Dans son ouvrage, L’Urgence africaine- Changeons le modèle de croissance », l’économiste togolais Kako Nubukpo fait une réflexion sans concession sur le présent de l’Afrique, se montre assez pessimiste sur l’avenir, tout en suggérant pour sortir la tête de l’eau la naissance d’une pensée endogène.
« L’Urgence africaine- Changeons le modèle de croissance » est sorti le 18 septembre aux Editions Odile Jacob. Tout en écartant le discours ambiant et trompeur sur le 21ème siècle d’une Afrique émergente, l’auteur décrit les raisons pour lesquelles l’Afrique n’arrive pas à émerger, et risque de garder longtemps la tête sous l’eau.
Dans l’introduction, il décline les maux de l’Afrique qu’il présente comme le continent sur lequel on a appliqué les théories économiques les plus nocives conçues dans les officines occidentaux et inadaptés aux réalités. Et ce, avec « la complicité active ou passive de ses propres élites ». Pour lui, l’Afrique est un continent livré à la dévoration de l’étranger.
Aussi tire-t-il la sonnette d’alarme sur la réalité d’une Afrique à la dérive, subissant des prédations minières et foncières, des sorties massives de capitaux licites et illicites, des surplus agricoles européens, bien loin des poncifs utilisés par les faux amis de l’Afrique.
Il relève par ailleurs, en parlant de la complicité et de l’illégitimité des élites, que l’Afrique subsaharienne ne produit par ses propres dirigeants.
« Comment expliquer que le logiciel des hommes politiques africains soit inadapté aux exigences de la situation et à la réalité nouvelle en l’Afrique ? (…) Il y a une extraversion qui fait que l’Afrique montre au reste du monde des dirigeants que le reste du monde ne veut pas voir. (…) Ils sont adoubés par l’extérieur. Ils ne sont pas forcément de mauvaise foi, mais ils n’ont pas de prise sur le réel. Ils ne rendent compte qu’à leurs maîtres occidentaux » (pp17), écrit-il dans l’introduction.
Pensée endogène pour une économie africaine
Son travail repose alors sur l’idée d’une Afrique qui devrait cesser de se comporter comme un mouton qui suit le bruit d’un autre troupeau. L’élaboration d’une pensée endogène, l’économie africaine pensée par les Africains eux-mêmes, tirant les leçons de son parcours professionnel, notamment de son expérience ministérielle au Togo d’octobre 2013 à juin 2015. Ainsi, l’ancien ministre de la Prospective pense à la société civile donc à la mise en place de «Policiy Think Thank » pour penser les politiques publiques africaines.
L’idée n’est pas nouvelle, il s’agit d’un discours anti-libéral mâtiné de keynésianisme mangé à la sauce africaine, mais venant de la plume de Kako Nubukpo, elle fait autorité et a le mérite d’aller vent debout contre la doxa libérale qui s’est emparée de tout le continent. L’actuel doyen de la Faculté des sciences économiques, poste qu’il a obtenu avec la bienveillance de l’autorité politique, notons-le au passage, a mis sur pied en avril 2019, « L’Essentiel », un « think tank doublé d’une action tank ». C’est dire qu’il n’est plus seulement dans le discours, il passe aussi à l’action.
Kako Nubukpo est économiste, doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de Lomé (Togo), chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et membre du conseil scientifique de l’Agence française de développement (AFD). Il a été ministre chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques au Togo (2013-201). Chantre de la lutte anti-CFA, il a écrit L’improvisation économique en Afrique de l’Ouest, du coton au franc CFA (Karthala, 2011) et sous sa direction, l’ouvrage collectif, Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. À qui profite le franc CFA ?, (La Dispute, 2016, 243 p).
Kako Nubupko (dir.), Martial Ze Belinga, Bruno Tinel, Demba Moussa Dembele,
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