Aucun obstacle majeur sur le chemin du président Paul Kagamé pour briguer un troisième mandat. Le verrou de l’article 101 de la Constitution qui limite les mandats à 7 ans renouvelable une fois, pourra être sauté prochainement. C’est ce qui ressort en tout cas d’une «retraite» lundi dernier du Front patriotique rwandais (FPR), d’après une dépêche de l’agence Reuters.
Elu en 2003 et puis réélu en 2010 avec une victoire écrasante, Paul Kagamé ne pourrait en principe pas briguer un troisième mandat. Mais une modification lui offrirait l’occasion de briguer un troisième voire un quatrième mandat. Aucun obstacle ne se dresse sur son chemin. Une pétition signée par des milliers de personne réclame un troisième mandat et les cadres du FPR ont « promis de poursuivre sérieusement le débat pour amender de la Constitution ».
Le troisième mandat de Paul Kagamé ne soulève aucune réprobation majeure dans son pays, qu’il dirige avec autoritarisme. Le président rwandais a gagné la présidentielle de 2010 avec un score à la soviétique de près de 93% des voix- contre 95% en 2003. L’opposition est quasi inexistante. Les opposants sont soit embastillés ou carrément réfugiés à l’étranger voire assassinés.
Seuls les Etats-Unis ont manifesté leur désapprobation d’un troisième mandat de l’actuel président rwandais. Mais les pressions risquent de ne pas suffire, et pour cause contrairement à ses homologues africains, Paul Kagamé a un bilan qui plaide en faveur.
Pour un pays qui a connu un bouleversement total sur tous les plans et a risqué l’anéantissement avec le génocide de 1994, le Rwanda constitue un modèle de bonne gouvernance en Afrique.
Bilan élogieux
La situation économique- une croissance de 6% depuis plusieurs années, et son bilan sur le plan social plaident en faveur d’un président redouté. Les dépenses publiques pour la santé sont de 27,3 % du budget de l’État, l’une des plus élevées au monde. Bien qu’étant un des pays les plus pauvres du monde, 92 % de la population rwandaise dispose d’une assurance maladie publique, soit plus que dans la plupart des pays développés.
Les dépenses en faveur de l’éducation dépassent plus de 19 % du budget. Le taux d’alphabétisation de la population de 15 ans et plus est de 70,4 %37. Les femmes de 15 ans et plus sont alphabétisées à 64,7 % et les hommes à 76,3 %. L’accès à l’éducation est passé de 7,5 à 96 %.
Vu ces états de service, un troisième pour continuer voire consolider une si remarquable prouesse ne serait pas un grand mal pour le Rwanda. Mais c’est là que réside le problème de Paul Kagamé : l’usure du pouvoir. En réalité, le président rwandais est au pouvoir depuis juillet 1994 après la victoire du FPR. Il fut vice-président et ministre de la transition après le génocide, de 1994 à 2000, et détenait l’essentiel d’un pouvoir qui était et reste un pouvoir militaire basé sur un appareil sécuritaire des plus redoutables en Afrique. Élu président par le parlement le 17 avril 2000 à la suite de la démission du Président Pasteur Bizimungu, le général Kagamé est en réalité « l’homme fort » du Rwanda depuis 21 ans.
Sans successeur
Une telle longévité ne peut s’expliquer que par l’absence de dauphins. Des dauphins éliminés physiquement ou poussés à l’exil. Sans successeur, c’est donc en toute logique que par des manœuvres dignes des dictatures de Mobutu et d’Eyadema, il fait croire au monde entier que c’est la vox populi qui lui demande de rempiler pour un sept autres années en 2017. Une adhésion populaire qui lui garantirait la légitimité. Mais en étant engagé sur ce terrain, il risque d’être dans une logique d’une présidence à vie.
Mais M. Kagamé ne doit une telle longévité que grâce à l’appui des puissances étrangères et surtout de la chape de plomb qui pèse sur la société rwandaise. L’unité du Rwanda réalisé au forceps en tout déni démocratique, a laissé de nombreux mécontentements. D’aucuns parlent d’une unité de façade qui risque d’imploser si le pays ne s’engageait pas dans la voie d’une démocratie véritable où les problèmes du pays sont discutés selon le principe de la pluralité des débats.
La constitution sera sans doute toilettée pour permettre à Kagamé de briguer un troisième mandat. Mais ce faisant, il n’est pas certain qu’il pourra pas plus apporter autre chose à son pays que le bilan élogieux à son actif, si ce n’est des lendemains incertains d’un pouvoir personnel et despotique.
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