Révolution togolaise/le tour de garde: Liberticide

“Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage.”          Périclès

Le Parti National Panafricain (PNP) dérange. À raison. Le PNP est dans la justesse de l’action politique. Perçu comme un parti sans concession et sans compromission si ce n’est à la seule liberté, il dérange aussi bien le pouvoir que bon nombre de partis de l’opposition. La pertinence stratégique de ses revendications ébranle l’ordre mafieux qui régente le Togo. Pour les pouvoirs publics togolais, il devient urgent de le museler. Mais ne nous y trompons pas ; c’est bien la liberté du peuple togolais qu’on assassine dans l’indifférence générale pour conserver vaille que vaille le pouvoir politique. À quand le réveil citoyen ? Avons-nous seulement prêté attention aux mots d’ordre de la manifestation du 13 avril 2019 ? Nous sommes-nous arrêtés sur le point de l’exigence de l’application intégrale de la feuille de route de la CEDEAO ? Autrement nous serions passés à côté de la source de l’énervement présent des autorités togolaises autant que de la compréhension de certaines prises de positions partisanes notamment celles du comité d’action pour le renouveau (CAR). Ce parti revient subrepticement à l’application de l’Accord politique global (APG) au moment même où le gouvernement et son parlement de godillots s’apprêtent à enterrer la feuille de route de la CEDEAO qui, on peut le dire, a rendu caduques les conclusions de l’APG dont on ne peut plus demander l’application sans semer la confusion politique favorable au maintien du statu quo. C’est bien pourtant ce que fait le CAR avec zèle. Une fois encore, le PNP touche à l’essentiel et fait mouche. Il met les pouvoirs publics et la communauté internationale face à leurs responsabilités prises dans le cadre d’une résolution internationale de crise. De facto, cela oblige tous les acteurs. Le PNP prend le peuple togolais et communautaire à témoin en ne demandant que…l’application intégrale des prescriptions de leurs représentants. Comme le retour de la C92, il porte une fois encore le glaive au bon endroit et va directement à la jointure du renoncement et de la forfaiture. Voilà la faute impardonnable qui vaut l’acharnement de Lomé 2 sur les principaux animateurs de ce parti.

LE JEU TROUBLE DES ALLIES DE L’OPPOSITION

Face à l’agression perpétrée contre le PNP, la faiblesse de la réaction de la classe politique est effarante. Les principaux partis de l’opposition se sont fendus d’un simple communiqué de condamnation. Service minimum. Cela laisse à désirer. Que ne montent-ils pas au créneau pour peser dans la balance de la défense des libertés confisquées ? Pourquoi le reste de la C14 laissent-ils faire sans appeler les militants à descendre dans la rue au nom de la défense de la liberté même de manifester ? Pourquoi ces calculs politiciens et ses joies mesquines qui semblent dire mezzo voce : « c’est bien fait pour eux » ? Quelle cécité politique de ces acteurs perclus d’incompétence qui ne peuvent ou ne veulent pas voir plus loin que le bout de leur écuelle ? Quelle médiocrité de la pensée et du cœur qui laisse l’ogre dévorer son voisin avec le sot sentiment de prendre sa place et d’être épargné par le prédateur dont la nature intrinsèque est la prédation ?

Pendant ce temps où se joue le destin de tout un peuple, au moment où les députés godillots s’apprêtent à fossoyer la C92 dans son esprit, l’opposition se cherche et s’étripe autour des os des élections locales jetés par Lomé 2, des histoires de sous et de malversations qui font florès au sein des partis politiques, des divisions factices et de réels ressentiments. Quel gâchis !

Me AGBOYIBO DANS LE PARFAIT RÔLE DE JUDAS

Au lieu d’une indignation véhémente face à la mise sous cloche des libertés publiques, le CAR embouche la trompette panégyrique du dialogue comme solution à la crise que traverse le pays depuis plus d’une génération. Alors même qu’on sort à peine du 28ème dialogue stérile avec le même pouvoir. Surprenant de la part de celui-là même qui au sortir d’un bal de cocus avec le régime et ses complices de la cedeao a pu clamer en mondovision que l’on « les prenait pour des bambins ». Pour autant, Me Agboyibo n’hésite pas à prôner à nouveau comme moyen de sortie de crise le jeu de bambin du dialogue avec l’issue que nous savons tous désormais : le maintien de la dictature. On ne fera pas l’injure au CAR – et surtout à l’envergure politique de son chef – d’ignorance de cette conséquence. Aussi la proposition du dialogue comme ligne stratégique de l’opposition coalisée est une félonie et même une forfaiture. Me Agboyibo, comme sous sa primature, reprend l’option du réformisme vain et postule inopportunément une cogestion du Togo qui ne peut être qu’une collaboration avec les forces liberticides de la dictature. La traversée sans trace d’une extension du périmètre de l’association des malfaiteurs du peuple togolais.

En définitive les actions et initiatives récentes du CAR ont pour conséquences directes ou indirectes la mise en charpie de l’opposition et sa « livraison » à la férocité du pouvoir de Lomé 2. C’est ainsi que contre tout bon sens, ce parti, secondé par l’alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI), a trusté des postes de représentants extraparlementaires à la commission électorale nationale indépendante (CENI). Ils ont accepté le vote des « députés nommés » à la suite d’une élection très largement boycottée qui pose la question de leur légitimité. En acceptant, en catimini, de bénéficier de leur vote et en faisant allégeance devant ces instances illégitimes, ces partis issus de la C14 consentent (contre quels avantages ?) à les légitimer et à saboter symétriquement tout l’effort de la coalition et du peuple togolais.

Il est remarquable dans la vulgate du CAR le retour à l’application des dispositions de l’Accord Politique Global (APG) de 2006 comme balise de futurs dialogues avec le régime de Lomé 2. Quid de la feuille de route de la CEDEAO ? Le CAR adopte les éléments de langage du gouvernement dans son passage en force vers les élections présidentielles de 2020 en mettant de côté les prescriptions jugées gênantes de la CEDEAO. Son rôle est bien celui de défricheur ou d’ouvreur de voie pour Lomé 2.

Plus pernicieuse encore est la condamnation par Me Agboyibo de ce qu’il qualifie de « loi de la jungle » comme base des manifestations que la C14 a conduites dix-huit mois durant et que le PNP a reconduites le 13 avril 2019. L’insulte n’est pas loin. Les manifestations sont le fait des animaux ou, à tout le moins, de non civilisés politiques. L’animalité se retrouve du côté des défenseurs de la liberté et du peuple. Une respectabilité virginale est attribuée en creux au bourreau continuel de la nation. Saisissant renversement opéré par un parti qui a rallié la C14 sur le tard et qui apparaît hideusement dans son rôle de taupe au service de la dictature. Le CAR donne un blanc-seing à la soldatesque de Lomé 2. Un véritable permis de tuer. Un signal clair reçu cinq sur cinq par le RPT/ UNIR. Mutatis mutandis, la razzia politique contre le PNP et la mise sous séquestre des libertés du peuple peuvent désormais s’accentuer. Le CAR trompe le peuple togolais. Une C14 rénovée devrait tenir ce parti à sa lisière si elle veut atteindre ses objectifs de changement de régime et d’alternance au sommet de l’État togolais.

À bon entendeur…

Jean-Baptiste K.


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