Algérie: la fronde anti-Bouteflika se poursuit un mois après

Dans les rues d'Alger, le 22 mars. Photo AFP

Un mois après le début des manifestations populaires, les rues d’Alger et celles des autres grandes villes algériennes ne désemplissent pas. Les Algériens sont décidés à en finir avec le vieux dirigeant malade qui est au terme de son quatrième mandat.

Nos confrères de Libération ont rendu compte sur leur site de l’ambiance parmi les manifestants, déterminés plus que jamais à aller au bout de leur mobilisation. Morceaux choisis…

«Alger a changé tu ne trouves pas ? La ville est différente. Les gens ont l’air vraiment heureux», s’exclame Abdou, trentenaire qui vit à Paris depuis huit ans. Comme de très nombreux habitants de la capitale qui partagent le même constat, il a du mal à reconnaître sa ville natale, métamorphosée depuis le 22 février. Il y a un mois jour pour jour, les Algérois dévalaient par dizaines de milliers les rues d’Alger, interdite de manifestation depuis 2001, surprenant ainsi tout le monde : les forces de l’ordre, les manifestants eux-mêmes et les chancelleries du monde entier. Depuis, chaque vendredi, jour de grande prière hebdomadaire, la mobilisation n’a cessé de grossir.

Solennel

Plusieurs centaines de milliers de manifestants ont à nouveau investi la capitale ; la quasi-totalité des 48 wilayas («préfectures») de ce pays de 41,3 millions d’habitants ont vu converger des cortèges appelant au départ du Président, Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis vingt ans et dont le camp se fissure chaque jour un peu plus. Dans la rue Didouche-Mourad, une des principales artères du centre-ville de la capitale, la pluie n’a pas empêché les habitants de se retrouver : «Ce n’est pas une petite pluie qui va nous arrêter !» lance une dame, tout sourire, venue en famille, parapluie dans une main et drapeau vert et rouge noué autour du cou.

A 14 heures, moment du départ du mouvement, la pluie s’arrête comme par miracle. Au milieu de l’avenue, le cortège se presse autour d’un immeuble en particulier. Sur un balcon, des enceintes ont été installées, autour desquelles trônent de nombreux drapeaux algériens, palestiniens, mais aussi néozélandais, en hommage aux victimes de l’attaque terroriste qui a fait 50 victimes dans deux mosquées vendredi dernier.

L’hymne national est alors diffusé, la foule s’immobilise et entonne en chœur les paroles. Le moment se veut solennel. «Quelqu’un qui a installé tout ça de sa propre initiative», indique un jeune juché sur un muret, une position qui offre une vue imprenable sur l’avenue. De grandes affiches ont été suspendues entre deux rangées d’immeubles, reprenant une citation en français et en arabe de Mourad Didouche, héros de la révolution algérienne, décédé en 1955, avant la fin de la guerre. Un écriteau a été installé sur ce même balcon, lettres blanches sur fond bleu, à l’instar d’une plaque de rue, indiquant «Place du 22 février 2019, révolution du peuple».

«Dignité»

Au-delà des revendications politiques de changement de régime, c’est une réappropriation de l’espace public qui s’affirme désormais dans tout le pays. Différentes artères se croisent en cet endroit de l’avenue, noire de monde. Ce vendredi est une célébration d’une «dignité retrouvée»,peut-on lire sur une affiche. «Nous ne sommes ni kabyles, ni chaouis, ni arabes, ni touaregs. Nous sommes une Algérie. Un seul but, la liberté»,lit-on sur une autre. Un message en référence à une campagne anonyme diffusée sur les réseaux sociaux, attribuée à des soutiens du régime, et destinée à semer les graines de divisions identitaires, un sujet brûlant dans un pays culturellement très métissé.

Avec Libération


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