Les autorités éthiopiennes ont déjoué une tentative de coup d’Etat dans la région Amhara, dans le nord du pays, a annoncé le Premier ministre Abiy Ahmed dans une déclaration à la télévision nationale, ce dimanche 23 juin. Le chef d’état-major, le général Seare Mekonnen, et le président de la région Amhara, Ambachew Mekonnen, ont été tués. Le gouvernement soutient avoir la maîtrise de la situation.
Ancien lieutenant-colonel de l’armée, c’est en uniforme militaire et le visage grave que M. Abiy Ahmed a annoncé l’échec de la tentative de coup d’Etat. Plusieurs officiers et des représentants de la région Amhara ont été visés au cours de la tentative intervenue lors d’une réunion des premières autorités à Bahir Dar, capitale de l’Etat d’Amhara- l’Ethiopie est une fédération. Neuf régions forment la fédération basée sur “les nations, les nationalités, et le peuple”.
Le président de cette région Ambachew Mekonnen a été assassiné à Bahir Dar. Il était un ancien conseiller en infrastructures du chef du gouvernement. Selon plusieurs sources, un de ses principaux collaborateurs, Ezez Wasé, a été tué avec lui. Le ministre de la Justice nationale a été grièvement blessé.
A Addis-Abeba, capitale fédérale de l’Ethiopie, on a annoncé l’assassinat du chef d’Etat-major par son garde du corps à son domicile. Dans un premier temps blessé par balle, l’officier a été transporté à l’hôpital Washington de la capitale éthiopienne, où il a succombé à ses blessures. Un ancien militaire, haut gradé de l’armée à la retraite, Gezae Abera, qui était en sa compagnie a aussi été abattu.
Violences ethniques et volontés de repli ethnocentristes
Le cerveau du coup d’Etat serait le chef de la sécurité de la région Amhara, Asaminew Tsige ; il est fuite. Le général Asaminew Tsige écopait une lourde peine de prison et avait bénéficié d’une mesure d’amnistie à l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed qui l’a d’ailleurs nommé chef de la Sécurité de la région Amhara. Asaminew Tsige est considéré comme un fou furieux parmi les militaires et sa nomination avait été une surprise.
Les tensions ethniques voire tendancieusement ethnocentristes ont ressurgi avec l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed le 2 avril 2018 et les fortes mesures politiques prises allant dans le sens de la décrispation de la situation politique et d’un peu plus de démocratie. Libération des prisonniers politiques, dont principalement les opposants et les prisonniers d’opinion, apaisement de la situation dans le pays oromo, majoritairement musulman, accord de paix avec la rébellion sécessionniste du Front de libération Oromo (FLO), active depuis les années 1970, réconciliation entre les communautés chrétiennes, et fin de la guerre avec l’Erythrée et signature d’un accord de paix avec reprise de la coopération, et surtout une politique de lutte contre la corruption appréciée à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Cependant, les mesures prises par cet Oromo chrétien protestant et de mère Amhara, ont déclenché des mécontentements au sein de l’Ihadeg, la coalition du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) au pouvoir depuis la chute du président communiste Mengistu Hailé Mariam et la création de la République fédérale en 1995.
Les Tigréens qui détenaient la plupart des leviers du pouvoir politique depuis 1995 montrent quelques signes de frustration envers la nouvelle politique de justice sociale et de partage des rôles plus équitables.
Le 23 juin 2018, un attentat à la grenade vise un meeting d’Abiy Ahmed qui se déroulait dans le centre d’Addis-Abeba, causant 1 mort et 150 blessés. Il met alors en place une garde républicaine destinée à « protéger les hauts responsables du gouvernement et leurs familles contre toute forme d’agression de la part de forces mal intentionnées »17 – leur protection étant auparavant confiée à des militaires d’élite et des agents secrets dont ce n’était pas la formation. Depuis les tensions entre les ethnies sont exacerbées par les forces conservatrices.
Ce énième coup d’Etat peut être entendu comme une volonté des forces conservatrices de reprendre la main, une situation qui pourrait nuire à l’économie en plein boom. En dépit de la sécheresse qui frappe régulièrement, l’Ethiopie connait une croissance soutenue de plus de 8% depuis des années, et elle devrait le rester pour les prochaines années selon les experts.
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