L’ancien président du Ghana Jerry John Rawlings est mort

Admis à l’hôpital  universitaire de Korle-Bu depuis une semaine des suites d’une brève maladie non officiellement déclarée, l’ancien président du Ghana est décédé ce 12 novembre à l’âge de 73 ans. Il venait d’enterrer sa mère le mois dernier. Militaire de formation, homme de caractère trempé qui sauva le Ghana du déclin moral et politique par un coup d’Etat en 1981, J.J Rawlings est considéré comme le fondateur de la démocratie dans ce pays.

Jerry John Rawlings est né à Accra le 22 juin 1947, d’une mère ghanéenne Ewé-Anlo de Dzelukope (Volta Region) et d’un père écossais. Après des études au célèbre collège d’Achimota, il s’est engagé comme élève officier dans l’armée de l’air et sort comme jeune sous-officier  de  l’Académie militaire et école de formation de  Teshie, à Accra. Il remporte en 1969, le très convoité “Speed Bird Trophy” en tant que meilleur élève-officier de vol et d’aviation.

Grand lecteur de livres portant sur la pensée sociale, c’est dans l’armée  qu’il fit témoin de la détérioration de la discipline et du moral, reflétant la corruption du régime du Conseil militaire suprême (SMC) à cette époque.

Après le coup d’Etat qui a évincé en 1968  le père de l’indépendance Kwame Nkrumah, le Ghana entre dans une longue période de déconfiture politique, morale et économique  qui a vu plusieurs généraux succéder au pouvoir.

Une situation qui insupporte dans les rangs des jeunes officiers. Le 4 juin 1979, avec le soutien de militaires et de civils, J. J Rawlings a mené une révolte qui a permis d’évincer le Conseil militaire suprême et de mettre sur pied le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC).

Suit une brève période de « nettoyage » visant à purger les forces armées et la haute administration de la corruption et à restaurer l’autorité de l’Etat, le sens de la responsabilité morale et de probité dans la vie publique. Plusieurs dizaines de personnalités civiles et militaires furent passées par les armes. On parla de plus de 200 personnes exécutées.

Père fondateur du Ghana moderne

Il ramena un gouvernement civil le 24 septembre dirigé par Hilla Limann, du Parti national populaire (PNP).  De guerre lasse, constatant le retour des vieilles habitudes, le capitaine d’aviation reprit le pouvoir le 31 décembre 1981 et instaura un Conseil provisoire de défense nationale (PNDC), composé de membres civils et militaires, qui dirigea le Ghana pendant plus d’une décennie en tant que parti unique.

Après un bref moment de socialisme pour restaurer l’Etat, le régime s’est ouvert à l’économie sociale de marché. En 1992, à la faveur du vent de l’Est, le Ghana passa au multipartisme. Le PNDC devient le National Democratic Congress.

Il dirigea le Ghana pendant huit années avant de laisser le pouvoir en décembre 2000 à son opposant et successeur John Kuffuor, permettant la première alternance démocratique dans ce pays.  C’est la première fois en Afrique qu’un militaire, encore populaire et avec un bon bilan économique, accepte d’abandonner le pouvoir en respectant la constitution.

Le Ghana connaît depuis des élections régulières et démocratiques alors que l’instabilité règne parmi ses voisins.

Son bilan à la tête du Ghana est élogieux. Sur le plan social, il a laissé l’adoption d’un programme d’assurance-maladie universelle, et bien d’interventions de l’Etat dans de nombreux domaines. Il a donné la stabilité aux institutions du Ghana, une stabilité marquée par cette citation fétiche :

 Ce dont nous avons besoin dans ce pays, c’est de faire en sorte que, si le diable lui-même venait à gouverner au Ghana, certaines procédures, certaines pratiques l’empêcheraient de faire ce qu’il veut. Il serait obligé de faire ce que le peuple attend de lui

J.J Rawlings

A l’extérieur, Rawlings a eu des relations difficiles avec le régime togolais du général Gnassingbe. L’ex-président ghanéen a soutenu à plusieurs reprises des actions militaires de l’opposition togolaise pour déstabiliser le Togo. Dans un premier temps en 1986 et surtout pendant les soubresauts démocratiques où il a soutenu et armé en vain les réfugiés togolais.  

Marié à une princesse Ashantie, Nana Konadu Agyeman, est père de quatre enfants – dont  trois filles et un garçon.

D’une grande humilité et proche du peuple, Rawlings est l’un des rares hommes politiques africains à ne pas considérer le pouvoir comme une fin en soi. Refusant les honneurs, l’ex-capitaine d’aviation s’est opposé de son vivant à toute biographie et film documentaire sur son histoire.


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A propos Tony Feda 145 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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