Reflets, une revue littéraire qui n’en est pas vraiment une

L’Association des écrivains togolais (AET) a présenté jeudi dernier à la salle Agora Senghor de la Paroisse universitaire Saint-Jean de Lomé,  le numéro 00 de la revue littéraire trimestrielle, Reflets.  C’est quelque peu la soirée de dédicace le 7 août dernier.

Une note tout de même importante, Reflets paraît dans un contexte de désert intellectuel de la critique dans l’espace médiatique. Seuls la politique politicienne togolaise  et des comptes-rendus de séminaires, ainsi que des analyses tirées par les cheveux jalonnent les colonnes des journaux togolais. Le fait culturel n’intéresse personne, laissant le public focalisé sur des situations qui peuvent ne relever parfois d’aucun intérêt.

Maquette 

Néanmoins, il y a beaucoup à dire sur ce trimestriel dit littéraire réalisé à l’instigation de la ministre des Arts et de la Culture, Mme Anaté Kouméalo. Tout d’abord, intéressons-nous à l’apparence de cette revue. Le premier numéro est un magazine de format A4, avec le papier journal à l’intérieur. Si la première et la quatrième de couverture sont en couleur et papier glacé, l’indigence du papier journal à l’intérieur laisse une impression désagréable.

Ce sentiment est surtout renforcé par un choix d’éditing des articles, les textes ne sont pas présentés en colonne, pas du tout illustrés, se présentant comme une feuille de devoir,  même pas le contenu d’un journal d’un collège de la place.Visiblement, la revue dont l’essentiel de l’équipe est constituée d’enseignants a voulu faire un magazine qui ressemble peu ou prou aux livres de littérature française enseignées dans les lycées du Togo. C’est un signe manifeste d’absence de direction artistique. Même le magazine Togo Dialogue en son temps était meilleur.

Reflets 1

La revue n’a pas d’ours, il est donc difficile de savoir ceux qui exercent dans l’équipe de rédaction ou s’il y en a. A moins que le jeune et talentueux Anas Atakora, poète et critique littéraire qui a écrit l’essentiel des articles en est le seul rédacteur- en compagnie d’un éditorialiste improbable, l’écrivain Claude Assiobo Tis, peut-être le directeur du magazine ?

Ensuite, 12 articles, pour l’essentiel des analyses de quelques auteurs,  deux poèmes et un récit inédits, un album des dernières parutions, constituent l’essentiel du contenu de ce premier numéro.

Le contenu

On note qu’en réalité, il n’y a peut-être qu’un ou trois articles qui furent écrits, le reste est un copier-coller des articles de blogs d’enseignants togolais exerçant à l’étranger ( Sewanou Dabla, Kofi Anyinefa), de jeunes enseignants critiques littéraires (Edem Latevi et Anas Atakora), de journalistes. A part l’éditorial de Claude Assiobo Tis, vice-président de l’Association des écrivains du Togo (AET), qui définit à peine la ligne éditoriale de la revue, qu’est-ce qui a été fait ? Rien, rien, rien. Est-ce de la fainéantise intellectuelle ? Peut-être. Mais possiblement de l’amateurisme.

Enfin, on constate qu’il n’y pas d’équipe scientifique, ce qui est souvent le cas pour une telle périodique.  Il n’y a tout simplement pas d’équipe de direction. Ce qui laisse à penser que l’AET est dirigée par des acteurs ayant très peu conscience de l’importance de cette revue dans la renaissance qu’on veut imprimer aux arts et aux lettres au Togo.

Car si une revue littéraire est une publication périodique spécifique au champ littéraire (littérature, poésie, critique littéraire et autres), elle est surtout un des vecteurs principaux de la critique.

L’histoire de la littérature a montré que les revues littéraires ont été un vecteur des recherches et des expérimentations permettant à de nombreux auteurs tout à la fois de rechercher leur propre écriture et de rencontrer des écritures pouvant correspondre à leur propre démarche. Les diverses revues surréalistes ont, par exemple, joué un rôle non négligeable de défrichage.

Quels sont alors le rôle  et les objectifs de Reflets ?

Manque de financement ?

Reflets a été financé par le Fonds d’aide à la culture. Et on sait qu’à son premier exercice de gestion, le FAC a voulu satisfaire tout le monde, en distribuant l’argent à tout-va mais de façon extrêmement parcimonieuse. Le financement n’a-t-il pas été à la hauteur des espérances de l’AET pour qu’on produise une revue de cette pauvreté ? C’est fort possible. Mais qui  peut le plus, peut le moins. Les moyens financiers ne sont pas le seul handicap, il y a manifestement un problème de ressources humaines, d’hommes d’expérience.

On n’en revient pas du numéro 00 de Reflets, la revue littéraire de l’AET. Grosso modo, ça montre non seulement l’indigence du milieu littéraire décrié depuis plusieurs années, mais aussi à quel point on n’en est pas conscient et l’amateurisme qui le caractérise. Juste l’impression d’un manque d’ambition dans le domaine. Une revue littéraire est le fait de spécialistes de la chose littéraire, des critiques et des journalistes rompus à la tâche. Un poète ou un romancier n’est pas forcément un spécialiste de la littérature.  C’est aussi et surtout  la faute aux universitaires togolais si le marché est dans un tel état. Leur absence de la scène, peut-être par incompétence ou certainement par paresse,  pour créer un espace de  promotion et de critique de la littérature nationale, est la cause principale de la misère intellectuelle que vit le landerneau culturel.

 


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A propos Komi Dovlovi 1120 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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