Le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas a dirigé la Commission de la CEDEAO pendant une dizaine d’années. Aujourd’hui, il est l’envoyé spécial des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest. Cet homme connait parfaitement la crise politique au Togo et fait un point d’honneur d’amener ce pays à rompre l’exception de la transition politique bloquée qui le caractérise depuis si longtemps. Mais cette détermination doit composer avec les avatars de la coopération inter-Etat dans une sous-région pourtant en évolution politique notable.
Ibn Chambas a joué un rôle actif lors de la récente crise électorale au Togo. Il s’est rendu dans le pays à plusieurs reprises pour échanger avec les protagonistes. Sa stratégie alors que le processus électoral semblait bloqué consistait à amener les parties prenantes en s’engager sur la durée. Le diplomate ghanéen était conscient que les conditions d’un scrutin transparent n’étaient pas réunies. Il avait alors tenté de rassurer l’opposition tout en amenant le régime UNIR à prendre des engagements. Aux côtés des représentants de la Francophonie et de la CEDEAO présents à Lomé, Ibn Chambas a réussi à pousser Faure Gnassingbé à souscrire à un engagement de réformes constitutionnelles après l’élection présidentielle.
La parole de Faure Gnassingbé
En marge de la visite des chefs d’Etat du Ghana et de la Côte d’Ivoire à Lomé le 28 Avril pour débloquer la situation à la CENI relative à la publication des résultats (conflictuels) de la présidentielle du 25 Avril, le représentant de l’ONU avait proposé au leader togolais de se prononcer sur un prochain dispositif régional de limitation du mandat présidentiel. Faure Gnassingbé aurait clairement indiqué qu’il n’hésiterait pas à paraphé un tel protocole, s’il était proposé au niveau régional. Le 1er Mai, à Accra, Ibn Chambas a dévoilé ce compromis. Pour ce diplomate, une telle mesure aurait l’avantage de débloquer la situation au Togo, obligeant de fait le pays à y adapter sa législation interne.
La proposition de la CEDEAO limitant à deux le nombre maximum de mandat à la présidence dans les pays de la CEDEAO est une initiative de Mohamed Ibn Chambas. Un lobbying intense avait été mené pour persuader les chefs d’Etat à adopter cette disposition qui révolutionnerait la question de la gestion de pouvoir dans la sous-région. Le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Ghana, quatre géants de la sous-région n’y trouvaient pas d’inconvénient. Avant la sommet d’Accra, la chose semblait même acquise.
Togo-Gambie, le tandem de la honte
Le 20 Mai, les chefs d’Etat de la CEDEAO se sont réunis à Accra en sommet. Entre autres sujets à l’ordre du jour, la question de la stabilité politique dans les pays membres. Les évolutions récentes au Burkina Faso, au Nigéria et au Togo ont été analysées. Le besoin d’’uniformisation des normes relatives à la durée des mandats présidentiels a été posé. La proposition soumise aux dirigeants présents a fait l’objet de longue discussion. Au final il est apparu qu’il n’y avait pas unanimité. Yayah Jammeh de la Gambie et Faure Gnassingbé du Togo se sont ligués pour faire échec à l’heureuse tentative.
La première personne qui a été déçue par la chose a été sans doute Ibn Chambas. Et c’est la position du Togo qui l’aurait le plus surpris. En effet les responsables togolais se sont parjurés en refusant de reconnaitre ce à quoi ils étaient engagés quelques jours auparavant, lorsque la crise postélectorale risquait de les emporter.
A Lomé, la position officielle est défendue par le bouillant ministre de l’administration territoriale : « il n’appartient pas à la CEDEAO d’édicter les normes constitutionnelles d’un pays », a clamé en substance Gilbert Bawara, fier de passer pour un des faucons du régime. Autour de Faure Gnassingbé, certains font la moue et personne n’ose exprimer de divergence.
Par cet acte, le Togo s’isole à nouveau sur le plan diplomatique régional et se distingue à jamais comme un pays à risque qu’il faut surveiller. De l’avis de plusieurs observateurs, il est clair que la question de la démocratie au Togo comme en Gambie, n’est plus l’affaire des seuls habitants de ces deux pays.
Agboglati.
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