Abstention record à la présidentielle d’avril 2015

Dans l’attente des résultats provisoires, le taux d’abstention est le grand gagnant de la présidentielle du 25 avril. Selon une estimation du Président Taffa Tabiou de la Commission électorale nationale indépendance (CENI), la participation flotterait entre 53 et 55%, soit un taux d’abstention de 45%.

Il s’agit d’une abstention record depuis 2007, date à laquelle les Togolais ont renoué avec des élections sans violences. Les législatives d’octobre 2007 ont connu un taux de participation de 95 %; en 2010, seuls 64,68% des électeurs ont voté; et lors des dernières législatives, la participation a connu une légère hausse de deux points s’établissant à 66,06%. Selon certaines sources officieuses, les législatives de 2013 auraient plutôt connu une participation avoisinant les 50%.

L’observateur peut noter cette  forte tendance à la baisse depuis 2010. En attendant de voir la répartition géographique de la participation, la Région Maritime et la Région de la Kara seraient les régions les plus concernées, l’abstention dans ces ces régions serait proche des 50% voire plus, selon nos correspondants locaux.

Le refus des reformes constitutionnelles et institutionnelles, la question du fichier électoral défectueux à 75%,  l’appel au boycott d’une partie de la classe politique et des organisations des droits de l’homme, constituent les causes immédiates de l’abstention massive inquiétante. En effet ce taux de participation  a des conséquences redoutables pour la classe politique.

Globalement, il s’agit d’un désaveu de la classe politique et d’une désaffection de l’électorat à l’égard de la chose politique, de la désillusion des populations quant à l’avènement de la démocratie, d’une alternance.  Il semble établi que les Togolais ne croient plus  ni à la possibilité du parti au pouvoir de réaliser leur bonheur matériel et de transformer leur vie – une étude du Pnud sur le bonheur  donne pour la deuxième fois le Togo bon dernier, ni à l’opposition affaiblie de disposer des moyens pouvant conduire au changement. Les dernières péripéties de la précampagne dans le camp de l’opposition, surtout chez Jean-Pierre Fabre et le CAP 2015, leur volonté d’aller à cette présidentielle à tout prix en acceptant les financements publics “illégaux” comme si on leur forçait la main, donnaient l’impression d’une classe politique plutôt préoccupée par ses préoccupations personnelles que par l’intérêt général. De fil en aiguille, d’année en année, toutes ces vicissitudes ont fini par lasser l’électorat.

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Lassitude de l’électorat

Tout d’abord, en 2007, les législatives organisées suite à l’Accord politique global (APG) d’août 2006, constituaient l’espoir d’un changement véritable. D’où la ruée vers les urnes des 95%  des électeurs. Hélas un découpage inique, l’achat massif des consciences et la fraude en tous genres, ont donné la victoire au RPT, deux ans après les violences chaotiques avant, pendant, après la présidentielle d’avril 2005. Une situation absurde.

Le triomphe insolent et injuste  du RPT en 2007 a émasculé la vitalité des populations, sa capacité à se courber sans rompre, à résister face au rouleau compresseur d’une dictature presque cinquantenaire.

Ensuite, le tour de passe passe de Gilchrist Olympio et sa fameuse cervicale C3 déglinguée pour des raisons obscures  dans un escalier à New-York pour ne pas se présenter à la présidentielle, conjuguée au coup de 2007 expliquent la baisse sensible de la participation à la présidentielle de mars 2010 (64,68%).

Enfin, la guérilla de la rue engagée par le FRAC  et son leader Jean-Pierre Fabre pour revendiquer la victoire à la présidentielle de mars 2010, si elle avait pu montrer le regain de dynamisme populaire et entretenu l’espoir d’un changement suite à une insurrection populaire, son enlisement voire sa banalisation a décontenancé  le cœur des masses, sinon mis sous éteignoir cette flamme pour la lutte.

Même le Collectif Sauvons le Togo (CST) qui a requinqué le dynamisme populaire à travers les marches de réclamation des réformes n’est pas étranger à cette baisse d’intensité de la foi chez les populations d’une alternance par la voie des urnes. Les velléités de participation aux législatives 2013 n’ont pas attiré les foules vers les urnes. Résultat seulement 66% de taux de participation en dépit de la mobilisation dont pouvait faire preuve ce Collectif.

Le comportement de l’ANC et de Jean-Pierre Fabre

Le jeu flou kafkaïen entretenu par Jean-Pierre et le CAP 2015 a  désarçonné les électeurs, et semer le doute dans leur cœur quant à la qualité même des hommes qui portent le changement. Les Togolais qui ne savent pas voter et votent comme un seul homme ont le même type de comportement électoral depuis 1958. Jean-Pierre Fabre bénéficie de cette mystique d’homme politique vertueux, de cette illusion savamment entretenue par les ex-héritiers du Comité de l’unité togolaise (CUT) à travers Gilchrist Olympio. Ses marches à répétition et ridicules engagées depuis 2010 lui donnent le caractère d’un dur à cuire et d’honnête  homme.

Cependant son retournement de veste sur la question des réformes pour des raisons bassement électoralistes, son ambiguïté sur la question du fichier électoral et son tour de force d’avoir réussi à se faire arracher un “consensus” sur le fichier présenté par l’OIF comme pas du tout “fiable”- quand on demandait l’annulation du scrutin-, ont laissé paraître qu’il serait capable de jouer lui aussi le grand tour de prestidigitateur réussi par Gilchrist Olympio. D’où la bouderie des électeurs blasés, indignés par cette classe politique qui manquerait de caractère.

Désaveu du pouvoir de Faure Gnassingbé

Le pouvoir UNIR est grandement responsable de la situation. Le bilan économique du président sortant est un échec patent, il n’a visiblement pas réussi à effacer le passif catastrophique laissé par son père, le général Eyadema Gnassingbé. Au contraire, il l’a enfoncé. Sa politique antisociale qui laisse les écoles et les hôpitaux dans un état de délitement total, son refus de révision des salaires rachitiques de la Fonction publique, la cleptomanie fieffée de son clan, ont fini par convaincre les masses de la médiocrité de la classe dirigeante.

Evidemment, cette situation de baisse de la participation est un danger pour le processus démocratique. Il est désormais clair pour les Togolais que la voie des urnes n’est pas la solution appropriée pour le changement. La population dont plus de 80%  a moins de 45 ans, pourrait être tenté de trouver la solution par la violence ou comme dans les années 1990, suite à l’échec de la grève générale, essayer l’exil, c’est à dire le salut individuel en considérant définitivement que le Togo est un pays maudit.


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A propos Komi Dovlovi 1103 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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