Au cours des dernières années, la zone sahélienne, qui englobe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a été le théâtre d’une montée alarmante des violences liées au terrorisme et à l’extrémisme violent. Cette situation préoccupante s’est non seulement traduite par une généralisation des attaques terroristes, mais elle a également exacerbé un climat d’insécurité déjà chronique, fragilisant davantage des structures étatiques qui étaient déjà affaiblies par des crises politiques et socio-économiques persistantes. L’interaction complexe entre le terrorisme, les conflits ethniques – en particulier la rébellion touarègue au Mali – ainsi que les coups d’État militaires, soulève une question cruciale : ces pays peuvent-ils réellement surmonter ces défis pour instaurer une paix durable et une stabilité durable dans la région ?
Une montée des attaques terroristes alarmante
La situation sécuritaire dans les régions frontalières du Mali, du Burkina Faso et du Niger a pris un tournant inquiétant, avec une intensification des attaques menées par des groupes armés, souvent affiliés à des organisations terroristes notoires telles qu’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et l’État Islamique. Ces groupes exploitent habilement la vulnérabilité des États, les divisions ethniques existantes et la pauvreté endémique pour étendre leur influence et leur contrôle. Au Mali, par exemple, la combinaison explosive du terrorisme et des rébellions touarègues a engendré un environnement chaotique qui entrave sérieusement les efforts de gouvernance et de développement. La peur et l’insécurité omniprésentes rendent également difficile toute initiative visant à renforcer l’État de droit ou à promouvoir la cohésion sociale.
Plusieurs régions du Burkina Faso sont minées par les violences terroristes. L’autorité de l’Etat n’est plus effective dans ces zones. On assiste à des déplacements de populations, à des massacres fréquents, y compris des purges au sein de la population. Les forces de défense et de sécurité sont dépassées par la situation.
Les coups d’État militaires : un cercle vicieux
Les coups d’État militaires récents dans ces pays n’ont fait qu’aggraver la situation déjà instable. Au Mali, le coup d’État de 2020 a mis fin à une transition politique déjà fragile, ouvrant ainsi la voie à une militarisation accrue des réponses à la violence. Dans le même temps, au Burkina Faso et au Niger, les coups d’État ont été souvent justifiés par la nécessité de lutter contre le terrorisme, mais ces justifications sont souvent devenues des prétextes pour affaiblir les institutions démocratiques et accroître l’instabilité. Ce cycle de transitions politiques chaotiques entretient un climat d’incertitude qui complique considérablement les efforts de lutte contre le terrorisme, rendant la situation encore plus complexe et difficile à gérer.
L’insécurité se double d’un blocage politique qui est exacerbé par les antagonismes entre des franges de l’armée. Tel est le cas au Burkina Faso où l’on dénonce des tentatives de coup d’Etat presque chaque mois. Au Mali, le pouvoir d’Assimi Goïta compose vaille que vaille avec les mercenaires russes, sans que l’on perçoive de réelles avancées dans la lutte contre les groupes terroristes. L’agenda politique pendant ce temps est légué au second plan.
Les efforts pour la stabilisation de la région
Face à cette situation critique, plusieurs initiatives ont été mises en place pour tenter de stabiliser la région. Le G5 Sahel, qui regroupait le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et la Mauritanie, avait été créé dans le but de coordonner les efforts de sécurité et de développement. Toutefois, le G5 a rapidement rencontré des difficultés significatives, notamment en raison du manque de financement, de la coordination souvent défaillante entre les pays membres, et d’une coopération militaire limitée avec des partenaires occidentaux. Le Burkina Faso et le Mali ont décidé de quitter l’organisation en raison notamment des divergences avec la France. Ceci a entraîné la mort cérébrale du G5 Sahel.
La réduction ou la fin des coopérations, notamment avec des pays comme la France, les États-Unis et l’Union européenne, a laissé un vide difficile à combler et soulève des questions pressantes sur l’avenir des stratégies de sécurité dans la région. Sans un soutien international, franc et solide, et une volonté politique interne, la capacité de ces pays à faire face aux défis sécuritaires reste fortement compromise.
Il y a aussi les divergences entre ces pays et la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui ne facilite pas l’implication des pays voisins côtiers dans la lutte contre les fléaux de l’insécurité et de l’instabilité chroniques dans le Sahel.
L’impact de l’instabilité et des violences
L’instabilité chronique qui règne dans ces pays sahéliens a des conséquences dévastatrices sur la vie quotidienne des populations. Les violences généralisées entraînent des déplacements massifs de populations, des violations des droits humains à grande échelle et une détérioration alarmante des conditions de vie pour des millions de personnes. Les efforts visant à instaurer un climat de paix et de sécurité sont souvent contrecarrés par la méfiance croissante entre les populations locales et les forces de sécurité, méfiance exacerbée par des abus perpétrés au nom de la lutte contre le terrorisme. Cette situation crée un cercle vicieux où la violence engendre plus de violence, rendant les perspectives de réconciliation et de paix encore plus lointaines.
La lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent dans les pays sahéliens est un défi complexe qui nécessite une approche multifacette et des solutions durables. Il ne suffit pas de déployer des forces militaires pour faire face à cette crise. Il est également crucial de renforcer les institutions démocratiques, de promouvoir le développement économique inclusif et d’encourager le dialogue intercommunautaire. La question demeure donc : les pays sahéliens peuvent-ils réellement vaincre le terrorisme et l’extrémisme violent ? La réponse à cette question dépendra de leur capacité à surmonter des défis internes majeurs, à rétablir la confiance avec leurs citoyens, et à établir des partenariats efficaces tant au niveau régional qu’international. La route vers la paix et la stabilité dans cette région est semée d’embûches, mais elle est absolument essentielle pour le bien-être et l’avenir des populations sahéliennes. Seule une approche collaborative, holistique et durable pourra offrir une lueur d’espoir dans cette lutte contre un phénomène aussi insidieux que le terrorisme.
K. AGBOGLATI
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