Une obscure association dirigée par le président de « l’Association des Gros bras du Togo » s’interroge sur les bases légales de la Dynamique Mgr Kpodzro. Charles Adjanla fut un ancien militant de l’UFC.
« En conséquence, ce regroupement [La Dynamique Mgr Kpodzro, Ndlr] n’a aucune base juridique et partant aucune existence légale », écrit le ministre de l’Administration territoriqle, de la Décentralisation et des collectivités locales, en réponse à une obscure association dénommée « Sentinelles du peuple ».
Le ministre répondait à une sollicitation de cette association pour connaître de la légalité de La Dynamique Mgr Kpodzro (DMK). La DMK est à l’initiative d’un appel à manifester contre le pouvoir UNIR ce 1er août.
Soutien de la candidature d’Agbeyome Kodjo à la présidentielle du 22 février 2020, la DMK rejette les résultats officiels et exige que la victoire soit donnée à son candidat. D’où l’appel à une manifestation populaire ce samedi. L’organisation, une nébuleuse, n’a pas eu besoin de demander l’autorisation du ministre Boukpessi.
Sauf que l’initiative du ministre pour informer de l’absence de base légale de la DMK pourrait cacher une manœuvre beaucoup plus sournoise. L’association « Sentinelles du peuple », malgré son existence légale dans les registres de l’Administration territoriale, s’apparenterait à une milice proche du parti au pouvoir. La législation togolaise n’autorise pas l’établissement des milices non plus.
Sa création remonte en avril 2018, dans le sillage des grandes manifestations populaires de la C14 pour bouter Faure Gnassingbe hors du pouvoir. Organisation proche du Collectif des jeunes pour le développement (CJD), les « Sentinelles du Peuple » ne cachent pas leurs objectifs : « faire échec à toute tentative de menace à la paix au Togo ». Quels sont alors les moyens d’action pour écarter une « menace à la paix » ? « Sentinelles du peuple » entend œuvrer auprès des forces de l’ordre.
Lors de leur conférence de presse en avril 2018, le porte-parole du mouvement Charles Adjanla, un acteur des arts martiaux, déclare :
« La mine d’or que le Togo a, c’est la paix. La sécurité est assurée par les forces de l’ordre et de sécurité mais c’est le travail de tout le monde dans la mesure où nous vivons chacun quelque part. Et si nous voyons quelque chose d’anormal, il nous appartient de le dénoncer », a expliqué Charles Adjanla, porte-parole du mouvement.
Charles Adjanla serait-il un milicien au service du pouvoir ?
Et il va plus loin quand un journaliste interloqué demande si le mouvement n’est pas une milice :
« Nous ne voulons pas qu’on associe notre organisation à une milice. C’est comme une insulte à notre association. Elle ne supplée pas non plus les groupes d’auto-défense. Nous sommes juste un groupe de jeunes qui ont senti la nécessité d’œuvrer aux côtés des forces de l’ordre et de sécurité pour maintenir la paix ».
Et pourtant, il y a de quoi à avoir de sérieux doutes sur les intentions pacifiques de « Sentinelles du peuple ». Il est fort à parier qu’il s’agit d’une milice, qui, se basant sur le prétexte d’illégalité offert par le ministre Boukpessi, s’apprête à en découdre avec les manifestants samedi prochain. Des manifestants qui constitueraient une « menace à la paix ».
Sur LinkedIn, Charles Adjanla se présente comme « fonctionnaire adjoint » (sic) œuvrant dans l’Education. Charles Adjanla serait titulaire d’une licence ès lettres à l’Université de Lomé. Tout cela reste à vérifier, mais, s’il est vraiment lettré, Boukpessi vient de recruter un Benalla du pauvre !
Au cours de la période 2003-2010, il a exercé en tant que directeur technique de Je Pol Security, une agence « internationale de sécurité privée et d’entretien » « sise à Agoe Sogbossito, Immeuble Peace Land, non loin de la station-service Oando située sur la route allant de Agoe Assiyéyé vers Mission-Tové ».
A Jet Pol Security, Charles Adjanla opérait comme formateur en arts martiaux, et dans le maintien d’ordre. Il était aussi directeur du Centre de sport Turbo à Lomé, ainsi que président de l’Association des gros bras du Togo.
Les sociétés de sécurité sont généralement proches du pouvoir, mais nous n’avons aucune information quant aux services supplémentaires qu’elles offrent en soutien au régime en dehors de leurs missions classiques de sécurité privée.
Cependant, il est notoirement établi que les forces de l’ordre classiques ne sont pas les seules à user de la violence légitime en cas de manifestations au Togo. Le pouvoir a eu recours à des forces paramilitaires. En 2005, ces forces réprimaient avec des armes à feu aux côtés de l’armée, les opposants, surtout dans la ville d’Atakpamé. Ces milices interviendront avec des machettes au cours d’une manifestation de l’opposition où plusieurs manifestants furent blessés à Adewi.
En 2017, le pouvoir a eu recours ouvertement à ces milices présentées comme des « groupes d’auto-défense ». La constitution togolaise ne permet pas la constitution de groupe d’auto-défense. Elle permet néanmoins au peuple de recourir à la rébellion contre tout pouvoir inconstitutionnel ou attentat entraînant la rupture de l’ordre constitutionnel issu du peuple.
La question qui se pose est pourquoi le Ministre Boukpessi Payadowa recourait-il à cette étrange « Sentinelles du peuple » pour réprimer la manifestation du 1er août ? On n’ose pas le penser. Une manifestation, qui, malgré le bruitage sur les réseaux sociaux, peut faire pschitt ? Et pourquoi la DMK fait-elle si peur ? Et last but not the least, est-ce que les forces traditionnelles chargées du maintien d’ordre se lassent déjà du régime de Faure Gnassingbe ?
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