Sans surprise la Cour Constitutionnelle du Togo vient de rejeter ce 31 mai la demande en annulation des modifications constitutionnelles auxquelles a procédées le parlement le 8 mai dernier. Le recours a été déposé par l’ANC le 16 mai.
La requête de l’ANC vise plusieurs articles votés par le parlement en « violations du droit parlementaire, du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ainsi que des règles de droit et des principes démocratiques universels ».
Pour le parti de Jean-Pierre Fabre, la modification opérée ne doit viser que les articles 59, 60 et 100 de la constitution selon le projet de loi soumis par le gouvernement. Les articles 59 et 60 visent le nombre du mandat présidentiel et le mode de scrutin de l’élection du président tandis que l’article 100 porte sur le mode de désignation des membres de la Cour constitutionnelle.
Or, la nouvelle assemblée quasiment monocolore et favorable au parti UNIR au pouvoir, a voté vingt-deux autres articles non soumis par le gouvernement. Des modifications qui portent la marque des députés. Lesquelles modifications ne viennent pas de propositions des parlementaires mais des « amendements ». Des « amendements » qui modifient profondément la constitution. L’article 75 par exemple introduit l’impunité totale pour le chef de l’Etat pour les crimes commis pendant l’exercice de son mandat à partir de la prochaine présidentielle tandis que la loi portant décentralisation supprime la préfecture comme collectivité locale et par conséquence les élections préfectorales.
L’ANC appuie sa requête par un argument juridique :
« En effet, l’amendement se présente comme le corollaire du droit d’initiative, mais il s’agit d’une « initiative limitée » en ce sens qu’elle ne s’exerce que dans le cadre du projet ou de la proposition de loi en discussion. L’amendement ne peut faire naître une question nouvelle. (Pierre Avril, Jean Gicquel, Droit parlementaire, le droit d’amendement, page 197)», selon le mémoire du parti.
La Cour Constitutionnelle composée majoritairement de juges désignés par le pouvoir a donc sans surprise rejeté la requête de l’ANC. Selon l’institution, bien qu’étant membres d’un parti politique, « les requérants n’ont pas qualité à saisir la cour pour la régulation du fonctionnement de l’Assemblée nationale.» Selon la loi, seuls les députés et le président de la République peuvent faire une saisine de la Cour Constitutionnelle. La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction du Togo en matière constitutionnelle.
Verrouillage des institutions
L’opposition togolaise a boycotté les élections législatives du 20 décembre 2018, permettant ainsi au pouvoir de procéder facilement à des modifications de la Constitution. Elles ouvrent la voix à Faure Gnassingbé au pouvoir depuis 2005 de candidater pour un quatrième mandat en 2020.
Le verrouillage de la constitution et des institutions par le pouvoir UNIR est la source de la crise politique qui mine le Togo depuis 1991. L’Administration, l’appareil judiciaire et économique, l’appareil électoral et l’armée sont aux mains de la même famille depuis 1967, rendant impossible toute alternance à la tête du pays.
Jeu de dupes de l’ANC ?
Si le rejet du recours de l’ANC est sans surprise, la démarche du parti de Jean-Pierre Fabre semble une opération de communication politique à destination de sa base électorale, à quelques semaines de la tenue des élections locales.
Visiblement l’ANC n’assume pas le boycott des élections législatives par la Coalition des 14 partis de l’opposition, et compte faire porter le chapeau aux autres membres.
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