Editorial: L’ombre d’une chose qui nous menace

La participation de l’opposition au scrutin du 22 février prochain s’inscrit dans une démarche de démotivation des populations à lutter contre la dictature militaire au Togo.

Un jour, sur une radio de la place, le professeur Aimé Gogué  reproche vivement aux électeurs leur incapacité à défendre leurs suffrages accordés à Jean-Pierre Fabre (2 fois). Selon son argumentaire, la population est en partie responsable des échecs de l’opposition pour sa démobilisation. Grosso modo, vous votez Jean-Pierre Fabre et vous vous démerdez  pour que sa victoire ne soit pas volée.  Passons sous silence les centaines de cadavres et les milliers de blessés qui jonchent le long chemin du combat démocratique. Passons sous silence les stratégies quelque peu bancales de l’opposition. Passons sous silence que démobilisation vient après démotivation.

L’épée de Damoclès suspendue sur nos têtes, c’est l’émoussement de l’énergie populaire. Les spécialistes des sciences cognitives disent que les populations fonctionnent comme un « système à états ». Elles ont un état interne qui détermine pour partie leur comportement, c’est-à-dire que les populations ont une mémoire qui affecte inconsciemment leur état actuel et dicte leur comportement.

Grosso modo, pour rapporter cette théorie à la réalité togolaise, les échecs répétitifs de l’opposition à vaincre la dictature militaire cinquantenaire peut pousser la population à la démobilisation, à l’indifférence à la chose politique, voire au défaitisme.

C’est le danger qui guette le Togo : le fatalisme gagne le cœur des masses. Certains pourraient trouver la dictature militaire trop forte pour l’opposition, tandis que d’autres pourraient juger l’opposition  trop faible pour l’emporter contre les militaires. Contrairement à la plupart des dirigeants politiques de l’opposant qui semblent occulter la nature  même du régime, une mafio-junte,  les populations qui ont souffert dans leur chair la violence de la soldatesque sous toutes ses formes,  savent à quoi s’en tenir.

L’abstention de plus en plus élevée aux différentes élections depuis 2010, est l’une des formes de cette démoralisation de la population. La forme la plus pernicieuse serait qu’au cachot de leurs désespoirs et renonçant par conséquent  à tout destin collectif, les Togolais s’adaptent à la dictature et adoptent une stratégie de survie. Cette stratégie de la survie est déjà observée chez certaines corporations, surtout les enseignants et les avocats, et se répand dans bien des parties du pays. Des villages entiers acceptent des cadeaux d’UNIR en période électorale en se disant que c’est tout ce qu’ils peuvent aussi « manger » du gâteau national.

En résumé, la participation de l’opposition au scrutin du 22 février 2020,  sans candidature unique et sans aucun espoir de mettre en perspective la fin de la dictature militaire par une stratégie cohérente sur les actions futures, est la pire décision prise par nos aînés.


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A propos Tony Feda 139 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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