Qui a peur d’Abdoulaye Wade ?

Le peuple du Sénégal est issu de vieux royaumes africains où la politique est tout un art. La parole aussi. La preuve est que le voyage d’Abdoulaye Wade est transformé en affaire politique avant la lettre. A Dakar, on vit déjà un air de campagne alors que la présidentielle n’aura lieu que dans trois ans.

Attendu hier 23 avril, l’ex-président du Sénégal ne sera finalement sur sa terre natale que ce vendredi 25 avril. Une question de plan de vol  et d’autorisation de décoller serait à l’origine du report du voyage, selon les autorités. A Dakar, on explique que le Sénégal n’a reçu aucune demande d’atterrissage, aucun plan de vol, des formalités qui se règlent 48 heures avant le vol. Les partisans d’Abdoulaye  Wade ne sont pas de cet avis : Macky Sall aurait peur du vieux ! Ambiance.

Pour le PDS, tout est fait pour décourager le retour du Président, qu’on aurait voulu faire atterrir de nuit, pour éviter ainsi l’accueil de ses partisans ne se transforme en démonstration de force.  Il est vrai que le centre-ville et les abords de l’aéroport sont interdits aux militants et sympathisants du leader des libéraux. Des partisans fortement mobilisés pour accueillir leur leader devenu opposant numéro 1.

Autre son de cloche à la Présidence de la République où on accuse Abdoulaye Wade de rejouer la vieille méthode de la victimisation en organisant tout ce brouhaha autour de son voyage. Le Président aurait remplacé  au dernier moment les noms des marocains qui ont pris l’avion par les siens, “compliquant” ainsi”volontairement les formalités administratives”.

Quel intérêt pour le gouvernement sénégalais à retarder un avion qui atterrit à Dakar ? Je pense qu’on se trompe d’époque et de méthode et qu’Abdoulaye Wade gagnerait à comprendre que les choses ont changé. Il a fait son temps et il ne comprend pas encore. Les Sénégalais le lui ont expliqué le 25 mars 2012, s’agace Abdoulatif Coulibaly, ministre porte-parole du Gouvernement, sur RFI ce matin.

Une arrivée sous tensions-son fils Karim est en prison depuis un an pour affaire d’enrichissement illicite- que le président Abdoulaye Wade règle en soufflant le chaud et le froid. En dépit de ses déclarations va-t-en-guerre dans le quotidien français Le Monde, le numéro 1 du PDS tente de calmer le jeu sur RFI. A propos de son fils qui sera jugé par la justice dans les prochains mois, il adopte un ton conciliant :

Karim n’a rien fait. Il est innocent. Vous savez, les condamnations des tribunaux politiques, je connais cela. Les manipulations de la magistrature, c’est connu. Ce qu’il (Macky Sall, actuel président sénégalais, ndlr) voudrait, c’est le faire condamner, mais je suis sûr que Macky n’ira pas jusque-là. Il y a quelques temps, on pouvait le croire, mais aujourd’hui je pense que ce qu’il souhaite, c’est que les choses trouvent une solution.

Difficile de savoir si on trouvera une solution. Certes, Abdoulaye Wade a mis dans le coup les chefs des confréries, très influentes dans le jeu politique sénégalais pour sauver son fils des griffes de la justice. Et Abdoulaye Wade continue de mettre la pression sur le gouvernement. Alors qu’on l’accusait de vouloir placer son fils, Abdoulaye Wade qui est toujours le président du PDS, la principale formation d’opposition, n’a pas totalement abandonné toute ambition politique. A 87 ans- on lui prête plus de 90 années, le président pense peut-être que sa carrière politique est devant lui, d’autant plus que l’occupant actuel du Palais de la République n’a pas encore fait ses preuves en matière économique :

Si je suis en bonne santé, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas travailler. Vous savez, ici en Europe, on est obnubilé par l’âge. J’ai dit à mes adversaires : laissez les Sénégalais juger. S’ils s’aperçoivent eux-mêmes que le père Wade est devenu gâteux et ne peut plus rien faire, ce sont eux qui me dégageront.

Abdoulaye Wade 2

Abdoulaye Wade est un très vieux routière de la politique sénégalaise, qui a connu à la fois Senghor et Abdou Diouf. Il ne parle pas pour lui mais pour son fils. Si on peut douter de son retour à la tête de l’Etat, il pourrait bien négocier la retraite provisoire de son fils contre l’indulgence des tribunaux !

 


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A propos Komi Dovlovi 1094 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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