L’affaire Targone, pomme de discorde de l’Assemblée nationale. Elle unit l’opposition contre la majorité présidentielle. Le 02 juillet prochain, les députés de l’opposition (ANC-ADDI, Coalition Arc-en-ciel, Sursaut national, +1 député UFC) manifesteront devant l’Assemblée nationale pour protester contre la levée de l’immunité parlement du député Sambrini Wakin Targone, élu PDP du Dankpen, poursuivi par le pouvoir dans le cadre d’une ténébreuse affaire. En filigrane, cette affaire révèle une Assemblée nationale aux ordres de l’exécutif, abolissant tout principe de la séparation des pouvoirs.
Les députés de l’opposition, tous solidaire du député Targone, manifesteront mercredi 2 juillet leur désapprobation des conditions dans lesquelles son immunité parlementaire a été levée. Nous n’accepterons jamais que l’Assemblée devienne un instrument que le pouvoir utilise pour terroriser les députés. Les députés ont besoin de protection pour faire leur travail de contre-pouvoir de l’exécutif, une immunité ne peut être levée dans ses conditions, déclare Me Dodji Apevon, président du CAR.
La levée de l’immunité parlementaire du député Targone prête à controverse, jusque dans les rangs du parti au pouvoir, dont un député a d’ailleurs voté contre. Le président de l’Assemblée nationale, M. Dama Dramani a refusé tout débat sur le sujet avant le vote, laissant un sentiment d’arbitraire, d’une cabale politique contre le député.
Cette levée de l’immunité parlementaire, qui intervient suite à l’éviction de 9 députés ANC lors de la précédente législature par des tours de passe passe juridique, illustre que la séparation constitutionnelle des pouvoirs n’est que fictive au Togo. L’Assemblée nationale apparaît de plus en plus comme une chambre d’enregistrement, et les députés UNIR comme une majorité mécanique, à la solde du pouvoir qui peut l’instrumentaliser à sa guise pour régler des comptes à l’opposition. Il s’agit purement et simplement d’un déni de démocratie.
L’affaire des députés ANC a montré comment le Président de l’Assemblée nationale, Abbas Bonfoh, en complicité avec la Cour Constitutionnelle, a éjecté de l’Assemblée nationale des élus du peuple sans autre forme de procès, juste pour faire plaisir à Gilchrist Olympio, allié de Faure Gnassingbé.
Dans le cas d’espèce, Abbas Bonfoh, moins instruit que l’actuel président, a au moins laissé la latitude aux députés concernés de se défendre. Dans le cas du député Targone, cela a tourné au théâtre ubuesque : « Je sais lire en français et j’interprète de ma façon. Quand vous serez ici, vous aussi vous pouvez ce que bon vous semble. » !
C’est d’ailleurs cette absence d’indépendance des députés UNIR par rapport au pouvoir exécutif, qui amène l’opposition à refuser un vote des réformes constitutionnelle et institutionnelle sans dialogue politique. La majorité présidentielle est non seulement dépendante du pouvoir exécutif mais elle lui est totalement aliénée.
Exemple : de sources proches des députés, les travaux en commission concernant les réformes ont montré jusqu’à point la majorité présidentielle se couche littéralement devant Faure Gnassingbé. Les députés UNIR ont rejeté le projet de loi du Gouvernement, surtout le point concernant la limitation du mandat. Certains députés ont demandé au président de la Commission une recommandation dûment signée du chef de l’Etat et des barons du régime sur le sujet. Sinon, ils ne le voteront pas. Ils sont par contre prêts à voter un mandat illimité pour assurer la réélection à perpète de Faure Gnassingbé. Plus royalistes que le roi ?
Cette affaire Targone illustre non seulement la séparation fictive des pouvoirs, ce que l’on sait déjà, mais aussi un fait politique: le RPT et la mentalité du parti unique n’ont pas disparu du paysage politique. Les députés UNIR ne sont que des pantins de Faure Gnassingbé. Mieux: ils sont une fabrication du pouvoir.
Le député Sambrini Wakin Targone est poursuivi par le tribunal de Lomé sous les chefs d’accusation fantaisistes de “troubles à l’ordre public, violences volontaires, homicide volontaire, complicité d’homicide volontaire, destructions volontaires par incendie, complicité de destructions volontaires par incendie, vol qualifié et complicité de vol qualifié”. Libéré et placé sous contrôle judiciaire le 12 juin dernier, il a vu les chefs d’accusation réduits à trois. Peut-être face au tollé suscité peu les accusations qui ne laissaient guère de doute sur une cabale politique, les autorités judiciaires ont-elles dû requalifier les charges contre le député de Dankpen.
Il est désormais poursuivi pour “association de malfaiteurs, complicité de vol qualifié, et complicité de destruction volontaire.”
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