Au Togo, le lourd silence du Groupe des 5 après les législatives sans l’opposition

En dépit des erreurs de ces derniers mois, le G5 reste l'un des rares recours pour renouer le fil du dialogue entre les acteurs togolais

On les appelle le Groupe des 5: Allemagne, France, Etats-Unis, Nations-Unies et Union Européenne. Leurs prises de décisions avaient eu valeur de verdict ces derniers mois, lors des bras de fer entre la Coalition des 14 de l’opposition et le pouvoir UNIR. Mais depuis la catastrophe électorale du 20 décembre, les diplomates VIP n’ont pas réagi. Pourquoi ce silence?

La dernière déclaration sur le Togo du G5 date du 13 décembre. Les cinq diplomates déploraient en termes choisis les violences qui étaient survenus lors des manifestations publiques de l’opposition et appelaient les protagonistes au calme. La mention la plus remarquable concernait toutefois le processus politique sous la médiation de la CEDEAO.

Elles appellent les parties à la retenue, et restent disponibles, en appui à la CEDEAO, à accompagner les partenaires togolais pour la résolution durable de la crise. Avaient écrit les 5 ambassadeurs en poste à Lomé.

On était à une semaine de la date prévue pour les législatives, et les signaux étaient clairs que les deux parties en conflit n’étaient pas prêtes à accorder leur violon sur ces consultations électorales. La médiation de la CEDEAO battait de l’aile.

Le G5 Arbitre et partie?

Les membres du G5 ont chacun un poids diplomatique certain dont les acteurs politiques togolais étaient bien conscients. Et en se mettant ensemble, ils avaient la capacité d’influer sensiblement sur le règlement de la crise. Mais le G5 avaient opté pour l’observation et le suivi, laissant la CEDEAO jouer le rôle actif de la facilitation.

Selon M. Dany Ayida, expert international en gouvernance et démocratie, “les diplomates du G5 étaient dans une position pragmatique. Il était question pour eux d’aider à la recherche d’une solution à moindre coût, sur le plan sécuritaire. Quitte à frustrer la partie en conflit la plus faible.

Mais le G5 à travers un de ses membres a joué un rôle quasi actif dans la gestion de la crise. Il s’agit de la Coordination du système des Nations Unies dont le PNUD a collaboré avec la CEDEAO pour le recrutement des experts électoraux et celui du constitutionnaliste, ainsi que la supervision de leur mission. Pour Dany Ayida, “ceci ne peut être considéré comme une participation dans la crise, mais un positionnement technique aux effets étendus“.

La mission des experts de la CEDEAO a conduit d’une part à la mise en place du fichier électoral dont la crédibilité est remise en doute par plusieurs observateurs, et d’autre part aux propositions de l’expert Pr Alioune Badara Fall sur la révision constitutionnelle. La question que l’on se pose concerne le sort du rapport de cette mission, à présent que le gouvernement togolais a réussi son plan d’élections législatives unilatérales et doit faire face aux réformes promises.

Le G5 pour prendre le relais de la CEDEAO?

Depuis le 20 décembre et la nouvelle situation de la C14 hors-jeu, la crise politique togolaise est dans une impasse. Les cinq ambassadeurs en gardant le silence sur l’issue de la médiation de la CEDEAO et des élections législatives ne font que dissimuler un malaise évident.

Aucun des 5 diplomates concernés ne peut s’estimer heureux de voir la situation dans laquelle se trouve le Togo à l’issue de ces élections et de la facilitation chaotique de la CEDEAO… “Ils doivent même regretter d’avoir fait confiance à cette institution régionale“, souligne M. Dany Ayida.

De là à voir le G5 accepter de s’impliquer plus activement dans la crise politique, rien n’est moins sûr. Les cinq ambassades entretiennent des relations assez stables avec l’Etat togolais. Et leurs dernières positions avaient suscité beaucoup de critiques au sein de l’opposition et de la société civile togolaises. Certains ont même accusé ces diplomates d’être de connivence avec le pouvoir. Ce précédent ne permet pas de s’attendre à une collaboration ouverte dans l’immédiat.

Certains de ces partenaires internationaux ont injecté les dix dernières années, des millions d’euros dans les domaines de la coopération tels que l’appui à la décentralisation du Togo. Tel est le cas de l’Union Européenne et du PNUD notamment. D’autres acteurs tels que l’Allemagne et les Etats-Unis ont accompagné vaille qu vaille le processus en appuyant des acteurs de développement ou de la société civile. La France est plus présente dans l’aide publique vers certains secteurs tels que la sécurité, le développement rural ou l’agriculture. Ces interventions tous azimuts donnent du poids aux 5 s’ils se mettent ensemble sur la question épineuse des réformes politiques indispensables au Togo.

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Mais à l’approche de la présidentielle de 2020, ces puissances savent que la crise n’est pas résolue et les risques qu’elle charrie pourraient produire les conséquences qu’elles redoutaient. Il n’est donc pas exclu qu’on voie dans les prochains jours, des tentatives pour renouer le fil du dialogue entre les protagonistes togolais; ou tout au moins, reprendre un processus plus consensuel vers cette élection présidentielle.

Il y a deux acteurs capables de tenter quelque chose aujourd’hui pour revenir à la normalité politique au Togo: les leaders des confessions religieuses et le Groupe des 5 Ambassadeurs, estime Dany Ayida.

Mais ni l’un ni l’autre de ces acteurs n’a pour le moment manifesté un commencement de volonté à jouer un tel rôle. Et de l’autre côté, on ignore comment les parties – pouvoir UNIR et C14 accueilleraient une telle démarche si elle se mettait en palce.

K. Agbogati


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A propos Joséphine Bawa 55 Articles
Responsable Desk politique et Afrique Joséphine Bawa capitalise 17 ans d'expérience en matière de communication et journalisme. Diplômée de Wit University (Johannesbrg, South Africa) elle a collaboré avec diverses agences de presse internationales dont AP, Reuters. Josephine dirige le desk politique de la Rédaction du journal Le Temps. Joséphine est également consultante auprès de plusieurs cabinets en Afrique et en Amérique du Nord.

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