L’échec du dialogue politique a apparemment sonné l’opposition à telle enseigne qu’elle semble retrouver le sens de la réflexion. Une stratégie pour une unité d’action semble se dessiner avec des rencontres secrètes entre la Coalition Arc-en-ciel et le Collectif Sauvons le Togo (CST). Mais on en est pour le moment à des manœuvres partisanes. A quand de vraies discussions pour une alternance crédible ?
C’est Patrick Lawson, le vice-président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), parti cheville ouvrière du CST, qui a vendu la mèche sur radio Kanal FM :
Nous voulons que l’opposition puisse avoir une stratégie commune qui lui permette de gagner les prochaines échéances électorales. C’est parce que nous venons de terminer le dialogue, il fallait qu’Arc-en-ciel nous explique ce qui arrive au député Targone, et nous, de notre côté, nous fassions le débriefing et qu’on informe les populations que nous ne sommes pas encore revus. C’est ce que nous avons décidé. Nous sommes en face du danger et l’échec de ce dialogue nous a encore le plus motivés.
Grosso modo, les deux coalitions seraient en train de travailler sur « une plate-forme à minima entre les deux entités, devant permettre au CST et à la Coalition Arc-en-ciel de gouverner ce pays ensemble très bientôt.
Des propos un brin optimistes de Patrick Lawson, mais qui cachent en réalité les intentions réelles des négociations secrètes entre les « deux entités ». Dans le cadre de la présidentielle prochaine, l’opposition part avec plusieurs désavantages dont le cadre électoral qui fixe le mode de scrutin à un seul tour, une commission électorale taillée sur mesure pour le pouvoir, une Cour constitutionnelle à la solde du pouvoir, une machine électorale vieille d’au moins 20 ans, et des moyens colossaux du régime dont le candidat probable Faure Gnassingbé semble déjà parti en campagne avec l’activisme débridé de sa ministre en charge du développement à la base.
Au sein de l’opinion, on demande à l’opposition togolaise d’avoir une candidature unique, un programme commun de gouvernement, et la mutualisation des moyens et des ressources tant humains, techniques et financiers, dans la perspective de la présidentielle 2015.
Leadership non controversé, mutualisation des ressources
Or, les récentes législatives ont démontré l’échec de l’opposition à s’entendre sur la réalisation de ces objectifs. Le Collectif Sauvons le Togo avait mis en échec une possible attente de listes communes avec la Coalition Arc-en-ciel, en alléguant un retard de calendrier.
C’est le même cas qui se pose de nouveau à l’opposition, que le pouvoir met au défi de réaliser son union voire son unité, d’avoir une candidature unique crédible devant rassurer les forces conservatrices quant à une alternance pour tous, de concevoir un programme commun de gouvernement, et de disposer des moyens financiers et des ressources humaines pour triompher de la redoutable machine électorale mise en place par un pouvoir presque quinquagénaire. La question d’un leadership s’imposant à tout le monde est indispensable, car en face celui de Faure Gnassingbé s’impose à toutes les voix de son camp de façon absolue.
L’histoire du processus démocratique depuis 1991, a donné lieu à des rassemblements de l’opposition. Mais l’exemple du COD I et COD II est décrié par beaucoup de partis, ce sont généralement des unions de façade qui s’éclatent à la veille des présidentielles du fait des ego surdimensionnés des leaders de partis, chacun s’estimant être le plus beau pour être le candidat, le seul possible. D’où en 1993, un non-rassemblement derrière Edem Kodjo, pourtant candidat du COD II. Peu soutenu par ses pairs de l’opposition, ce dernier, un maladroit et un mauvais tacticien a réussi tout de même à perdre la présidentielle malgré le soutien de la France.
En 2005, l’opposition a réussi à avoir une candidature unique face à Faure Gnassingbé. La candidature de Bob Akitani, vice-président de l’UFC, parti extrêmement populaire à l’époque a réussi à avoir le soutien de tous les grands partis de l’opposition dont les leaders sont pourtant des adversaires acharnés de Gilchrist Olympio. Peut-être cette candidature unique a-t-elle été possible à cause de l’urgence historique causée par la mort d’Eyadema, après 38 ans de règne, et de l’impréparation des partis face à un événement prévisible mais pour lequel ils n’avaient prévu aucune stratégie ni scénario d’issue. La candidature unique en 2005, à la faveur des pressions de certaines puissances a été donc un pis-aller et un raccourci, même si elle a été possible grâce au leadership de Gilchrist Olympio. Un leadership malavisé qui a fourgué un vieillard, candidat peu crédible face à un jeune qu’on présentait comme moderne !
Les propos de Patrick Lawson paraissent comme des manœuvres de partis pour gérer un gain, et non comme une volonté réelle d’asseoir les bases d’une alternance crédible. Car, ce n’est un secret pour personne que l’ANC, autant que l’UFC par le passé, ne fait pas mystère de revendiquer le monopole de l’opposition, et de considérer Jean-Pierre Fabre comme LE candidat.
Il faudrait que le Collectif Sauvons Le Togo et la coalition Arc-en-ciel sortent des schémas partisans, et travaillent en collaboration avec la société civile pour que l’on trouve objectivement le candidat unique, l’homme capable de rassembler tous les Togolais.
L’histoire récente de l’Espagne, du Portugal, du Chili, du Brésil et de l’Argentine, et de l’Afrique du Sud, montrent que pour un changement véritable, il faut un rassembleur dont le leadership ne souffre d’aucune controverse.
K. Dovlovi
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