP et le contenu des mots d’ordre lancés ont redonné à coup sûr une nouvelle vigueur à la mobilisation populaire. Les conditions politiques dans lesquelles le regroupement s’est constitué dans la précipitation en août 2017 et la forme d’organisation qu’il s’est donné (« la coalition ») n’ont pas permis à la C14 de réaliser, elle non plus, l’objectif de la lutte d’opposition, à savoir la fin du régime autocratique et son remplacement par un système politique démocratique.

En outre, on a vu ce qu’est devenue la coalition au lendemain de la mascarade électorale du 20 décembre 2018. Son éclatement laisse clairement entrevoir que la C14 a passé le plus clair de son temps à gérer les contradictions internes de la coalition qu’à réfléchir pour se donner une politique d’opposition unitaire efficace et durable. Qu’on le veuille ou non, cette implosion de la C14 et les déballages dont elle s’est parée ont posé des problèmes de fond au sein de la masse des opposants. Ces problèmes pourraient avoir des effets négatifs durables sur la lutte d’opposition.

5- Dans cette situation sans précédent où se trouve l’opposition togolaise en cette veille de la célébration du 59ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Togo, aucun opposant réellement préoccupé par l’avenir du Togo ne ressentira aucune joie à aller festoyer avec les tenants du régime sous le prétexte de la « réconciliation » ou d’une unité nationale de façade. Ce 59ème anniversaire les invite plutôt au recueillement, à la méditation et à la réflexion.

Dans tous les cas, ce qui s’impose aujourd’hui est une profonde réorganisation qui permette à l’Opposition de poursuivre efficacement la lutte d’opposition tout en jouant avec efficience le rôle de contre-pouvoir qui lui revient tout naturellement.

Lomé, le 26 avril 2019.

Pour la CDPA-BT

Son Premier Secrétaire

Prof. E. Y. GU-KONU

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