Après avoir empêché les trois activistes de la campagne « Tournons La Page » (TLP) d’entrer du territoire togolais, le général-ministre de la Sécurité invite le collectif et le Front Citoyen Togo Debout (FCTD) à « aller faire leurs choses ailleurs ».
Le ton est plein d’arrogance. « Ils [les activistes de TLP] n’ont qu’à aller faire leur chose ailleurs. Le Togo n’est pas un terrain d’expérimentation », a déclaré le général-ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Yark Damehane. Les trois activistes devraient être à Lomé dans le cadre d’une conférence internationale avec le FCTD.
Avant cela, avec la même morgue de tout-puissant, Yark Damehane déclare que le TLP « n’a aucune base juridique. Nous ne pouvons pas accepter ces genres de choses chez nous ».
Les autorités togolaises ont interdit l’entrée du territoire à trois militants du TLP lundi dernier. Avec un certain aplomb d’ailleurs puisque l’interdiction est faite malgré le principe de la libre circulation des biens et de la personne qui régit la CEDEAO. Le coordonnateur TLP de la Cote d’Ivoire Alexandre Didier Amani a été bloqué à l’aéroport d’Abidjan, les agents de la compagnie aérienne ayant reçu un courrier demandant de ne pas l’autoriser à embarquer dans le vol. Quant aux deux autres militants, Maikoul Zodi, le coordonnateur de TLP au Niger et Karim Tanko qui ont choisi d’arriver par la route, ils ont tous simplement été bloqués par la police des frontières. Cette dernière leur refusant l’accès au Togo pour « raison d’Etat ».
Vigoureuse condamnation d’Amnesty International
Amnesty International condamne les actes posés par les autorités togolaises. « Cette inacceptable interdiction montre jusqu’où les autorités togolaises sont prêtes à aller pour s’opposer à tout suivi indépendant de la situation des droits humains », déclare Marceau Sivieude, directeur régional adjoint pour l’Afrique de l’Ouest et centrale à Amnesty International.
« Ces trois activistes doivent jouir de leur liberté de circulation dans l’espace communautaire d’Afrique de l’Ouest», indique M. Marceau Sivieude
La mesure d’interdiction intervient dans un contexte politique tendu à l’approche de la présidentielle 2020 à laquelle Faure Gnassingbé est candidat, suite à la révision constitutionnelle de mai 2020. Laquelle modification constitutionnelle lui permet de briguer encore deux mandats après avoir 15 ans de pouvoir.
Amnesty International appelle donc les autorités togolaises à poser des actes allant dans le sens de la décrispation à l’approche de la présidentielle.
« Les autorités devraient œuvrer à mettre en place un climat de confiance en respectant et promouvant les droits de tous, y compris des individus participant aux mouvements pro-démocratie », indique le communiqué.
Musellement tous azimuts des oppositions
Les activistes refoulés devaient participer à l’adhésion du Front Citoyen Togo Debout (FCTD) et de la Synergie de l’Intelligentsia pour des Actions en faveur des Droits de l’Homme (SIADH) au mouvement TLP qui regroupe neuf pays et ambitionnait de faire du Togo le 10e membre de cette coalition.
Cependant, leur refoulement aux frontières ne constitue pas en réalité une surprise. Il s’inscrit dans un environnement de répression tous azimuts avec, parfois, en renfort, des textes de lois. Ainsi, le parlement vient de voter au troisième trimestre une loi de restriction des libertés publiques rendant impossible l’organisation des manifestations. Une loi liberticide qui entre elle-même dans le cadre d’une répression systématique des activités des partis politiques. Ainsi depuis plusieurs mois, les réunions du PNP (Parti national panafricain) sont fréquemment dispersées à Lomé et à l’intérieur du pays, surtout à Sokodé. Plusieurs militants de partis politiques et d’activistes des droits de l’homme sont en prison pour des raisons farfelues. Ainsi l’activiste Foly Satchivi a été condamné à 28 mois de prison pour tenue illégale d’une réunion inexistante.
Néanmoins, les mesures prises par les autorités togolaises témoignent une fébrilité à l’approche de la présidentielle. En dépit de l’émasculation de l’opposition traditionnelle et la mainmise totale sur tous les leviers de pouvoir et de contre-pouvoir en vue de s’assurer une victoire sans péril, le régime manque de sérénité et reste dans la crainte de nouveaux soubresauts populaires contre le quatrième mandat de Faure Gnassingbe.
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