Pouvoirs publics et autorités politiques discrédités, les populations restent incrédules face à la propagation inquiétante du virus dans la Région centrale. Les mesures de bouclage des villes et de couvre-feu risquent de manquer d’efficacité.
Situation plus qu’alarmante. Du 20 au 28 août, on enregistre 24 cas à Tchamba, soit en moyenne trois par jour. Même son de cloche à Sokodé, la plus grande ville de la région centrale : 46 cas dans la même période.
Selon le journaliste Izotou Abi-Alfa, à Tchamba, des personnalités politiques de haut rang dont le ministre de l’Enseignement primaire et secondaire, Affo-Dedji ATCHA sont citées parmi les cas confirmés. Le préfet, Mme Aïssatou Abdoulaye Titikpina, jugée laxiste voire coupable quant aux respects des mesures-barrières, a été démise et remplacée au pied levé.
En réalité, depuis trois semaines, le nombre de cas a explosé dans la Région centrale, où toutes les préfectures, leurs chefs-lieux et quelques villages sont devenus l’épicentre de la maladie.
En l’espace de trois semaines, on a dénombré plus de trois cents cas dans cette zone. Devant l’augmentation exponentielle des cas confirmés, les autorités sanitaires ont cru bon de prendre une mesure de bouclage des villes de Tchamba, Adjengré et Sokodé, suivie d’un couvre-feu de 18H à 5H.
Comment comprendre une telle situation ? Certes, Sotouboua, La Plaine du Mô, et Sokodé sont dans l’œil du cyclone covid-19 quelques semaines après le constat du cas zéro à Lomé. La situation géographique de Sokodé qui en fait un carrefour des voies de commerce vers le Ghana et le Bénin, et une ville avec une forte population diasporique, sont parmi les principales raisons. Bien de cas confirmés sont des cas importés qui ont par la suite créé une chaîne de contamination.
Populations hostiles au pouvoir et sensibilisations défaillantes
Mais la présente flambée des cas s’explique surtout par la situation politico-sociale de cette partie du pays, qui subit une répression militaire pour contenir l’influence du PNP. De forts contingents militaires sont présents à Sokodé et dans l’Assoli depuis 2017 en vue de réprimer toute manifestation politique et traquer les activistes et militants du PNP.
La solution militaire au problème politique du PNP a fini alors par aliéner les populations Tem au pouvoir en place et une méfiance vis-à-vis des pouvoirs publics.
En dépit d’intenses campagnes de sensibilisation sur le covid-19 par les pouvoirs publics et les ONG, les populations demeurent incrédules quant à la vérité de la maladie.
Pour ne rien arranger, des communications intracommunautaires via le réseau social WhatsApp discréditent les mesures gouvernementales.
Grosso modo, la sensibilisation ne passe pas. Et les habitudes au quotidien, les comportements à risques constituent autant d’ignorance du virus et de violation des mesures-barrières. Absence du port de masques, discussions en groupe sans respect de la distanciation physique, échanges de verres de thé, les bars pleins, etc… Sokodé, Adjengré, Sotouboua, et Bafilo vivaient sans retenue.
Conscients du problème, certains cadres du milieu essaient de relever le défi.
Ainsi Aphtal Cissé, blogueur et écrivain Tem voudrait sensibiliser sa communauté sur la dangerosité du virus.
Il en est de même du journaliste Abi-Alfa qui dans un message sur Facebook fait l’amer constat.
« Tchamba et Sokodé traversent une mauvaise passe socio-medicale. Sauf que personne n’y croit et quand un habitant porte un masque, l’opinion publique le prend pour un extra-terrestre. Pour les populations, les discours d’alertes sont plus politiques que sanitaires. Des jeunes se partagent des bouffées de chicha dangereusement en vogue, les tasses d’Ataya (thé vert), la distanciation est un vain mot»
Ecrit Abi-Alfa Izotou sur sa page Facebook.
Le moral de la population est aussi décrite par Aphtal Cissé à travers un Tweet.
Cependant, il faut parer à l’urgence. Et comme le souligne le journaliste Abi-Alfa, il faut prendre conscience et ne pas tout politiser, tout en restant bien entendu hostile au pouvoir en place :
Si on sait que la dictature se sert de cette pandémie pour tout politiser et obtenir la quiétude, il est aussi vrai que les populations doivent prendre conscience de certaines réalités. Sokodé-Tchamba, Bafilo, même si certains bouclages ressemblent à deux poids deux mesures entre les régions, selon qu’elles soient loin ou proches du régime, respectons les mesures barrières. Si la maladie existe, on aurait gagné, si elle n’existe pas, on n’a rien perdu, ces mesures ne sont pas pour Faure Gnassingbé. Ce virus est une peste, une gale, qu’il ne faut souhaiter même à son pire ennemi.
écrit Izotou Abi-Alfa
Autoriser les voix les plus écoutées à parler aux résidents
Mais à côté des populations hostiles au pouvoir en place et réfractaires aux instructions contre le covid-19, il y a aussi des pouvoirs publics irresponsables.
Il en est ainsi de l’ex-préfet Mme Titikpina Aïssatou de Tchamba accusée par les autorités d’avoir permis par sa cupidité la propagation du virus. Comme le souligne le journaliste Abi-Alfa, une affaire de fausses taxes sur les bœufs et un détournement de certains dons de bétail par une ONG turque ont créé des rassemblements dans la ville de Tchamba. Lesquelles réunions et certaines fêtes ont certainement favorisé la chaîne de contamination.
« Il y a aussi surtout les forces anti-covid qui traquent et rackettent les automobilistes pour non-port de masques alors qu’elles sont laxistes devant les rassemblements de plusieurs personnes », dit un habitant de Sokodé.
Un enseignant du Lycée moderne de Sokodé est d’ailleurs surpris par la sévérité des mesures prises pour endiguer le virus dans la ville.
« Il est incompréhensible de laisser les résidents se comporter comme si le virus n’existait pas en pleine journée et restreindre les libertés civiles par des mesures de couvre-feu la nuit. Le virus ne circule-t-il seulement que la nuit? », s’interroge-t-il.
On le voit bien, bouclage ou couvre-feu, il n’est pas certain que les mesures prises par les autorités puissent endiguer la propagation du virus tant que la sensibilisation n’est pas renforcée.
Et pour une certaine efficacité de la sensibilisation, il va falloir que le pouvoir permette aux voix les plus autorisées de la région centrale de parler aux résidents de Sokodé, de Tchamba et de Sotouboua.
Pour ce faire, pour que la sensibilisation anti-covid retrouve une certaine efficacité, il va falloir que le pouvoir lâche du lest et laisse s’exprimer les autorités religieuses et pourquoi pas les militants du PNP.
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