Les populations manifestent contre l’abolition de la chefferie traditionnelle Tem de Lama-Tessi en faveur d’un chef Kabyè nommé par le gouvernement.
La préfecture de Tchaoudjo est entrée en ébullition depuis le week-end dernier: la nomination par decret du ministre de l’administration territoriale d’un chef traditionnel d’ethnie Kabyè dans le canton de Lama-Tessi, est à l’origine des soubresauts dans la région.
Ce matin, les populations de Sokodé (chef-lieu de la préfecture de Tchaoudjo) ont organisé une gigantesque marche de protestation contre le décret de nomination du nouveau chef traditionnel du canton de Lama-Tessi.
Samedi 8 avril, les populations de Kadambara, un autre canton de la préfecture de Tchaoudjo, ont également protesté massivement contre le décret portant nomination du chef Kabyè.
Barons du pouvoir mis en échec
Les ex-ministres du RPT et d’UNIR, le général Seyi Mémène, le colonel Ouro-Koura Agadazi, et Katari Foli-Bazi, tous tem et originaires de la préfecture de Tchaoudjo, dépêchés auprès des populations pour faire accepter la décision du gouvernement, ont essuyé un cuisant échec.
Les populations reprochent au gouvernement l’imposition d’un chef allogène à des autochtones, majoritairement des Tem. Généralement, les populations allogènes dépendent de la chefferie traditionnelle autochtone. Et les populations elles-mêmes ont leur mode de désignation du chef, selon les us et les coutumes. Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation n’a en réalité pour rôle que d’entériner les choix des populations autochtones.
Mais ces principes des us et coutumes locaux se heurtent quelquefois à la volonté politique de l’Administration centrale désireuse d’imposer dans certaines localités pour des raisons politiciennes et électoralistes, des chefs traditionnels n’ayant pas la caution de leur communauté.
Jeu dangereux du ministre Payadowa Boukpessi
La situation est encore plus complexe en ce qui concerne le cas du canton de Lama-Tessi, frontalier Soutouboua, préfecture d’origine du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Payadowa Boukpessi. En prévision des élections locales voire législatives prochaines, le ministre essaie de jouer sur la carte et le territoire, en passant par une recomposition des représentations politiques locales.
M. Payadowa Boukpessi manipule l’histoire, la géographie et le démographie pour créer des situations favorables à UNIR, le parti au pouvoir. Comme l’indique l’éthonymie, Lama-Tessi est mot d’origine Kabyè, littéralement il signifie » village des Lama ou ferme des Lama ». Les Lama sont des Kabyè de la préfecture de Kozah qui ont donné leur nom à la ville de Kara, anciennement Lama-Kara.
Majoritairement peuplé de Kabyè, Lama-Tessi n’en demeure pas moins une localité Tem. La démographie kabyè en ces lieux s’explique par un peuplement forcé à l’instigation du colonisateur allemand pour des raisons agricoles. Les Tem abusivement appelés Kotokoli, peuples commerçants, sont rétifs au travail de la terre. Et les Kabyès sont réputés pour leur technique agricole et leur ardeur au travail agreste. Les Allemands les ont donc déplacés sur ces terres propices de Tchaoudjo et de Sotouboua (tous territoires de peuplement tem) pour leur mise en oeuvre agricole.
En voulant imposer un chef kabyè allogène à une population tem autochtone, le ministre Boukpessi essaie d’entériner un fait démographique- une majorité de kabyè- en effaçant l’histoire tout en bafouant les us et coutumes tem. Ce faisant, il attise les démons de l’ethnisme et du tribalisme entre les communautés.
En 1991, en pleins soubresauts démocratiques, des tensions entre les Kabyè et les Tem de la préfecture de Sotouboua ont fait des dizaines de morts. Le jeu électoraliste du ministre Payadowa Boukpessi pourrait mettre le feu aux poudre dans cette zone du pays.
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