Théo Ananissoh : “les auteurs africains, malgré eux souvent, sont les gens les moins nationaux et les moins patriotes qui soient ” (Fin)

Théo Ananissoh pendant une conférence sur "Statut et fonction de la littérature en Afrique". lors de la Foire internationale du livre de Lomé- novembre 2019

Statut et fonction de la littérature en Afrique, c’est ainsi que se décline le thème de la conférence de Théo Ananissoh dans le cadre de la 3ème édition de la Foire internationale du livre de Lomé (FI2L) le 7 novembre dernier.

Nous avons publié l’article en quatre parties. Voici la dernière.

Statut et fonction de la littérature en Afrique (Fin)

Malgré toutes ces phrases catégoriques que j’ai énoncées, en commençant mon propos, je n’ai pas pensé une seconde que je viderais en quelque sorte ce sujet, bien entendu. Il y a encore beaucoup à en dire si nous resserrons notre réflexion sur le quatrième mot que je n’ai pas oublié : Afrique. Notre chère Afrique.

– Il y a la question inévitable des langues africaines – la littérature, c’est la langue. Elle n’est pas subsidiaire du tout, mais au cœur du sujet. Elle décide de l’effectivité en Afrique dudit statut et de ladite fonction qui nous préoccupent. Puisque j’écris en français, mon descendant direct dans un siècle, pour pouvoir me lire dans le texte original, doit être pleinement locuteur de la langue française. Cela me perturbe et m’empêche d’avoir une vue claire et lisible de ma postérité. J’ai le sentiment de travailler pour le compte d’autrui. C’est une question que nous devons clairement et ouvertement nous poser.

  • Il y a aussi que, comme le franc CFA, nous déposons la presque totalité de nos avoirs littéraires – les droits d’auteur, donc les retombées financières de notre créativité littéraire – dans les coffres de l’Occident puisque nous utilisons leurs langues et leurs infrastructures performantes. C’est payant. Cash. Et cher. Le talent littéraire africain n’enrichit pas l’Afrique. C’est un comble puisque l’Afrique est sans cesse notre matière, notre matériau !
  • Pire, il découle d’une telle situation concrète une (je souligne) corruption de l’esprit, une falsification tragique de presque toutes nos aventures littéraires africaines en vérité puisque, de facto, nous demandons ainsi sans cesse insidieusement une autorisation pour créer, sentir et penser. Si ! On capture ainsi, avec notre plein accord enthousiaste et joyeux, notre droit et notre liberté de nommer et de créer l’Afrique… Or, je viens juste de vous dire que c’est ce qu’il faut précisément accomplir.

Un tout dernier mot.

Si vous acceptez et admettez tout ce que je viens de vous dire, vous serez logiquement d’accord avec moi que la littérature, pour une communauté d’humains, est une affaire… régalienne (réitération de son statut). Puisqu’il s’agit de notre existence commune.

Cela veut dire que :

  1.  Organiser un champ littéraire national, c’est organiser la vie. C’est ni plus ni moins entreprendre une œuvre d’équipement et d’aguerrissement du soi collectif.
  2.  Cette foire du livre de Lomé qui nous réunit cette semaine, cette sympathique Fi2L, troisième édition, est donc une affaire vitale et régalienne. Pas que la Fi2L, mais toutes les autres composantes du champ littéraire en création au Togo (maisons d’édition, médias culturels, festivals…) !

Par conséquent, en tant que domaine régalien – même à notre échelle togolaise minuscule, fragile, modeste, naissante –, nous devons veiller à protéger l’autonomie de ce que nous faisons ainsi ensemble. Tout simplement parce que, penser et sentir (autre définition de la fonction de la littérature), c’est penser et sentir vrai et véritablement, et non sous influence.

Je vous remercie de m’avoir écouté.   


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A propos Tony Feda 145 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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