Nigéria : L’émir Sanusi II de Kano accusé de détournement de fonds

L’émir de Kano, Sanusi II, est visé par une enquête du Parlement de Kano pour détournement de fonds, ses partisans parlent d’une cabale politique visant à l’éliminer.

L’émir du Kano est plus que jamais la sellette. Les parlementaires de l’Etat conservateur de Kano ont mis en place le 11 mai dernier, un comité chargé de mener des investigations sur huit allégations le disant pour « détournements de fonds appartenant au conseil de l’émirat ». Le comité doit rendre ses conclusions d’ici deux semaines.

Les charges sont très lourdes.  Menées tout d’abord par l’agence anti-corruption qui a annoncé début mai enquêter sur le conseil de l’émirat sur des faits de détournements de fonds publics portant sur des dépenses de 6 millions naïras soit 11 milliards Cfa. Les dépenses ont servi à acheter  voitures de luxe, affréter des avions, payer des factures de téléphone et d’Internet ainsi que d’autres frais personnels. L’émir rejette les allégations.

Cependant la motion de censure ayant conduit à l’installation du comité d’enquête avait aussi accusé l’émir de « poser d’étranges problèmes religieux et de s’engager en politique » et de ternir l’image du Kano.

De même, un des parlementaires a également indiqué que l’émir  ternit l’image de l’Etat de Kano en portant des accusations de mauvaise gestion sur le gouverneur de Kano, Abdullahi Umar Ganduje, et plusieurs députés de mauvaise gestion de fonds publics pendant un voyage en Chine. L’émir aurait également  « intentionnellement attaqué le président Muhammadu Buhari dès qu’il en avait l’occasion dans les rassemblements publics », selon Le Monde.

Un émir moderne et progressiste contre une société islamo-conservatrice

Et il est fort probable que les accusations ad hominem et ad personae contre l’émir soient en réalité d’ordre politique et visent à contrer son ascension politique. Ancien président de la Banque fédérale du Nigéria, connu pour sa compétence, et fort d’une aura internationale, ce banquier a mis en place une politique de modernisation depuis son arrivée à la tête de l’émirat.

Dans un Etat de Kano islamo-conservateur qui applique la charia depuis 2000, et un Nord du Nigéria malmené par Boko Haram, l’émir a choqué les forces politiques et religieuses par sa volonté de toucher aux traditions indécrottables, signes d’arriération.

Depuis plus d’un an, une équipe de religieux et de juristes rassemblés par l’émir planche sur un projet de Code de la famille, régissant mariage, divorce ou héritage et censé mettre fin aux abus au sein des nombreux foyers polygames. Le code de la famille jugé progressiste et qui fait « beaucoup de faveur à la femme »  va à l’encontre du conservatisme religieux du milieu. Il a ainsi fait des déclarations pour des réformes sociales jugeant obsolètes certaines pratiques traditionnelles.

Dans une région majoritairement musulmane qui tend à reléguer la femme au strict rôle  d’appendice du mâle, l’émir a été vivement critiqué pour s’être fait représenter par sa fille lors d’une cérémonie officielle, en lieu et place des officiels de l’émirat.

Evidemment, les sympathisants de Sanusi II ne l’entendent pas de cette oreille et accusent les dirigeants politiques de Kano de discréditer les réformes progressistes entreprises par l’émir.

En fait, l’émir s’attaque à des acquis d’une classe politique nigériane nordiste réputée corrompue et qui ne vit que par l’exploitation de la misère sociale et de l’ignorance de la multitude.

Chef traditionnel, l’émir dispose cependant de beaucoup d’influences sur l’opinion.

 


En savoir plus sur Le Temps

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

About Komi Dovlovi 1119 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

Laisser un commentaire